mardi 3 avril 2007 par Fraternité Matin

Pour la première fois, le père des frères ivoiriens du football européen se confie à Fraternité Matin. Il retrace le parcours de ses enfants et fait des confidences.

M. Antoine Kalou, avez-vous préparé vos enfants à une carrière sportive?

Dire que je les ai préparés à une carrière sportive peut-être Salomon puisque j'ai décidé de l'inscrire à l'Académie Jean-Marc Guillou en 1997. Pour Bonaventure, j'envisageais qu'il devienne professeur. Mais en classe de seconde, il m'a fait une note pour dire qu'il souhaite devenir footballeur professionnel. Je lui ai donné mon accord en lui demandant, toutefois, d'atteindre la classe de terminale afin d'avoir une base solide pour pouvoir lire et discuter ses contrats au lieu que quelqu'un d'autre le fasse à sa place. Pour Salomon, oui, je l'avais destiné à la carrière de footballeur. Je suis passé à côté du professorat puisque je suis instituteur. J'ai donc décidé que mon premier fils devienne professeur. Malheureusement, la passion du football a pris le pas sur lui. Il n'était pas borné, bien au contraire il est très intelligent.

Parlant de Bonaventure, pouvez-vous revenir sur son arrivée à l'Asec? Il était pourtant convoité par d'autres clubs particulièrement le Stade et l'Africa.

Au départ en 1996, Bonaventure jouait à l'AS Oumé. Il était en terminale à Oumé. Le premier dirigeant qui m'a approché, c'est Simplice Zinsou lors d'un match Africa-Oumé par l'intermédiaire d'un frère, le général Alain Mouandou. Je lui ai dit qu'il n'y a pas de problème. J'ai alors demandé à Bonaventure d'aller écouter toutes les propositions sans prendre de décision. Il a donc rencontré Zinsou à la Sivomar en présence de George Weah. Celui-ci a demandé à Zinsou de le prendre à l'Africa pour un an ou deux et qu'il allait se charger de l'amener en Italie. Bonaventure m'a fait le compte rendu, mais je lui ai proposé de se concentrer sur ses études jusqu'à l'obtention du BAC. Après il pourra jouer s'il le désire. Après cela, Roger Ouégnin a envoyé auprès de moi le regretté Zan Bi Bertin, un ami d'enfance. Lors de notre échange à son cabinet à Paris village, Ouégnin m'a exprimé le souhait de voir évoluer Bonaventure à l'Asec. Je lui ai donné mon accord en lui signifiant que mon fils passera d'abord le Bac. Je l'ai rassuré en lui disant que Bonaventure jouera à l'Asec pour le temps qu'il restera en Côte d'Ivoire. Parce que mon c?ur battait pour l'Asec. Entre temps, Eugène Diomandé m'a approché pour me dire que Pape Diouf (agent FIFA) souhaiterait que Bonaventure fasse un essai à Lens C'était en juillet 1996. J'ai également donné mon accord.
Bonaventure s'est donc envolé pour faire l'essai de trois semaines à Lens. Au même moment, des fax arrivaient au club français en provenance de l'Asec pour indiquer que Bonaventure appartient à l'Asec. Ce que j'ignorais. En fait, au cours d'un match à Oumé, feu Zan Bi Bertin a expliqué à Bonaventure qu'Eugène Diomandé veut l'envoyer en France. Donc il fallait qu'il signe une licence vierge. Or cette licence vierge était pour l'Asec. On ignorait cela. A Lens, malgré que l'essai ait été concluant, il y avait la menace. Donc Bonaventure est revenu. Il était coincé. S'il ne jouait pas à l'Asec, il ne pouvait plus jouer ni à l'Africa, ni à Oumé. C'est ainsi que même étant un supporter de l'Asec, j'ai refusé. Je ne voulais plus qu'il joue à l'Asec parce que je me suis senti grugé à travers mon fils. Mais comme s'il ne jouait pas, il allait passer un an à la touche, ce qui n'était pas bon pour son avenir, j'ai donc décidé de le laisser à l'Asec. J'ai insisté qu'on le laisse partir s'il y a une opportunité. Cette opportunité est venue avec la Coupe du monde des Juniors en Malaisie. Bonaventure s'est fait remarquer par les recruteurs de Feyenoord. C'est ainsi qu'il est parti en Hollande.

Bonaventure a fait les beaux jours du football ivoirien. Aujourd'hui son club, le PSG, est en difficulté. Ce qui l'empêche de retrouver l'équipe nationale. Qu'en pensez-vous?

Je voudrais être sincère. Il n'y a pas de rapport entre le classement actuel de son club et l'équipe nationale. Je suis à l'aise pour le dire. Bien avant d'aller à la coupe du monde, Bonaventure avait des problèmes avec certains dirigeants. Il était question de ne pas le compter pour le Mondial. Vous ne le savez pas. Ce qui est sûr, il y a dans l'environnement de l'équipe nationale des choses qui ne sont pas claires. Il était donc question qu'il ne parte pas. Un de ses amis lui a fait le rapport. Comme il n'a pas joué le dernier match contre le Soudan (il était blessé), des gens racontaient qu'il levait le pied et quand il se retrouve dans son club, il fait feu de tout bois. En somme, il trichait en sélection. Donc il était question qu'on le laisse. A tel point qu'après la Coupe du monde, au premier regroupement contre la Guinée, Bonaventure était présélectionné. Dans la liste définitive, son nom n'y figurait pas. On l'a appelé, il est arrivé à Marseille le matin, mais il a été obligé de retourner sur Paris le soir parce qu'il était boudé par des dirigeants. Il m'a informé et je lui ai demandé de ne pas faire de tapage. Bref, ce n'est pas parce que le PSG est en baisse qu'on ne rappelle pas Bonaventure. Si c'était le cas, on n'appellerait pas Diané. Il n'y a pas longtemps que des membres de la Fédération lui ont reproché le fait qu'il n'appelle pas. Il y a donc un problème.

Comment vivez-vous cela?

Je garde ma sérénité. Aujourd'hui. Bonaventure a atteint un stade où il n'a rien à prouver. Je ne le dis pas parce que je suis son père. Par exemple, quand le PSG joue, on sait que ça ne marche pas. Mais on sent la présence de Bonaventure. Son talent n'est pas mis en cause. Son contrat court jusqu'en juin 2009. Va-t-il rester, c'est Dieu qui le décidera.

En ce qui concerne Salomon, après avoir longtemps hésité, il joue aujourd'hui, avec la sélection nationale et évolue dans un grand club. Que ressentez-vous?

C'est la main de Dieu. Il a été vilipendé dans la presse, dans les foyers. Ce que je voudrais demander aux Ivoiriens, c'est de me dire lequel d'entre eux va s'opposer à la nationalité de leur fils s'il est désiré par un pays européen. Aucun Ivoirien, même s'il est Premier ministre, ne va s'opposer. Le football, après 35 ans, c'est fini. Donc c'était une opportunité qu'il fallait saisir pour toute une vie. Qu'on n'en veuille pas donc à l'enfant. C'est une proposition qu'on lui a faite. Il a dit si ça marche, il n'y a pas de problème. Dans le cas contraire, il joue avec la sélection de son pays d'origine. Je suis très heureux pour lui. Que Dieu le garde, qu'il ait une carrière comme les grands d'Afrique (Weah, Abedi, Drogba).

Il est venu avec Drogba, pour célébrer le Ballon d'or. Votre réaction après la cérémonie.

Je suis très content et très heureux pour Drogba. Je suis l'un des premiers Ivoiriens à l'avoir reçu en 2003, à la veille du match contre l'Afrique du sud. Quand on a vu ses débuts à Levallois, au Mans, à Guingamp, Marseille et Chelsea, il a eu une ascension fulgurante qu'il doit à ses propres qualités. Tout Ivoirien est fier du sommet que Drogba a atteint aujourd'hui. Je suis très content parce que Drogba est l'ami de Bonaventure. Se retrouver avec le petit frère de son ami dans le même club comme coéquipier, Drogba ne peut être que le soutien, le conseiller, le protecteur de Salomon. Et là, je lui rends grâce parce qu'il encadre bien Salomon. J'espère qu'ils vont jouer ensemble longtemps dans ce club et que Salomon va suivre ses traces.

Le fait que Bonaventure soit écarté de la sélection et que Salomon y soit est-il une consolation pour vous?

Je ne dirai pas que c'est une consolation. Venir en équipe nationale se mérite. Si Bonaventure ne vient pas en équipe nationale et que Salomon n'a pas les capacités, mais on le prend. En ce moment, l'on peut parler de consolation. Là il mérite de venir. Ce que je peux appeler consolation, c'est que Bonaventure n'est pas livré à la vindicte populaire.

En voulez-vous particulièrement à des gens?

Ils ont une responsabilité qu'ils sont en train d'assumer. Je suis un peu conservateur. J'estime que c'est le destin de Bonaventure qui est en train de s'accomplir depuis Oumé en 1986 jusqu'à Paris aujourd'hui, après 11 ans de carrière en équipe nationale. Je crois qu'il y a des grands joueurs qui ont été plus populaires que Bonaventure dans ce pays et qui n'ont pas joué 11 ans en équipe nationale. Je n'en veux à personne à ce niveau-là. Chacun est libre de faire ce qu'il veut. Je ne peux pas porter de jugement sur ce qu'ils font. La vie continue.
Le président Anouma est correct et professionnel dans la tête.
Je le remercie pour tout ce qu'il fait pour le football.

Interview réalisée par Jean-Baptiste Béhi

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