mardi 3 avril 2007 par Notre Voie

L'accord politique de Ouagadougou et son complément sont en train de bousculer certaines habitudes dans la vie des Ivoiriens. Il devrait être encouragé pour que toutes les habitudes, notamment celles qui sont nuisibles, soient bousculées et jetées aux oubliettes.

Tout ou presque a changé ou est en train de changer. Les habitudes et le langage des Ivoiriens ont connu une évolution positive ces jours derniers. Jeudi dernier, devant la presse, le journaliste Zio Moussa, président de l'OLPED, en a fait le constat : Des revirements spectaculaires se sont opérés qui permettent de voir la photo de Laurent Gbagbo, président de la République, sur certains journaux, surtout des photos qui ne le présentent pas dans une posture dégradante qui portent atteinte à sa dignité, à la dignité humaine. De même, Soro Guillaume, est traité avec charité et clémence par certains journaux et des journalistes qui avaient juré sa perte et ne voulaient même pas le voir en peinture. Certains qualificatifs peu glorieux et peu respectueux dont l'un, Laurent Gbagbo, et l'autre, Soro Guillaume faisaient les frais ont commencé à disparaître des articles que les uns et les autres écrivent sur eux?.
Ce que le président de l'OLPED n'a pas dit clairement, c'est que les journalistes n'ont pas attendu longtemps pour accompagner le processus de paix qu'ils ont trop tôt perçu dans le dialogue direct. Il suffit seulement et maintenant que les politiques leur emboîtent le pas pour que la paix sorte du domaine du possible pour entrer dans la réalité des Ivoiriens. Mais il reste cependant aux journalistes à se départir de certains maux qui minent encore leur corporation.
A ce sujet, les dernières déclarations de Laurent Gbagbo et de Guillaume Soro inclinent à l'optimisme. Ce n'est peut-être pas la première fois, mais l'on a vu que dans ses deux dernières interventions officielles sur le dialogue direct, le chef de l'Etat a montré la voie du changement. D'abord à Ouagadougou, lors de son intervention après la signature de l'accord politique du 4 mars. Il a félicité le ministre d'Etat Guillaume Soro?. Et puis à Abidjan, au lendemain de cet accord historique, il a encore félicité et encouragé les Forces Nouvelles?. De son côté, Soro n'a pas voulu manquer à l'appel de l'Histoire. Dans son discours d'après-signature de l'accord politique de Ouagadougou, il a laissé dans la poubelle de l'histoire les M. Gbagbo? pour des le président de la République, le chef de l'Etat?. D'ailleurs, ce jour-là, on n'a pas vu dressé, comme de coutume, le tapis rouge. Signe des temps ! Après sa nomination au poste de Premier ministre, le chef de la rébellion qu'il était encore il y a seulement 45 min a vivement remercié le président de la République, le Président? Les temps ne sont-ils pas en train de changer ?
Le plus important changement impulsé par l'accord de Ouaga reste certainement le rôle nouveau que va jouer la communauté internationale dans le règlement de la crise ivoirienne. Les deux belligérants et le facilitateur ont tout prévu. La communauté internationale, à travers l'ONUCI, ne jouera plus désormais que le rôle d'observateur. Exit des structures comme le Haut représentant des Nations Unies chargé des élections (HRE) de Gerard Stoudmann ! Exit aussi le Groupe de travail international (GTI) de Pierre Schori et les autres. De nouvelles structures, celles-là authentiquement africaines, ont été mises sur pied par l'accord de Ouaga, pour conférer au dialogue direct son caractère révolutionnaire, nationaliste et hautement digne. Désormais, M. Stoudmann, s'il n'a rien d'autre à faire au sein de la représentation des Nations Unies dans notre pays, peut faire ses bagages et rentrer. La division des droits de l'homme et des élections, structure qui existe au sein de l'ONUCI, peut bien jouer le rôle d'observateur. La certification des élections à venir se fera sans doute avec d'autres acteurs et d'autres structures de la communauté internationale avec le primat à ceux de la CEDEAO et de l'UA. Y a-t-il meilleur changement que celui opéré par les termes de l'accord de Ouaga en ce qui concerne le regard que doit poser désormais l'étranger sur la crise ivoirienne ? Peut-être.
Une chose est sûre cependant, dans les cités, campements et retraites spirituelles, on n'est pas en reste. Bien que meurtris par la nouvelle de la nomination du chef-rebelle Soro à la Primature, ce qui pour eux est une prime au désordre et à la promotion du non-Etat, du non-droit et de tout ce qui est contre la morale sociale, les uns et les autres se font à la chose. Contre mauvaise fortune, ils font bon c?ur. On lui a demandé ce qu'il veut pour que la paix revienne. Il a dit qu'il veut être Premier ministre. Pourquoi allons-nous refuser cela alors que ça va nous donner la paix ??, justifie un paysan de Man.
Les habitudes qui changent parce que bousculées, on les retrouve aussi chez les militaires. Ici, l'accord semble parfait. On se mélange déjà. On parle même d'un programme de travail établi avec des directions qui sont parfois rebelles (Forces Nouvelles) parfois FANCI. Il ne reste plus aux différents chefs à sensibiliser leurs soldats et autres collaborateurs à être dorénavant militaires. C'est-à-dire des hommes et des femmes soucieux de la sécurité des biens et des personnes de leur pays. Et non des gens fortement portés sur le matériel dont l'acquisition reste des plus immorales. Dans ce genre de choses, le plus dur, c'est le premier pas. Et c'est ici que doivent intervenir les premiers responsables de l'armée qui doivent non seulement donner l'exemple, mais faire en sorte que cet exemple soit suivi à la lettre comme un ordre militaire !
Chez les policiers, la pilule sera difficile à avaler. Mais y a-t-il de situation encore insurmontable dans ce pays quand l'Etat qui est attaqué décide de faire la paix et de tendre la main à celui ou à ceux qui l'ont attaqué ? Il est vrai que tout début paraît difficile, mais ceux qui y mettent la volonté s'en sortent toujours et aisément. Que donc, pour ce nouveau départ, les policiers se rangent. Qu'on les voit de moins en moins à tous les coins de rue de la Ville d'Abidjan et des villes de l'intérieur du pays. Qu'ils soient plutôt aux grands carrefours lors des heures de pointe, pour diriger la circulation, sans prendre ou demander un seul sou aux passants. D'après nos enquêtes, la solution se trouve dans les mains de leurs premiers responsables. Ce sont eux qui les envoient en mission, sur les routes, pour faire ce que tout le monde voit, pour faire la battue. Le soir venu, lorsqu'ils rentrent aux commissariats, ils procèdent au partage du butin après avoir dégagé, auparavant, la part du grand chef. Lequel peut ou doit rendre compte à son tour au grand patron ou même au ministre?. Le jour où un commissaire de police va être félicité ou déshabillé publiquement pour avoir mis fin au racket ou pour l'avoir fortement encouragé dans son commissariat, les populations vivraient mieux. Le renouveau du pays ne peut se faire encore avec des habitudes surannées.
Cette sentence est valable pour les cousins des policiers : les agents des Eaux et Forêts. On parle à peine d'eux parce qu'on ne les pratique pas au quotidien. Mais demandez à un chauffeur de camion de billes de bois. Il vous dira sans nul doute que le racket des policiers est pardonnable puisqu'ils ne prennent que 200FCFA. En fait, chez les agents des Eaux et Forêts, c'est un système de brigandage qui est mis sur pied et qui ressemble fort bien à une mafia. Ils ont des pisteurs sur tous les champs qui les renseignent sur le transport des bois. De sorte qu'ils se pointent dès qu'ils vous voient sortir d'une forêt avec vos billes de bois. En général, ils attendent à la dernière minute pour vous enquiquiner et vous soustraire d'énormes quantités de sous?, raconte P. B., un exploitant forestier.
La jeunesse, elle, est dans le ton du renouveau depuis belle lurette. Konaté Navigué de la Jeunesse du FPI a pris une part active dans les travaux du dialogue direct. Konaté Sidiki de la rébellion des Forces Nouvelles également. Y ont été associés le président de la Jeunesse du PDCI, celui de l'UDPCI, du MFA, etc. Quant aux jeunes patriotes, leur leader continue sa caravane de la paix à travers le pays. Qui dit mieux ? Vous avez dit caravane de la paix ? Geneviève Bro- Grébé, présidente des Femmes patriotes, et ses amies sont sur le terrain. Elles tournent. Pour parler de paix, du renouveau, pour rapprocher les femmes les unes des autres.
En sera-t-il de même pour les médecins et sages-femmes de nos hôpitaux ? La Ligue ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO) a dit récemment à la presse que ce milieu est gangrené par la corruption, le racket, le laisser-aller. Des maux qui ne rassurent guère quand on sait que c'est la vie des humains qui est ainsi exposée et qui ne sera jamais protégée si rien n'est fait dans le sens de l'anéantissement de ces vilains sentiments. Pour le renouveau de la Côte d'Ivoire, ce secteur doit être revu et corrigé. Et cela, de fond en comble. Pour l'avenir, il faut, à la tête du département ministériel qui gère la santé de tous, un homme ou une femme qui prendra des décisions de rupture sans craindre de perdre son portefeuille de quelque manière que ce soit.
Les habitudes doivent changer fondamentalement avec l'appui de l'Etat qui devrait cesser de regarder faire comme il nous en a donné l'occasion à plusieurs reprises. Ainsi que le disait un chef d'Etat de la sous- région, la Côte d'Ivoire doit sortir de la crise avec un Etat fort qui prend des engagements, des options sérieuses sur l'avenir et qui les respectent. Si l'Etat continue de se mettre en retrait, s'il continue de reculer là où il doit être en première ligne, s'il continue de se coucher pour se laisser marcher dessus, la guerre n'aura servi qu'à diminuer le nombre d'habitants de ce pays, à faire reculer le pays, à freiner son développement, sans plus ! Il faut donc que l'Etat se donne les moyens de la rigueur en choisissant les hommes et les femmes connus pour leur rigueur (même excessive) dans le travail et dans leur comportement de tous les jours. Il y a des aînés qui sont aujourd'hui à la retraite, qui sont connus comme tels et qui n'ont jamais été mêlés à quoi que ce soit de compromettant. Ils existent dans tous les corps de métier. A la police, la gendarmerie, l'armée, la médecine, l'enseignement. Pourvu qu'on veuille penser à eux, on saura où les retrouver. Parce que, dans ce pays, on se connaît tous en détail?, aiment à dire les artistes zouglou.



Abdoulaye Villard Sanogo

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