samedi 24 mars 2007 par Le Nouveau Réveil

L'audience a été reportée au vendredi prochain, on a vu aussi que votre client a refusé de parler. Vous avez jusque-là soutenu que le tribunal n'est pas compétent pour le juger. Qu'est-ce qu'on peut retenir concrètement en attendant le vendredi prochain (ndlr 30 mars 2007) ?
Nous avons soulevé plusieurs exceptions. Nous avons dit d'abord que l'action du Président Laurent Gbagbo a été mal engagée. La loi dit que lorsqu'il s'agit de faits commis à l'étranger, le tribunal doit être saisi à la requête du procureur de la République. Or, l'action a été directement initiée par le Président Laurent Gbagbo. Ce n'est pas le fait de Laurent Gbagbo mais l'action est irrecevable parce qu'elle a été mal engagée.

Et qu'en est-il de la loi italienne que vous avez évoquée ?
Alors, ici il faut percevoir la subtilité. Vous savez que dans les dispositions ivoiriennes, il est puni l'infraction à l'offense au chef de l'Etat de Côte d'Ivoire. Mais il est puni également l'infraction aux offenses d'un chef d'Etat étranger. Or, qu'est-ce qui se passe ? Dans la loi italienne, l'offense au chef d'Etat étranger n'est pas puni. On ne punit que l'offense au chef de l'Etat italien. Or, ce que dit notre code de procédure pénale, pour réprimer une infraction ici, commise à l'étranger il faut que ces faits soient jugés et punis dans les pays où ils ont été commis. Si le législateur italien n'a pas prévu le délit d'offense au chef d'Etat étranger, le juge ivoirien ne peut pas réprimer cette infraction puisqu'elle n'est pas prévue par le code pénal italien. C'est ce que nous avons dit.

Vous soutenez donc que le tribunal d'Abidjan n'a pas compétence pour juger le député Adjoumani ?
Oui. Entre autres, parce que nous avons plaidé qu'au moment des faits il était ministre. Et nous avons produit les jurisprudences ivoiriennes en l'occurrence l'arrêt Palenfo. Parce que le président Palenfo était ministre d'Etat et il a été poursuivi pour avoir attenté à la sûreté de l'Etat. Comme vous le verrez bien, l'attentat à la sûreté de l'Etat ne fait pas partie des fonctions d'un ministre. Or la cour de cassation ivoirienne, de façon claire et indiscutable a estimé que c'est à l'occasion de l'exercice de ses fonctions que ces faits lui ont été reprochés et par conséquent la seule juridiction capable de la juger était la haute cour de justice. Nous disons que le ministre Adjoumani est parti en Italie avec un ordre de mission, donc il était en mission d'Etat. C'est à l'occasion de cette mission qu'il a rencontré des militants. Donc il était en fonction. Par conséquent, nous disons que parce qu'il était ministre, le tribunal n'est pas compétent. Il y a aussi le fait que Adjoumani est député. Il est député et ne peut être poursuivi pour des faits commis pendant la session. Or lorsque les faits se produisaient en Italie, l'Assemblée nationale était en session.

L'affaire a été mise en délibéré, que peut-on attendre ?
J'ai pris l'habitude de ne pas me prononcer mais si vous me demandez la décision que j'aurais rendu si j'étais juge, je vous aurais dit sans réfléchir que l'action engagée par le Président Laurent Gbagbo est irrecevable. Et qu'il n'est pas besoin de statuer sur les autres si on a dit que l'action est irrecevable. Que le tribunal de droit commun en Côte d'Ivoire n'est pas compétent pour juger M. Adjoumani.
Propos recueillis par Jules Claver Aka

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