mercredi 4 avril 2007 par Le Nouveau Réveil

Moi, j'ai écrit ce que je crois être ma vérité ". A plusieurs reprises, Simone Gbagbo est revenue sur cette phrase. Une insistance suspecte qui en dit long sur la vérité des "paroles d'honneur" qu'elle a relatée dans son inutilement volumineux livre du même nom. Ce n'est d'ailleurs pas ce livre édité en France, du reste, qui retient notre attention. Sur les "paroles d'honneur" de Simone Gbagbo, il n'y a rien à apprendre. Ce qu'il y a à apprendre, ce sont les graves propos tenus et cette subtile mais voyante tentative de refaire l'histoire récente de la Côte d'Ivoire à laquelle s'est essayée, sans succès, l'épouse du chef de l'Etat. Analyse.
Simone Gbagbo était l'invitée, lundi, de la rédaction de Fraternité Matin. Dans son édition d'hier, sur 4 pages, le journal a proposé de larges extraits de ses réponses aux questions posées par les journalistes. Plusieurs thèmes ont retenu l'attention du journal.

L'affaire Kieffer

" J'ai beaucoup de respect pour l'être humain et pour sa vie. M. Kieffer, dit-on, a existé en Côte d'Ivoire et a disparu de la Côte d'Ivoire. Je ne le connais pas. Je ne le connais pas. Je sais qu'un jour, on m'a apporté un écrit de Kieffer dans lequel j'étais incriminée () A cette époque déjà, cela m'avait choqué. Quand j'ai voulu savoir qui il était, on m'a dit que c'est un journaliste français, quelqu'un qui est dans le café, le cacao ; qui est dans l'espionnage et qui est en Côte d'Ivoire sous couvert de journaliste. Mais moi, je n'ai jamais rencontré ce type et je ne sais pas à quoi il ressemble. Pourquoi lorsqu'il disparaît de la Côte d'Ivoire, c'est moi qui suis coupable ? ". Ces propos sont pleins de contradictions. Simone Gbagbo dans un premier temps, nie l'existence même de Guy André Kieffer, le journaliste franco-canadien disparu à Abidjan en avril 2004 (M. Kieffer, dit-on). Elle ne croit donc pas qu'il ait disparu de la Côte d'Ivoire. Cependant, à la fin de son exposé, elle affirme qu'il " disparaît de la Côte d'Ivoire ". Au demeurant, le compte rendu du quotidien Nord Sud est plus édifiant. Ce journal a écrit hier en citant l'invitée : " Mais moi, je n'ai jamais rencontré ce type-là. Je ne sais pas à quoi il ressemble. Pourquoi il meurt brusquement ? Je ne sais pas. Mais en tout cas, il disparaît ". Cette partie du témoignage de Simone Gbagbo où elle parle de la mort brusque de Guy André Kieffer, ne figure pas dans la sélection de Fraternité Matin. Pourquoi ?... Sur le cas Kieffer, on s'étonne d'ailleurs que la conférencière qui doute de l'existence de l'homme ait assez de renseignements le concernant. Au point où elle déclare (et cela est nouveau) qu'il " est dans l'espionnage ". Elle s'intéresse tellement à cet homme qu'elle dit ne pas connaître, qu'elle sait que sa femme (Osange Kieffer) et lui " sont séparés depuis plus de 15 ans ". Elle connaît même le nom de jeune fille (Silou) de Osange. Mieux, elle sait que le disparu "était censé vivre" avec une maîtresse Ghanéenne. Tout ceci amène à affirmer que Simone Gbagbo a tout dit de l'affaire Kieffer, sauf ce qu'elle sait vraiment.

ADO et le Front républicain

" Je n'ai pas écrit ce livre pour accuser quelqu'un. Mais pour dire ma part de vérité (encore cette phrase !). Et dans celle-ci, je décris des actions qui ont été menées. Je décris ce que la France, Alassane Dramane Ouattara et plusieurs autres personnes ont fait chez nous () J'attendais de lui qu'il n'ait jamais pris l'initiative de cette guerre ". Pour tout dire, Simone Gbagbo a montré toute l'aversion qu'elle a pour Alassane Ouattara, le président du RDR. Toujours ce sentiment que l'homme est un étranger. On remarque à ce titre l'emploi de l'expression "chez nous". Et aussi et toujours cette accusation d'avoir commandité la rébellion sans le début d'un soupçon de preuve. Mais là où Simone Gbagbo expurge tous les sentiments qu'elle éprouve pour l'homme qui, pendant 4 ans, a eu à partager des repas chez sa défunte mère (c'est Ouattara lui-même qui l'a révélé lors du forum de la réconciliation nationale) avec son époux ; c'est quand elle le compare à un fléau. " Vous me demandez, dit-elle, pourquoi je dis que Ouattara est un fléau. Mais je le dis et je le répète. Ouattara est bel et bien un fléau. Il est un fléau pour la Côte d'Ivoire. Je le dis et je le maintiens. Vous me demandez pourquoi, dans ce cas, j'ai passé alliance avec lui. Mais c'est parce que j'ai passé alliance avec le RDR que j'ai eu l'occasion de savoir que cet homme est un fléau. Dès que je m'en suis rendu compte, je suis partie. Je l'ai fui, j'ai quitté le Front républicain. Nous avons rompu avec le Front républicain parce qu'on l'avait découvert ". Ce témoignage hilarant est une véritable réécriture de l'histoire récente de la Côte d'Ivoire. Simone Ehivet Gbagbo n'a jamais comme elle l'affirme " quitté le Front républicain ". Et nous la mettons au défi de prouver le contraire. Elle en a tant conscience qu'après avoir sorti cette énormité, elle a tenté de se rattraper en généralisant l'acte imaginaire par l'emploi subtile d'un "nous" inclusif et général. " Nous avons rompu avec le Front républicain parce qu'on l'a découvert ". Faux ! Archi faux ! Nous mettons encore ici au défi Simone Gbagbo de dire quand le FPI (ici "nous") a rompu avec le RDR dans le cadre du Front républicain. En réalité, et c'est ce qui est une parole d'honneur, c'est Laurent Gbagbo qui a tué le Front Républicain, au lendemain du coup d'Etat de 99, pour une question de postes ministériels. " Qu'on nous dise si c'est un coup d'Etat RDR ". C'est bien cette phrase prononcée pour expliquer le boycott du premier gouvernement du général Guéi et qui visait à protester contre l'octroi par le CNSP des portefeuilles de souveraineté au RDR, qui a tué le Front républicain. L'histoire a d'ailleurs montré par la suite que le FPI qui protestait parce qu'il avait la portion congrue, ce qui a créé le premier couac (à la base de beaucoup de malheurs comme on le verra par la suite) de la transition militaire, s'est retrouvé quelques mois plus tard en train de contrôler nombre de ministères dits stratégiques.

Evènements de novembre 2004

" En novembre 2004, je sortais d'un culte quand on m'a appelée de Bouaké pour me dire : " On est en train de rentrer dans la ville de Bouaké, mais on a un problème avec les Français ". Une heure après, tous nos avions étaient détruits ". Simone Gbagbo ne dit pas la nature du problème que les militaires ou les miliciens ou les mercenaires (elle a dit "on", sans préciser qui) ont eue " avec les Français ". Cependant, l'image est fort saisissante. La femme qui sort du culte et qui reçoit le compte rendu en temps réel d'une guerre. Pire, c'est à cette femme qui dit être chrétienne que "on" rend compte de cette guerre qui a causé la mort de plusieurs personnes. Vraiment saisissant ! A lire Simone Gbagbo, on ne peut donc pas s'empêcher de faire le lien entre ce " problème avec les Français " et le bombardement auquel elle soutient ne pas croire, du camp de Licorne à Bouaké. La thèse n'est certes pas nouvelle, celle du complot français contre Laurent Gbagbo. Mais, ce que les doctes savants de la refondation ne disent jamais, c'est qu'il y avait outre les 9 soldats français, un civil ressortissant américain travaillant à l'ADRAO qui a été tué dans ce bombardement. Cette mort n'a jamais été évoquée pas plus qu'il n'a été question de complot américain contre Laurent Gbagbo.

L'opposition du FPI,
le 25 mars 2004

" Dans les méthodes que nous avons utilisées, à aucun moment, nous n'avons utilisé les moyens et les méthodes que les autres ont utilisés avec nous () A aucun moment, nous n'avons organisé une campagne pour salir celui-ci ou pour salir celui-là ". Que c'est beau ! Mais les années opposition du FPI ne sont pas encore trop loin et l'on se rappelle encore les manifestations violentes quasi hebdomadaires de ce parti dans le pays, le boycott actif et surtout cette historique manifestation des écoliers jetés dans la rue à qui on avait inspiré cette phrase assassine : " Houphouët voleur". Cela ne peut être occulté tout comme l'histoire du pogrom des 25, 26 et 27 mars 2004. " Mars 2004, ce sont la police et la gendarmerie qui sont intervenues ". Cela est d'autant plus vrai que c'est le porte-parole de l'armée qui a fait le point de la situation à la télévision, le 25 mars 2004. Cela est d'autant plus vrai que son époux a réquisitionné l'armée, proches collaborateurs du chef de l'Etat, et que des officiers subalternes de l'armée ont décrété le Plateau "zone rouge". Vous avez dit paroles d'honneur

André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr

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