mardi 3 avril 2007 par Fraternité Matin

En attendant la dédicace de son ouvrage, Paroles d'honneur, Mme Gbagbo a échangé hier sans détour avec les journalistes à Fraternité Matin.

Mots ou phrases fortes

? Je l'ai écrit comme un témoignage de ma vie
? Cet ouvrage est aussi pour moi un moyen de continuer le combat,
? Je voulais qu'il paraisse dans le commerce avant la dernière réunion de la France-Afrique,
? Ce que j'ai dit, c'est que je savais,
? Je ne suis pas convaincue qu'à Bouaké des Français aient été tués. Je n'en ai eu aucune preuve,
? Je ne nie rien du combat que j'ai mené.

Introduction

Mme Gbagbo:
Je vous remercie.
Vous allez être déçu car je n'ai rien rédigé du tout comme propos liminaires. Je voudrais commencer tout simplement par vous remercier pour l'intérêt que vous avez accordé à mon livre.
Je suis vraiment un jeune, jeune, jeune, écrivain je dirais. C'est mon premier exercice. Et j'attendais avec beaucoup d'anxiété l'accueil que les lecteurs, allaient accorder à ce premier essai. Et je dois dire que je me sens très honorée, je me sens très en joie. Pour l'accueil que j'ai constaté, tout le monde me félicite.
Mais surtout vous avez estimé que l'ouvrage était intéressant au point d'organiser cette rencontre. C'est moi qui suis vraiment honorée ; je vous remercie.
Ce livre, je l'ai écrit comme un témoignage de ma vie. Je parle un tout petit peu de mon combat, un tout petit peu aussi du combat des Ivoiriens, durant cette crise que nous avons vécue ensemble pendant bientôt cinq ans. Beaucoup de choses ont été dites sur la Côte d'Ivoire qui n'étaient pas justes. Beaucoup de choses ont été dites sur le Président, sur moi-même qui n'étaient pas justes. Et il m'a semblé intéressant de prendre la parole. Pour donner ma version des faits. C'est ce que j'ai essayé de faire, et cela m'a pris 8 mois. Cela a été du travail, de la documentation. Et j'ai travaillé avec une bonne équipe, très dévouée, très engagée, et le résultat se trouve là devant vous.
Je suis là; je suis à votre disposition. Je crois que vous avez beaucoup de questions à poser. Je suis à votre disposition, cela va être des échanges. Si vous posez des questions, si vous dites des choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord, je répondrai et vous aussi vous me donnerez votre point de vue sur ce livre. Et je suis là pour entendre ce point de vue-là.
Voici les personnes avec qui j'ai travaillé sur cet ouvrage :
Mme Liliana Lombardo qui a été une grande collaboratrice. Il faut dire que c'est elle qui m'a poussée à faire ce livre. Cela faisait longtemps que l'on me poussait et je freinais de tous mes fers. Et un jour, elle m'a dit : on va faire un livre interview. On pose des questions, vous répondez et ainsi de suite. Et elle est venue avec une équipe, Djira Youssouf et de Nikady's. On était partie pour faire un ouvrage d'interview. Et puis elle est allée avec deux journalistes, Didier Dépri et Eric Cossa, transcrire tout ce que l'ont avait dit. Elle me l'a rapporté pour que je revoie la forme. On a fait ce travail-là et cela a été long. Et chemin faisant, on a changé d'idée. On a estimé que faire un vrai livre serait beaucoup mieux que faire un livre entretien. Il fallait enlever toutes les questions, réorganiser, faire les chapitres, les transitions, un plan etc. Et à ce moment-là, on a produit véritablement ce travail, on l'a réécrit. Au moment où on est passé à la relecture, on a associé et mon directeur de cabinet, M. Tayoro Gotta, qui nous a aidé dans la relecture. Et, un peu plus tard le conseiller du Président, M. Voho Sahi, qui nous a apporté un bon coup de pouce. On y a associé un tout petit peu mon communicateur-maison à qui au téléphone on disait d'aller nous chercher telle information. A Fraternité Matin, à l'Assemblée nationale etc. Parce qu'il faillait exactement trouver les dates et ne pas se tromper.
On a associé aussi, le Président de la République. Nos séances de travail se faisaient entre 1 heure et trois heures du matin. Hanny Tchélley est venue nous surprendre un jour et a filmé des moments de travail avec le Président de la République.

La raison de l'ouvrage

Pourquoi maintenant ? Pourquoi je n'ai pas écrit, il y a cinq ans ? Pourquoi pas au moment où l'on commençait le multipartisme ? Pourquoi pas au début de la guerre, pourquoi pas en 2003. Je crois que cet ouvrage est aussi pour moi un moyen de continuer le combat. Et il m'a semblé qu'écrire maintenant ce que j'avais à dire contribuerait à faire avancer ce combat. C'est pour ça que j'ai choisi de l'écrire maintenant. Je peux même vous dire que j'ai beaucoup bousculé les éditeurs et les imprimeurs pour que cet ouvrage paraisse dans le commerce avant la dernière réunion de la France-Afrique à Cannes (en France). Je me disais que cela allait avoir un plus grand impact, si ceux qui allaient à cette rencontre de Cannes avaient eu la possibilité de lire cet ouvrage avant d'y aller. C'est le combat qui continue.
M. Akrou estime que dans le livre, il y a l'accusation de Chirac.
Je n'ai pas écrit ce livre pour accuser quelqu'un. Mais pour dire ma part de vérité. Et dans celle-ci, je décris des actions qui ont été menées. Je décris ce que la France, Alassane Dramane Ouattara et plusieurs autres personnes ont fait chez nous. Ce que j'ai vu, ce que j'ai vécu, et ce que j'ai lu à travers mes lunettes. Si ce sont des accusations, alors cela signifie que ces personnes devraient être assises sur le banc des accusés et l'on devrait faire leur procès. Mais enfin, l'histoire réglera cela.

Les réserves de Jeune Afrique

Au moment où j'écrivais ce livre, je ne les avais pas interrogés sur la nature de leur faim. Vous savez, les faims ne se ressemblent pas. Moi j'avais ma faim et je pense que ce livre a assouvi ma faim. Mais je n'avais pas pour objectif d'assouvir eux leur faim.
Quand il dit que ce livre est censé dévoiler les dessous des cartes. Ça, c'est l'objectif. Lui, il a acheté ce livre parce qu'il espérait y trouver les dessous des cartes. C'était ça sa faim. Moi, ce n'était pas mon objectif que de dévoiler les dessous des cartes. Mon objectif était de donner ma part de vérité. Et c'est ce que j'ai fait. Il y a un proverbe Baoulé et qui est aussi un proverbe Bété qui dit que Quand on coupe quelqu'un et que l'on touche la veine, ce qui sort, c'est du sang. Mais quand la personne crache, c'est de l'eau. C'est-à-dire que l'on peut avoir beaucoup de choses en soi, mais qu'il n'est pas forcément bon que l'on dise tout. Et ce que j'ai dit, c'est ce que je croyais bien de dire. Et ce que j'ai dit, c'est ce que je savais. Par exemple, dans l'article de Jeune Afrique, ils ont cité les bombardements de Bouaké. Ce que j'ai dit sur ces bombardements, c'est ce que je sais. J'ai travaillé avec ceux qui ont mené les enquêtes à Bouaké. Ils m'ont donné leurs documents, et j'ai travaillé avec ces documents. Ce qui avait à dire, c'est ce que j'ai dit. Et j'ai dit par exemple que je ne suis pas convaincue qu'à Bouaké notre avion ait fait un bombardement du camp des Français. Je n'en ai eu aucune preuve et donc je ne peux pas l'affirmer. Et je ne suis pas convaincue qu'à Bouaké des Français aient été tués. Je n'en ai eu aucune preuve et donc je ne peux pas l'affirmer dans l'ouvrage. Et je ne peux pas dire non plus qu'il n'y a pas eu bombardement. Vous voyez, ce serait aussi aller trop loin. Voilà ce que j'ai dit dans mon livre sur le bombardement de Bouaké. Et la même chose pour beaucoup d'autres éléments. Sur l'affaire Kieffer, j'ai fait également un long développement. Je n'ai eu aucun élément de preuve que M. Kieffer a été enlevé. Et qu'il a été tué et qu'il a été enterré. Il n'y a aucun petit élément qui peut permettre d'affirmer cela. Je l'ai dit dans le livre. Donc si Jeune Afrique estime qu'il n'y en n'a pas assez, c'est tant pis pour lui. De toutes les façons, les gens de Jeune Afrique, je ne les trouve pas crédibles moi, en général.

Ce que je crois

Je ne sais pas quoi répondre à votre question. Moi j'ai écrit ce que je crois être ma vérité. Vous prenez ça comme ça. A l'intérieur, vous regarderez, il y a des dates, il y a des événements. Et vous ferez vos analyses et vous irez vérifier, si les dates concordent, si les éléments ont vraiment existé, ou n'ont pas existé. Et vous ferez vous-même votre propre diagnostic du crédit à accorder à cet l'ouvrage. Mais moi, ce que j'ai écrit, c'est ce que je crois être la vérité. En tout cas, c'est ce que j'ai vécu. Et tel que je l'ai vécu.

Un autre titre ?

Oui! On pourrait effectivement l'appeler Devoir de vérité. Parce que cela a été mon souci de donner ma part de vérité. Ce sont les évènements de ma vie à travers mes lunettes. Mais, je pense qu'en de nombreux endroits de cet ouvrage, on retrouve aussi le regard du peuple. On retrouve aussi le regard de mon parti. Vu que moi-même j'ai été la première dirigeante de ce parti. Et que ensuite, lorsque le Président Gbagbo est revenu d'exil, on lui a donné la première place et je suis restée membre de la direction à un niveau également élevé. Donc j'ai participé à toutes les décisions qui se prenaient. On peut donc dire aussi dans une certaine mesure que cela a été le regard de mon parti.

L'opposante d'hier

Je ne nie rien de ce que j'ai fait dans le passé. Je ne nie rien du combat que j'ai mené. Je ne nie rien de ce que ce combat-là a provoqué effectivement des nuits blanches à toutes sortes de dirigeants du PDCI dans le passé. Du gouvernement dans le passé, y compris le Président de la République lui-même, le Président Houphouet. Ça, je le reconnais parfaitement et je peux même dire que cela aurait été très grave, si l'on n'avait pas atteint ces objectifs-là. Et si on n'avait pas provoqué ces effets-là dans notre combat, le pays n'aurait pas bougé. On ne serait pas arrivé au multipartisme. C'est parce que l'on a provoqué ces effets-là. Mais je reste surprise, malgré tout par les agissements des opposants et des ennemis d'aujourdhui. Car dans les méthodes que nous avons utilisées, à aucun moment, nous n'avons utilisé les moyens et les méthodes que les autres ont utilisés avec nous. A aucun moment ! Moi je suis dans le parti depuis 1972. Quand je suis arrivée à l'Université comme étudiante, nous n'avons pas appelé à une lutte armée. A aucun moment, nous n'avons organisé une campagne pour salir celui-ci ou pour salir celui-là. Nous avons visé des faits réels et nous avons critiqué ces faits-là.
Par exemple, lorsque les étudiants ont été tabassés à Yopougon après minuit, nous avons organisé des marches jusqu'à ce que le Président de la République cède et mette en place une commission d'enquête. Et nous avons repris les marches lorsqu'il a refusé de sanctionner l'Armée. Nous avons été arrêtés, nous nous sommes retrouvés en prison. Mais à aucun moment, nous ne sommes allés faire campagne pour entrer dans la vie privée du Président Houphouet- Boigny, dans la vie privée de Mme Houphouet-Boigny.
A aucun moment, nous sommes entrés dans un gouvernement pour ensuite aller l'attaquer à l'Assemblée nationale. Cela ne se fait pas. Et nous avons vécu cela. Et c'est de cela que j'ai parlé, lorsque j'ai dit que les méthodes utilisées sont des méthodes qui sont surprenantes.
Nous avons travaillé dans l'opposition, dans la clandestinité d'abord, de 1972 à 1990, ensuite à ciel ouvert à partir de 1990. Il n'y a pas eu la guerre dans ce pays. Il n'y a pas eu de guerre dans ce pays. Et nous étions dans l'opposition et nous maîtrisions la rue. Mais il n'y a pas eu de guerre. Mais quand nous sommes arrivés au pouvoir en 2000, ceux qui y étaient avant nous ont pris les armes. C'est ça la différence ! Et c'est de ça que je parle dans mon livre.

Famille d'écrivains

Toute une famille peut être artiste. On peut être artiste de génération en génération. Comme tout le monde dans une famille peut être médecin. On devait être des milliers à parler de la crise ivoirienne. Parce que cette crise est quelque chose que nous ne souhaitons plus jamais expérimenter dans notre pays. Je souhaite même que cinquante, soixante autres personnes en parlent. Pour que cela soit complètement exorcisé dans notre pays. Nous sommes trois à écrire dans la famille. Mais savez-vous combien nous sommes dans la famille ? On est sept enfants plus Monsieur et Madame. Sans oublier les frères, les s?urs, les cousines. Si toute la famille Gbagbo pouvait écrire, peut-être que cela remuerait le ciel et toucherait le c?ur du bon Dieu. Et nous n`aurions plus cette crise-là. On est que trois pour le moment. Peut-être que d`autres viendront s`ajouter. Nous avons une fille qui est en train d`apprendre à faire du cinéma ; je souhaite qu`elle prenne soit mon livre, soit le livre de Michel ou celui de son père pour en faire de grandes frasques. Sur la crise ivoirienne, sur l`histoire de la Côte d`Ivoire. Sur la manière dont le pays a été peuplé. L`idéal pour moi c`est que la famille Gbagbo puisse faire cela. Ce n`est donc jamais trop d`écrire. Vous estimez que c`est volumineux. Vous savez, lorsqu`on est inspiré, on peut écrire plusieurs pages sans s`en rendre compte. Si je m`étais écoutée, on aurait fait mille pages. Et on aurait découpé par la suite en plusieurs tomes. Il faudrait poser la question à ceux qui le lisent pour savoir s`il est facile à lire. Il y a des gens qui m`ont dit qu`ils l`ont lu en deux jours. Il y en a qui l`ont lu en une seule nuit. D`autres, en une semaine. Tous m`ont dit que c`est très facile à lire. Alors je vous encourage à le lire. Je vous assure que vous allez regretter que je me sois arrêtée à ce niveau.

La JEC

J`ai été militante de la JEC. Ensuite, je suis devenue militante communiste, pure et dure. Et puis je suis revenue encore à Dieu. C`est pourquoi, vous constatez que je prie beaucoup Dieu dans ce livre. Vous posez également le problème de l`intrusion du sacré dans les discours politiques. Mais si ce n`est pas l`intrusion du sacré, c`est l`intrusion d`autre chose. Soit, c`est l`intrusion de l`idéologie communiste, soit c`est l`intrusion du sacré, pour quelqu`un qui a la foi. Soit c`est l`intrusion du bossonisme etc. On intègre dans ses ouvrages, ce en quoi, on a foi. Le fait de dire " Dieu bénisse la Côte d`Ivoire " n`a rien à voir avec la laïcité. Dieu est le créateur de toute chose. Il a créé les cieux, il a créé la Terre, il nous a donné l`argent, il nous a donné l`or etc. Il n`y a pas de pays plus laïc que les Etats-Unis. Et pourtant sur leur monnaie, vous trouvez la référence à Dieu. Cela ne fait qu`attirer la bénédiction de Dieu. Vous savez, Dieu aime qu`on le vénère, qu`on le célèbre. Plus vous le faites, plus il vous bénit. Ce qu`il ne faut pas faire, c`est d`obliger les gens à adhérer à votre religion. Si vous ne faites pas cela, vous attirez la bénédiction de l`Eternel sur votre pays et sur vous. Sincèrement le fait d`avoir fait la JEC m`a fait un grand bien.

L'alliance avec le RDR

Vous me demandez pourquoi je dis que Ouattara est un fléau. Mais, je le dis et je le répète. Ouattara est bel et bien un fléau. Il est un fléau pour la Côte d`Ivoire. Je le dis et je le maintiens. Vous me demandez pourquoi dans ce cas, j`ai passé alliance avec lui. Mais c`est parce que j`ai passé alliance avec le RDR que j`ai eu l`occasion de savoir que cet homme est un fléau. Dès que je m`en suis rendu compte, je suis partie. Je l`ai fui, j`ai quitté le Front républicain. Nous avons rompu avec le Front républicain parce qu`on l`avait découvert. Lorsqu`un être humain vient travailler avec toi pour la première fois, tu ne peux pas avoir de préjugés contre lui. Parce que tu ne connais pas la personne. Mais cette personne se révèle à toi à travers ses actions, à travers ses propos. Et en ce moment-là, tu as le devoir, soit de continuer avec la personne, soit de rompre avec elle. Nous avons créé le Front républicain avec feu Djéni Kobina. Ouattara n`intervenait pas. Peut-être qu`il intervenait et qu`il donnait des consignes au niveau du devenir de son parti. Lorsque le RDR a été créé, Ouattara n`était pas membre. Il était à l`étranger, au FMI, il n`était pas membre du RDR. C`est Djéni Kobina qui va entreprendre les démarches pour demander à Ouattara d`être membre du RDR. Dès lors, le RDR a commencé à avoir un autre visage. Ceux qui ont créé le RDR, si vous vous informez, vous le saurez, ont presque tous quitté ce parti. Presque tous. Et ce n`était pas des gens du Nord pour la plupart. Bien sûr il y avait des gens du Nord. Ce qui est normal. Ils sont Ivoiriens. Ils peuvent avoir besoin de créer un parti autre que celui dans lequel ils étaient auparavant, c`est-à-dire le PDCI. Et nous, nous avons aidé le RDR à se constituer. Je ne le nie pas. Mais il ne faut pas oublier que nous étions en plein combat. Et qu`à cette époque-là, le PDCI était un parti très fort et très grand. Et que nous avions intérêt à ce que le PDCI se casse. C`est une tactique politique. Dans cette tactique politique-là, nous avons aidé des gens qui était PDCI, qui étaient en train de se rassembler pour constituer un courant à l`intérieur du PDCI, qui se rendaient compte que même en tant que courant, ils ne pouvaient pas agir, ils n`avaient pas droit à la parole et qui avaient décidé de sortir du PDCI pour se constituer en parti, dirigé par M. Djéni Kobina. Ils sont venus solliciter notre aide, nos conseils. Et nous les avons aidés. Si c`était à refaire, on le referait. Nous les avons aidés à créer ce parti qui, nous permettait de positionner comme ils le souhaitaient, un parti au centre. Nous, nous étions à gauche et le PDCI-RDA à droite. Ce n`était pas mauvais comme vision pour la Côte d`Ivoire.
Sur ce, Monsieur Ouattara arrive, intègre ce parti, quelques temps après, il en devient le Président. Et on le voit transformer clairement cet instrument politique en instrument pour un homme. Qui avait un problème d`identité et qui voulait utiliser cet instrument-là pour faire pression et régler son problème d`identité. Nous, nous ne nous sommes pas constitués parti politique pour aller mener un combat pour qu`un individu règle son problème d`identité. C`est pourquoi nous avons rompu avec le RDR. Surtout parce que M. Ouattara n`a pas arrêté par la suite de révéler sa vraie nature. Jusqu`à ce que nous arrivions aujourd`hui dans la guerre. Nous vivions dans ce pays qui compte plus de 60 ethnies. Nous n`avions eu une crise militaro-politico-religieuse que lorsque M. Ouattara a posé le problème en disant : " On refuse que je sois candidat aux élections présidentielles parce que je suis du Nord et que je suis musulman. " C`est un débat qui n`existait pas dans notre pays. Et c`est une grande responsabilité qu`il a prise en posant cet acte. En engageant les gens de son parti dans ce combat, sur cette ligne-là. Et cela nous a conduits à la guerre. Si un tel homme n`est pas un fléau, je ne sais pas ce qu`il faut alors appeler fléau.

Le boycott actif

Nous avons mené le boycott actif en 1995. Pourquoi ? Parce que nous avions engagé, bien avant que le Président Houphouet ne décède, des revendications pour que les textes fondamentaux de notre pays soient amendés. Nous avions demandé que la Constitution soit amendée en son article 11, qui règle le problème de la succession du Président de la République, et bien d`autres textes concernant les élections. Nous avions pu obtenir un certain nombre de choses. Dans la loi électorale par exemple, nous souhaitions pouvoir voter avec une urne transparente, avec un bulletin unique, que les jeunes puissent voter dès l`âge de 18 ans, que le soir du vote, lorsque le dépouillement a été fait dans les bureaux de vote, que chaque représentant de candidat puisse partir de là avec une attestation des résultats de tous les candidats. Tout cela n`existait pas encore à cette époque. Et nous avions mené les négociations avec le gouvernement de M. Bédié. Et, un certain nombre de choses étaient en train d`être acquises lorsque brutalement, M. Bédié avait décidé de ne plus tenir compte de tout cela et d`aller aux élections avec les textes existants. Alors nous avons à notre tour décidé que nous ne participerions pas aux élections présidentielles. Nous avons donc lancé une campagne pour le boycott qu`on a appelé boycott actif des élections présidentielles. Cela a été un moment très dur. Parce que le pouvoir a réagi très brutalement. Nos militants ont été contrés par les forces de l`ordre qui n`y pas allées de main morte. Parce qu`elles ont tiré à balles réelles, nous avons eu des morts dans nos rangs. Sans oublier les dérapages que cela a provoqué au niveau des forêts de tout le pays " Bété " avec les populations " Baoulé ". Mais çà, c`est l`utilisation politicienne du boycott actif. Mais nous l`avons fait pour que les élections présidentielles ne puissent pas se tenir. Mais elles se sont tenues quand même. C`est ainsi que nous avons estimé qu`il valait mieux ne pas continuer. Si on continue, qu`est-ce que cela va devenir ? Nous n`avions pas l`intention de nous engager dans une guerre civile. C`était tout à fait aux antipodes de notre choix. Nous avons donc décidé d`arrêter. Et le premier acte, c`était de prendre acte des résultats des élections présidentielles. Le second, c`était d`aller aux élections législatives. Et nous y sommes allés.

Le général Guéi en 1995

Pendant que nous faisions le boycott actif, à un moment donné, le Général Guéi Robert, alors Chef d`Etat-Major de l`armée, avait été invité par le Président Bédié à faire intervenir l`armée. Car, ceux qui avaient contré au début, nos militants, c`étaient les policiers et les gendarmes, c`est-à-dire, les forces de l`ordre. Ce qui était normal. Sauf que nous leur reprochons d`avoir utilisé des balles réelles, là où ils auraient pu utiliser des grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants. Sinon, ce sont des forces prévues pour le maintien de l`ordre. Mais le Président Bédié avait demandé à l`armée d`intervenir. Or l`armée ne doit pas intervenir. L`armée était déjà intervenue en 1992, toujours avec le Général Guéi. Et cela a donné ce que nous savons. Cette fois-ci, le général Guéi n`a pas voulu. Il a exigé une note écrite avant d`intervenir. Mieux, il a exigé que le Président de la République prenne ses responsabilités en réquisitionnant l`armée. Et le Président de la République a estimé que c`était un acte d`insubordination. C`est pourquoi il a relevé le général de ses fonctions. Voici ce qui s`est passé. Le FPI n`a rien à y voir. Nous n`avions pas de relations avec le Général. La suite de la vie politique a bien montré où allaient les sympathies du général Guéi. Au moment de la mort du Président Houphouet et lorsque le Président Bédié a pris le pouvoir, vous avez vu quel avait été le comportement des uns et des autres, y compris le Général Guéi. Vous ne pouvez donc pas dire aujourd`hui que le Général Guéi était un allié du FPI. Mars 2004, ce sont la Police et la Gendarmerie qui sont intervenues.

Secrets pour rebondir

Quel est mon secret pour rebondir ?
Vous savez, on peut se retrouver dans une situation où on est convaincu que si on baisse les bras, on est mort.
Il y a un temps où l`on peut flancher et ensuite chercher des ressources pour rebondir. Et puis, il y a un temps où même si l`on veut flancher, on ne le peut plus. Parce ce que si l`on flanche, on est mort. Et je crois que c`est ce temps que j`ai vécu pendant très longtemps et que je continue de vivre, où flancher devient un luxe qu`on ne peut plus se tolérer. A ce moment-là, à quoi faut-il s`adosser pour ne pas flancher ? Moi, j`ai décidé de m`adosser à Dieu, à ma foi.
Dans cette intimité, j`ai eu l`occasion d`expérimenter que Dieu est vivant. Quand vous êtes dans le cirage, il vous parle. Ce n`est pas de l`affabulation, il vous parle vraiment et il vous dit ce que vous devez faire, comment vous devez sortir. Cela a été très utile de savoir à l`avance que quel que soit ce qui peut arriver, vous allez avoir la victoire. Il ne vous dit pas quand, ni comment, mais il vous dit : ``N`ayez aucune crainte, comptez sur moi, je mène le combat pour vous``. Quelquefois, il vous arrive des choses terribles.

Novembre 2004

Par exemple, en novembre 2004, je sortais d`un culte quand on m`a appelé de Bouaké pour me dire : `` on est en train de rentrer dans la ville de Bouaké, mais on a un problème avec les Français``. Une heure après, tous nos avions étaient détruits. Le même jour, le Palais à Yamoussoukro a subi des dommages. Le même jour, notre aéroport a été entièrement occupé avec des jeunes, morts. Le même jour, les jeunes qui traversaient les ponts ont été mitraillés. Il y a eu des morts. Le même jour, nous étions en train de manger à la résidence lorsqu`ils ont commencé à mitrailler dans la nuit. A toutes les personnes qui ont afflué à la résidence pour nous soutenir, j`ai dit : on va prier, on va chanter, on va louer l`Eternel. Nous avons chanté et loué l`Eternel jusqu`au matin. Ceux qui pleuraient, je leur ai dit de sortir parce que ce n`était pas le moment des pleurs. C`était le moment de la célébration. Ils sont repartis réconfortés et Dieu a agi. Les Français, qui étaient venus avec 37 chars pour détruire la Résidence, ont présenté leurs excuses et sont retournés chez eux. Vous voyez, Dieu a opéré son miracle. Mais il a opéré son miracle parce que nous l`avons interpellé et que nous n`avons pas flanché. Quand on s`adosse à un rocher aussi puissant, on ne sombre plus. On va de l`avant. C`est sûr que les gens écrivent des choses, vilaines, sales, méchantes sur moi et quelquefois sur le Président. Quelquefois c`est réactif ; quand ils sont sortis de Marcousis et que le texte qu`ils avaient signé n`était pas bon du tout, je l`ai dit.

RFI et moi

Un journaliste de RFI m`a interrogée pour savoir si j`estimais que la France se mêlait de ce qui ne la regardait pas, j`ai dit oui. Parce que la France ne comprend rien à ce qui se passe en Afrique et que les Français gagneraient à nous laisser régler nos problèmes nous-mêmes. Depuis, ils ont estimé que je suis anti- française et ils n`ont pas arrêté de me taper dessus. Cela ne me dérange pas. C`est sûr que cela ne me fait pas plaisir, mais cela ne m`empêche pas non plus de vivre.
Je suis convaincue qu`aujourd`hui, les Africains doivent se lever, revendiquer et arracher leur souveraineté. Ce n`est pas en se laissant intimider par des Français ou par telle autre communauté internationale qu`ils vont régler ce problème. Il faut se tenir debout, oser regarder les Blancs en face et leur arracher la souveraineté. Vous vous rendez compte aujourd`hui, que sur RFI, des journalistes osent parler de Soro Guillaume en disant : le chef de la rébellion! Ce ne sont pas ceux-là mêmes qui exigeaient qu`on appelle ses gens les Forces nouvelles et non des rebelles? Aujourd`hui, eux-mêmes les appellent les rebelles. Si nous nous étions laissés, intimidés à cette époque, on en serait encore à ramper sous ces gens-là. Ils n`ont aucun souci de nos intérêts. Ils n`ont de soucis que pour leurs intérêts. Si nous ne comprenons pas cela et qu`on se laisser effrayer, nous ne pourrions pas avancer. C`est pour cela que je tiens toujours à cette phrase : "N`ayez aucune crainte, je suis avec vous, je serai avec vous, je combat pour vous ". C`est la foi.

De l'école

L`école, elle ne s`amenuise pas. C`est vrai que nous sommes dans une situation difficile. Et en situation difficile, ce sont toujours les couches les plus fragiles de la société qui sont les plus atteintes et les femmes en font partie. Quand dans une communauté, on doit sacrifier des êtres, on commence toujours par les handicapés, ensuite les femmes et c`est après seulement qu`on sacrifie les hommes. Donc c`est un petit peu normal qu`il y ait des déperditions, qu`il y ait une réduction du pourcentage de jeunes filles alphabétisées. Ça aurait été plus dramatique que cela, mais nous allons sortir de la crise et les choses vont redémarrer.
On avait effectivement pensé à un observatoire, mais le ministère en a fait son affaire. Même avec le RIFAMCI, on avait commencé quelque chose pour la petite fille. Nous avons fait de la sensibilisation dans les villages pour parler un peu avec les parents. Mais avec toutes les perturbations qui ont suivi, ça n`a pas continué.

Rencontre avec Laurent?

Dans le livre, je l`appelle Laurent. Il y avait des fois où je voulais parler du Président de la République, finalement nous avons opté pour cette forme. Cela permettait de maintenir ce qu`on voulait et que vous avez bien compris à la partie humaine, la partie épouse, affectiveCela existe. A quand remonte la rencontre ? Je l`ai rencontré la première fois chez le professeur Zadi Zaourou, qui était mon professeur. Nous étions ensemble dans une structure clandestine politique à l`Université, organisée sur la base marxiste et léniniste à l`époque. Nous faisions déjà des réunions. Pour nous, c`était pour recevoir la formation puisque j`étais en année de licence. Lui, "Laurent" était déjà en prison au camp militaire de Bouaké. En permission donc, il était venu saluer Zadi Zaourou. Et c`est là que nous nous sommes rencontrés. C`est beaucoup plus tard, que j`ai su qu`il existait une organisation politique clandestine qu`il dirigeait, mais comme il avait été arrêté et était à Bouaké, c`est Zadi Zaourou qui assurait l`intérim. Moi-même, j`ai été recrutée dans cette organisation clandestine sans le savoir. Je pensais que j`étais dans une cellule qui faisait une initiation au Marxisme-Léninisme, alors que nous étions des éléments formés et recrutés pour une action future. J`ai franchi le cap primaire de cette formation en réalité un lieu de formation, mais aussi un lieu d`observation de l`individu, de ses méthodes, de son caractère, de ses qualités, de ses défauts. Et quand vous avez été jugé satisfaisant, à ce moment-là, vous franchissez un cran de cette organisation. Et c`est quand j`ai franchi le cran de cette organisation, que j`ai su qu`il existait une structure clandestine, qui me proposait de devenir membre à part entière. A cette époque, nous étions juste des camarades. Il n`était pas question de la relation affective. C`est quelques années plus tard, que cela va changer de caractère pour prendre une voie plus affective jusqu`à ce qu`on aboutisse au mariage.

La duplicité d'Alassane Ouattara

Ce que j`attendais du président du RDR dans cette crise ? En réalité, j`attendais beaucoup de lui. J`attendais qu`il fasse en sorte qu`il n`y ait pas de crise en Côte d`Ivoire. J`aurais aimé qu`on n`ait pas connu cette crise ; que l`on ne l`ait pas vécue ; qu`elle n`ait pas existé. C`est cela que j`attendais de lui. Et c`est le contraire qui est arrivé. J`ai parlé de duplicité au moment où on parlait d`exclusion, de xénophobie, de tracasserie des étrangers en Côte d`Ivoire, etc. Je voulais rappeler qu`avant lui, il n`existait pas en Côte d`Ivoire de carte de séjour Nous avons eu des difficultés à cette époque, à Adjamé, à Abobo, à Grand-Bassam, où on envoyait la police dans les mosquées tabasser les musulmans, les vendredis au sortir des prières, parce que c`est dans les mosquées qu`on retrouvait un grand nombre d`étrangers. On ne peut pas avoir fait cela et venir parler, la bouche pleine d`innocence, comme un enfant nouvellement né qui n`a jamais commis de faute, et justifier les actes d`agression de la population que nous avons connus, ici : les meurtres, les viols, les assassinats, etc. Présenter patte blanche et charger les autres, alors qu`on est soi-même à la base de tout cela, ce n`est pas acceptable. J`attendais de lui qu`il n`ait jamais pris l`initiative de cette guerre.

Affaire Kieffer

J`ai beaucoup de respect pour l`être humain et pour sa vie. M. Kieffer, dit-on, a existé en Côte d`Ivoire, et à disparu de la Côte d`Ivoire. Je ne le connais pas. Je sais qu`un jour on m`a apporté un écrit de Kieffer dans lequel j`étais incriminé. Parce qu`il était en train de parler de privatisation de la CAA qui allait devenir BNI. Et déjà, à cette époque, il y a eu un article de M. Kieffer, dans lequel il avait été dit que moi, Simone Gbagbo, j`avais pris contact avec les Israéliens pour qu`ils viennent acheter des actions dans la CAA qui allait devenir BNI, parce que j`avais besoin de ce que cette banque rapporte pour financer le FPI. Je ne sais pas si vous suivez bien. La CAA et la BNI, je ne sais pas si elles rapportent aujourd`hui de l`argent. Je suis l`épouse du Chef de l`Etat, comme dit Akrou, je suis à côté du pouvoir et donc forcément, il y a des choses qui tombent dans mes oreillesMais, si je vous dis que rien ne tombe dans mes oreilles, vous me direz que je vous raconte des histoires. Mais les décisions ne se prennent pas à table au moment où on prend le déjeuner ou le dîner, non plus. Elles se prennent au Palais. Je n`y suis pas. Et je n`ai pas toutes les informations, contrairement à ce qu`on croit. Je ne savais pas que la CAA allait devenir BNI.
A cette époque déjà, cela m`avait choqué. Quand j`ai voulu savoir qui il était, on m`a dit que c`est un journaliste français, quelqu`un qui est dans le café, le cacao ; qui est dans l`espionnage, et qui est en Côte d`Ivoire sous couvert de journaliste. Mais, moi, je n`ai jamais rencontré ce type et je ne sais pas à quoi il ressemble. Pourquoi lorsqu`il disparaît de la Côte d`Ivoire, c`est moi qui suis coupable.

Mes liens avec Michel Legré ?

Mon beau-frère ce n`est pas moi. Je suis désolé. Mon beau-frère, ce n`est pas moi. Effectivement, Michel Légré est le mari de ma petite s?ur ; même père, même mère, comme on le dit en Côte d`Ivoire. C`est ce qui est la vérité. Mais, à part cela, nous n`avons rien de commun. Michel Légré et moi, on ne se fréquente quasiment pas. Nous ne marchons pas dans les mêmes eaux. Pourquoi parce que Michel Légré aurait vu Kieffer, pour la dernière fois avant sa disparition, qu`automatiquement, c`est moi qui suis coupable ? Et la démarche qui a été suivie par les Français était géniale ! De : "Michel Légré le beau-frère de Simone Gbagbo", on est passé à un autre stade : "Le beau frère de Simone Gbagbo". Et le Michel Légré avait disparu de l`écran. Et après on est passé à un autre stade ; étant donné que c`est le beau frère : "L`entourage de Simone Gbagbo". J`ai dit : ça y est, on arrive Capitaine Séka Séka ; Kadet, Aubert Zohoré
Le pauvre qui débarquait en Côte d`Ivoire, qui n`avait encore aucune relation s`est retrouvé dans cette affaire. Le pasteur Koré... Un jour, un Français débarque. Il dit qu`il est juge, qu`il vient pour juger l`affaire Kieffer. Il convoque tout le monde ; il veut juger. Nous lui disons : "Tu n`as pas le droit de juger chez nous. Il faut suivre les procédures". Nous le remettons au pas. Il veut faire partir tous les accusés en France. Cela se bloque. Quelque temps après, on fait débarquer Osange Silou, qui est censée être l`épouse. En réalité, c`est une femme avec qui Kieffer a vécu. Ils ont un enfant, mais ils sont séparés depuis plus de 15 ans. Elle ne savait même pas où il était. Elle a traité la Ghanéenne avec qui Kieffer était censé vivre de maîtresse, etc. Elle est venue, elle a fait son numéro et elle est partie. Et depuis, nous sommes là. Nous n`avons pas plus d`information sur cette affaire. Alors, est-ce que ce type a vraiment disparu ? Est-ce qu`il a vraiment été enlevé ? Est-ce que ce type est vraiment mort ? Moi, je n`en sais rien. Ma conviction, c`est que c`était une affaire montée de toutes pièces, pour salir Simone Gbagbo et l`entourage de Laurent Gbagbo. Michel Légré a été arrêté. Il est resté en prison au moins une année. Mais, il a été arrêté. Pourquoi ? Il a été arrêté parce qu`il a écrit dans un journal qu`il a été la dernière personne à avoir vu Kieffer vivant. Est-ce que cela suffit pour arrêter quelqu`un ? Même quand ils l`ont arrêté, ils sont venus raconter que c`est moi qui l`ai fait arrêter. Finalement, ils l`ont libéré au bout d`un an. Et l`affaire n`a pas pu avancer. On en est là. Nous avons connu plein de choses de ce genre dans notre crise. J`ai écrit cela sous forme de chemin de la croix, parce que pour moi, c`était grave. C`est comme à l`époque où les gens ont osé aller jusqu`à tuer le Christ. S`ils m`avaient eu, ils m`auraient tuée aussi.

Dialogue direct

J`ai dit dans l`ouvrage que l`échec de la 1721 était prévisible et je continue de le croire parce que nous étions, avec cette résolution, dans une situation où les gens voulaient supprimer la constitution ivoirienne. D`autres Etats se sont élevés contre cela et la constitution a été maintenue. Mais lorsque vous lisez la 1721, vous vous rendez compte que bien que la constitution ivoirienne ait été maintenue, dans ce document, il y avait des dispositions qui allaient à l`encontre de notre loi suprême. Par exemple, la possibilité pour un Premier ministre de signer des ordonnances à l`intérieur d`un conseil de gouvernement, lequel conseil de gouvernement est une structure qui n`est pas prévue dans la constitution et qui est juste une structure informelle. Il y avait beaucoup de contradictions dans ce document. La pratique est venue entériner les analyses que nous faisions et a montré que ces analyses n`étaient pas juste partisanes, mais plutôt des choses réelles.
La preuve, M. Konan Banny n`a pas pu signer d`ordonnances ou de décrets. Ce n`était pas possible! Je ne dis pas que c`est un manque de courage. Peut-être qu`il n`était pas dans les capacités réelles de faire cela. Les gens ont écrit cela, mais concrètement ça ne pouvait pas se faire. Dans notre pays, pour que vous signiez une ordonnance, il faut que vous ayez eu l`autorisation de l`Assemblée nationale. Or, le Premier ministre ne voulait pas y aller. Comment allait-il obtenir l`autorisation de cette institution? Lui-même se limitait dans ses capacités.
Tenez, c`est un peu comme chez vous ici, vous avez par exemple une conférence de rédaction qui se tient tous les lundis. Le rédacteur en chef pour préparer cette conférence réunit un certain nombre de personnes avec qui il travaille les dossiers pour qu`au moment de la conférence, le travail aille vite. Cette structure informelle ainsi créée ne peut pas venir prendre des décisions au-dessus de celles que prendra la conférence de rédaction. C`était ce qu`on donnait comme pouvoir à M. Banny. C`était du faux en fait! Et lui, il y a cru.

Gbagbo ? Banny

Pourquoi il n` y a pas eu d`affrontements avec le Chef de l`Etat. S`il avait vraiment affronté le Chef de l`Etat, il serait tombé ouvertement dans le camp de la rébellion. Est-ce qu`il avait intérêt à cela? Je ne sais pas, je n`ai pas parlé avec lui. Je constate simplement qu`il ne l`a pas fait. Il a essayé une fois lorsqu`il a remis en question les décrets nommant MM. Akrou, Brou Amessan (à Fraternité Matin et à la RTI, Ndlr) et réintégrant le directeur général du Port. Il a vu tout de suite à la riposte qu`en réalité
Les Blancs n`ont pas compris et ils ont fonctionné comme si nous étions dans un système parlementaire. En France, ils sont dans un système semi-parlementaire de sorte que celui qui a le pouvoir réel, c`est celui qui a la majorité des députés à l`Assemblée. C`est celui-là qui nomme le Premier ministre et ce Premier ministre a le pouvoir réel pour gouverner. Sauf pour certains postes comme la Défense et les Affaires étrangères, etc. qui demeurent les prérogatives du Chef de l`Etat. Mais sinon pour tous les autres, le Premier ministre a les pouvoirs réels. C`est ce qu`ils ont voulu créer chez nous, mais ce n`est pas notre système! Lorsqu`ils ont vu qu`à la fin, ils n`y arrivaient pas, ils ont voulu suspendre notre constitution à l`ONU. Mais cela aurait été une première que de suspendre la constitution d`un pays à l`ONU. Et cela aurait créé tellement de perturbations dans le reste du monde, que les autres Etats ont refusé d`aller sur ce chemin.
Pendant notre crise, on a traité des questions de niveau international qui sont extrêmement importantes pour l`humanité tout entière, pour tous les Etats, pas seulement pour la Côte d`ivoire.

L'Onu et la crise

Lorsque le Président a proposé le dialogue direct qui a entraîné la remobilisation pour la négociation et la sortie de crise, qu`est-ce que les grandes puissances ont fait ? Toutes ont adhéré, y compris l`ONU. Or, c`était l`ONU qui pour la première fois dans le monde, s`était mise à rédiger une résolution en mentionnant le nom d`un individu qui devait être Premier ministre. C`est la même ONU qui dit aujourd`hui au Président : " nous vous soutenons, nous vous félicitons, nous vous encourageons, nous vous suivons, nous sommes avec vous, allez de l`avant, sortez la Côte d`Ivoire de cette crise ". Ce sont les mêmes!
C`est pour cela que j`ai bien aimé une analyse qu`on m`a rapportée sur RFI et qui indiquait que Banny a échoué parce qu`il a sous-estimé le pouvoir du Président Gbagbo et parce qu`il a surestimé le pouvoir de la communauté internationale. C`était tout à fait vrai. Mais c`est la même RFI qui parle comme ça aujourd`hui! C`est pour cela qu`il faut être très prudent quand on prend position pour ci ou ça. Cela dit, je ne suis pas l`inspiratrice du dialogue direct. Si vous avez bien suivi, vous noterez que le Président a fait une première fois des propositions de sortie de crise en novembre 2002, au cours de la réunion de Lomé. C`est dans ces propositions qu`il a parlé pour la première fois de la possibilité d`amnistier les rebelles pour créer en eux le sentiment de sécurité afin qu`ils acceptent de déposer les armes. Ces propositions qui comportaient plusieurs points n`avaient pas été prises en considération. Comme il l`a dit lui-même, ce n`était pas encore le temps. Maintenant le temps est arrivé et je soutiens cette proposition avec le FPI, avec le CNRD. Nous soutenons à fond cette proposition de sortie de crise parce que nous pensons qu`elle met l`accent sur tous les problèmes qui ne sont pas encore réglés. Nous avons fait les lois, maintenant, il faut faire le désarmement, démanteler la zone de confiance, entreprendre la réunification, faire le redéploiement de toute l`administration, organiser les audiences foraines et faires les listes électorales.

Image de la Côte d'Ivoire

Mais la Côte d`Ivoire a perdu de sa valeur depuis 1999. Date à laquelle il y a eu le coup d`Etat contre le Président Bedié. A cette époque, les militaires ont pris le pouvoir. Est-ce que ce n`est pas une dévalorisation de la Côte d`Ivoire ? Pensiez-vous qu`un jour l`armée serait au pouvoir dans notre pays? C`était le début des problèmes qui se poursuivent jusqu`à aujourd`hui. Si cela peut nous aider à sortir le pays de la crise, alors la parenthèse sera fermée. Et le pays pourra redémarrer. C`est ce que nous souhaitons tous. Que Dieu vous bénisse, qu`il bénisse la Côte d`Ivoire !.

Propos retranscrits par
Marie Adèle Djidjé
Paul Bagnini
Mayane Yapo
Jean-Rock Kiréné
Djézou Casmir
Sous la supervision de Michel Koffi

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