lundi 2 avril 2007 par Fraternité Matin

Excellence, il y a une dizaine de jours, des affrontements armés ont opposé la garde rapprochée du sénateur Jean-Pierre Bemba aux éléments de l'armée régulière congolaise. Quelle analyse faites-vous de cette situation?
Cette situation est déplorable, vu qu'elle a causé des pertes en vies humaines. Après la présidentielle d'octobre dernier, l'on avait pensé qu'il n'y aurait plus ce genre de situation. Des crises, nous en avons souffert énormément. Nous avons perdu environ 4 millions de Congolais dans les guerres précédentes. Les affrontements qui ont eu lieu entre la 7ème brigade des Forces armées de RDC (FARDC) et la garde rapprochée du l'ex-vice-président Jean-Pierre Bemba ont éclaté après l'ultimatum adressé à ce dernier pour le désarmement de sa garde. Il s'est trouvé que l'ultimatum avait pris fin. Cet ultimatum, je pense, était une façon de lui demander de négocier, de dialoguer. S'il avait accepté de dialoguer, une solution pouvait être trouvée à l'amiable.

Vous parlez d'ultimatum. Ce qui sous-entend qu'il y avait eu auparavant des démarches auprès de Jean-Pierre Bemba
Cette situation date de longtemps. Depuis les élections, c'est à croire que l'ex-vice-président n'avait pas accepté le verdict des urnes. D'où les affrontements dans la capitale congolaise et à l'intérieur du pays, notamment au Bas Congo après la victoire du Président Joseph Kabila.
Tout ceci entre en ligne de compte d'une certaine conduite. Si Bemba avait accepté que l'on désarme les éléments commis à sa garde rapprochée, on n'y arriverait pas là. Il y a eu quand même deux semaines d'ultimatum. L'on pouvait dialoguer entre- temps.
Mais, c'était une façon pour l'ex-vice-président de dire : Personne ne pouvait désarmer mes éléments . Comme s'il était au-dessus de la loi. Or, selon la Constitution congolaise, personne ne pouvait garder une milice à sa charge. Etant donné que cette milice était composée d'éléments de la FARDC commis à sa sécurité. Aujourd'hui, Jean-Pierre Bemba n'occupe plus ses fonctions en tant que vice-président. Maintenant, il est devenu sénateur. Donc il n'a plus droit à autant d'éléments pour sa sécurité.

Jean-Pierre était un ex-rebelle. Ne pensez-vous pas que n'ayant pas pu remporter les élections, il est toujours animé d'un esprit de cession?
Nous pensions que lui et le Chef de l'Etat s'étaient réconciliés. Le Président Kabila avait confiance en son vice-président. D'ailleurs, des négociations ont été menées pour que la réconciliation soit effective. Mais Jean-Pierre Bemba tenait à prendre le pouvoir.

Au nom de la paix en République démocratique du Congo, le pouvoir a fait des concessions avec la rébellion à l'Est. Il pourrait en être de même avec le Mouvement de libération du Congo (MLC), le Parti de Jean-Pierre Bemba
Les situations ne sont pas les mêmes. Le sénateur Jean-Pierre Bemba était vice-président. A l'Est, ce sont des rebelles. On ne peut pas les traiter sur pied d'égalité. Je cite le cas de Kounabatouaré, qui est à l'Est. Un mandat d'arrêt a été lancé contre lui jusqu'à présent.
Pour nous, devenu vice-président, Jean-Pierre Bemba n'était plus un rebelle. Nous venons de très loin. Mais avec les négociations entre le Chef de l'Etat et Jean-Pierre Bemba, nous avons eu confiance. Nous avions cru que c'était la fin des hostilités.

Excellence, vous parliez tantôt de la présidentielle dont les résultats avaient été contestés par le clan Bemba. Que dire de son organisation?
Ce scrutin a été organisé de manière transparente. Parce que les nationaux, notamment ceux de l'Est du Congo, ont reconnu que le Président Kabila a été massivement voté. L'Est a vécu les affres de la guerre. J'étais en poste en Ouganda avant de venir en Côte d'Ivoire. J'ai reçu des réfugiés, surtout des enfants soldats qui venaient de l'Est en Ouganda. En tout cas, ils devaient voter quelqu'un qui a amené la paix. Dans son discours de campagne, le Président Kabila a dit qu'il allait conduire le pays à l'unification, s'il était élu. Aujourd'hui, le pays est unifié. L'on peut aller du nord au sud, de l'est à l'ouest, sans aucun problème. A l'époque où j'étais en Ouganda, un Congolais qui voulait y venir devait changer ses papiers à partir de Nairobi. Je ne faisais pas de visa parce que les gens disaient que le territoire leur appartenait. Cette situation nous a mis dans l'embarras.

Revenons au scrutin
Il a été transparent. Il y avait plusieurs observateurs internationaux qui ont couvert le scrutin en RDC et qui l'ont reconnu. Tous ces gens n'ont pas été corrompus. Ils ont vu ce qui s'est passé. En ce qui concerne les élections des gouverneurs de province, Jean-Pierre Bemba n'a pas gagné. C'est le président Kabila qui a remporté la majorité. Sur les 11 provinces, le camp présidentiel a raflé 10. On ne peut pas faire d'amalgame. Sur le terrain, tous les observateurs internationaux ont attesté que le Président Kabila a gagné la présidentielle.

Les ambassadeurs des pays membres de l'Union européenne en poste à Kinshasa ont condamné fermement le recours prématuré à la force par les autorités congolaises. Avez-vous des commentaires?
Cette déclaration n'engage que les ambassadeurs de l'Union européenne.

A la présidentielle, Jean-Pierre Bemba a remporté 42% des voix. Ne pensez-vous pas que ce score lui donne une certaine importance en ce qui concerne la stabilité en RDCongo?
Pour le score qu'il a eu à la présidentielle, il est à féliciter, vu qu'il y avait 33 candidats. Jean-Pierre bemba a une place qui n'est pas négligeable au Congo.
Même avec ce qui vient de se passer à Kinshasa, cela ne veut pas dire qu'on tourne la page. Les gens du MLC continuent à siéger au Parlement et dans toutes les Institutions.

Jean-Pierre Bemba menace d'aller en exil, si sa sécurité n'est pas assurée. Son départ de la RD Congo pourrait remettre en cause la paix dans le pays
Je ne peux pas affirmer que l'exil de Jean-Pierre Bemba serait une remise en cause de la paix en RD Congo. Pourquoi en sera-t-il autrement. De l'ambassade de l'Afrique de Sud, il veut aller en exil. Peut-être pour un temps. La place de Jean-Pierre Bemba est au Congo. Nous voulons reconstruire ensemble notre pays. Si en tant que président du MLC, il veut quitter le pays, il y a tout de même des cadres de son parti qui sont encore en place et qui travailleront avec le gouvernement.

Selon vous, que pourrait faire le gouvernement pour résoudre ce problème politique qui l'oppose à Bemba?
Le gouvernement et Bemba peuvent voir comment régler ce problème à l'amiable. Je ne pense pas que le gouvernement puisse rejeter la demande de Bemba.

Les élections en Afrique ont toujours été source de conflit. Y a-t-il, à votre avis, une potion pour que les résultats des élections puissent être acceptés?
C'est un problème d'ambition politique, de misère aussi. Les gens sont très ambitieux. Ils pensent que c'est en politique que l'on trouve le bonheur. On se sent mieux quand on est en politique. Et pourtant, il y a plusieurs domaines où l'on peut réussir sa vie. Voilà l'une des raisons qui font que lorsque des élections sont gagnées par un camp, les opposants sont prêts à protester. Même si les résultats sont fiables.
Un peu partout, on proteste. On doit mettre fin aux ambitions de certains hommes politiques. Sinon l'Afrique va toujours occuper la dernière place. Nous ne voulons plus quelqu'un qui a des ambitions politiques. Et qui veut coûte que coûte prendre le pouvoir par les armes.

Quel avenir entrevoyez-vous pour la RD Congo?
La RD Congo est un grand pays. Le Président Kabila a de grandes ambitions pour ce pays. C'est lui qui va nous sortir de cette crise que nous vivons. Il a dit qu'il va axer ses actions sur cinq chantiers. Ces chantiers ne sont pas les seuls. Parce que le pays est à reconstruire.
Qu'on lui donne le temps de travailler. Il a dit qu'il n'est pas un homme de discours. On va le juger sur le terrain.

Interview réalisée par Ernest Aka Simon

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