samedi 24 mars 2007 par Le Nouveau Réveil

Au-delà de son caractère politique, ce qui se passe au palais de justice d'Abidjan heurte violemment notre conscience et le bon sens tout court. Qui eût cru que dans cette Côte d'Ivoire de Laurent Gbagbo, ex-grand défenseur des droits individuels, des libertés publiques et de la démocratie, l'on puisse, sans se cacher de la lumière du jour, traduire et juger un député en fonction devant un tribunal de droit commun, sans prendre la précaution de lever son immunité parlementaire ?
Ainsi donc, Laurent le démocrate s'apprête à mettre en prison un ancien ministre de la république et député en fonction en bafouant le droit. Quelle gloire en tirera-t-il, personnellement ? Quelle fierté des magistrats peuvent-ils en tirer, eux qui ont délibérément choisi de joindre des exceptions d'ordre public au fond du débat ? Quel scandale ! Et dire que tout ça se passe en plein jour, publiquement, devant des parlementaires, des chefs traditionnels, dans le temple de Thémis. Dans ce pays de Laurent Gbagbo, il est vrai, c'est la rébellion contre les valeurs morales, il n'y a plus de règle inviolable. Mais tout même ! Pour comprendre ce qui se passe, il faut savoir que M. Adjoumani a été condamné avant même qu'il ne soit jugé. Au départ, le député de Tanda avait cru qu'il s'agissait d'une grosse plaisanterie, qu'il n'était pas nécessaire qu'il se rende personnellement au tribunal. Parce qu'il estimait, à bon droit, que devant les exceptions d'ordre public soulevés par ses brillants avocats, le tribunal correctionnel ferait marche arrière. Que non, il y a un objectif à atteindre : condamner. La sentence donc était connue avant l'ouverture des débats. N'est-ce pas le chef de l'Etat Laurent Gbagbo qui est l'initiateur de la procédure ? depuis quand en Afrique un chef a-t-il eu tort ?
La justice est comme un jeu, elle a ses règles et son charme c'est justement d'utiliser le droit pour contrer le droit. C'est d'opposer des arguments de droit pour détruire d'autres arguments de droit. Or ici, dans le présent procès, le droit a été mis en cage. Les magistrats refusent de dire le droit selon leur intime conviction, et selon les enseignements qu'ils ont reçus à l'école. Dramatiquement, et devant une telle forfaiture, le ministre Adjoumani n'avait d'autre alternative que de s'élever au-dessus de cette parodie de justice et de refuser de s'expliquer devant un tribunal qui n'a pas compétence pour le juger.
Dans cette affaire, il faut saluer l'extraordinaire élan de solidarité des députés qui sont allés soutenir leur collègue de Tanda. Car, à travers Adjoumani, c'est toute une institution qu'on est en train de juger, d'humilier.
Akwaba Saint Clair

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