jeudi 29 mars 2007 par Le Nouveau Réveil

La paix de deux braves armés
Bonjour cher ami Charles,
Le dialogue direct de Ouagadougou, c'est bien terminé. Après la signature par les représentants des deux parties ex-belligérantes de l'accord complémentaire de désignation et de la procédure de nomination du nouveau Premier ministre, la délégation présidentielle conduite par Tagro Désiré est rentrée nuitamment mardi dernier à Abidjan. Criant "victoire". De son côté, c'est avec de larges sourires aux lèvres que les membres de la délégation des Forces nouvelles avec à leur tête le nouveau Premier ministre désigné Soro Guillaume, sont rentrés, hier, à Bouaké. Ils crient également "victoire". Les représentants du RHDP (Achi Patrick pour le PDCI-RDA, Cissé Bacongo pour le RDR, Blé Guirao et Noutoua Youdé pour l'UDPCI, Cissé Mamadou pour le MFA) reçus et informés à deux reprises par le nouveau Premier ministre Soro Guillaume, sont rentrés tous hier aussi à Abidjan quelque peu sceptiques, parce que ne comprenant pas grand-chose de cette danse des sorcières de la victoire autoproclamée de chaque camp. Tout se passe comme s'il y avait véritablement quelque chose de secret que les deux parties ont négocié et obtenu, mais qui ne figure point dans l'accord principal du 4 mars ou dans l'accord complémentaire signé lundi soir ici à Ouaga. Tout se passe comme si les deux "sorciers" ont attaché leur fétiche qu'ils cachent au peuple de Côte d'Ivoire. Enfin, tout se passe comme s'il y a un "deal" que Blaise Compaoré, le facilitateur et ses deux invités, Soro et Gbagbo, ont conclu ici à Ouagadougou et que nous autres ne découvrirons que bien plus tard. Ils nous mettront une fois de plus devant le fait accompli comme ils nous ont mis devant le fait en annonçant leur dialogue direct qu'ils ont pris soin d'entourer au départ de toutes les précautions égoïstes. Gbagbo crie victoire pour avoir signé un accord avec Soro. Accord dont le contenu ne diffère pas totalement des précédents signés à Marcoussis, à Pretoria I et II, à New York et bien avant même à Accra I, II et III. Je continue d'interpréter l'accord de Ouaga pour mieux comprendre cette joie débordante qui se lit sur tous les visages des membres des deux délégations ici à Ouaga. Ont-ils décidé de déposer les armes pour aller véritablement à la paix ? Gbagbo va-t-il déléguer de larges pouvoirs à Soro afin que celui-ci soit un Premier ministre aux mains enfin libres ? Soro va-t-il immédiatement, s'il obtient la délégation des pouvoirs à défaut de la délégation de signature, faire désarmer ses soldats comme le souhaitent Gbagbo et ses partisans ? Bref, en spectateurs impuissants, nous continuerons encore de nous interroger. Pour l'instant, témoin des derniers pourparlers ici de Ouaga, je parle moi plutôt d'une paix de deux braves puissamment armés. La paix, tous, nous l'appelons de tous nos v?ux mais disons-nous la vérité, elle ne s'obtiendra pas si facilement par ce simple accord qui n'a pas encore révélé tous ses secrets.
Cher ami Charles,
L'objet de cette lettre, ma dernière de Ouaga, puisque je rentre au pays moi aussi, n'est pas de te rendre pessimiste mais mon rôle de journaliste observateur est de te donner mes sentiments personnels sur un fait que j'ai eu le privilège de vivre. L'histoire peut me donner tort, mais ici à Ouagadougou, les Ivoiriens présents à ce dialogue direct ou ceux de la diaspora ne donnent pas longue vie à cet accord. Qui peut permettre à Gbagbo de gagner la prochaine présidentielle parce qu'il fera sa campagne avec des milliards en poche mais avec surtout à la bouche "c'est moi qui ai ramené la paix". Mais également cet accord aura permis à Soro d'accéder si jeune qu'il est à la Primature. Devenant le n°2 du régime et pouvant rêver, pourquoi pas, d'être demain après Gbagbo (si c'est cela leur "deal") d'être le Président de la République de Côte d'Ivoire. Tous les calculs sont permis. Toutes les probabilités peuvent être faites. Mais aussi tous les coups sont permis. Car il s'agit avant tout d'un accord signé entre deux belligérants armés. Le moindre clash, le même couac non maîtrisé par le facilitateur (qui a promis de veiller à son application) provoquera un séisme, mieux une reprise des hostilités ou "une catastrophe" pour reprendre le mot de M. Gbagbo lui même. Une guerre plus meurtrière que la première. Ici, à Ouaga c'est un peu d'ailleurs ce que tout le monde dit et pense bas. Et l'on parle à juste titre de "dernier accord". Ou il nous amène à la paix ou son échec nous ramène à une autre guerre où ceux qui survivront seront ceux qui triompheront par les armes ou qui auront eu la chance de se retrouver en exil. Gbagbo Laurent et son camp ont leur plan B. Soro Guillaume et les Forces nouvelles ont aussi leur plan B. Deux plans B qui vont être mis en exécution dès que l'accord (touchons du bois)aura foiré".
Cher ami Charles,
C'est sur cette note pas du tout gaie mais que je suis obligé de partager avec toi que je vais m'arrêter ce jour. Nous serons ensemble dans notre "QG" dès demain et tu auras la possibilité de m'interroger sur ce qui me rend si pessimiste et moi j'aurai le temps de te dire de visu ce que je ressens effectivement. Ce que j'ai vu ou entendu à Ouaga et qui me trouble. Mais avant, je voudrais demander à toi et à beaucoup d'Ivoiriens de féliciter, une fois n'est pas coutume, les journalistes de Côte d'Ivoire qui ont couvert avec difficulté, mais mien et sans passion le "DDO". Ils méritent les félicitations de la nation. Il s'agit de AVS (Notre Voie), de Paulin N'Zébo puis de Soro Pascal de Frat-Mat, de Brou Konan Bertin puis de Constant Mahilé (Radio Onuci-FM), de Honoré Sépé (Le Front), de Yves Abiet (Le Nouveau Réveil), de Kara (Le Patriote) et de Charles Kazoni (Soir Info).
Ton ami Kah Zion à Ouaga

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