mercredi 4 avril 2007 par Fraternité Matin

Le directeur général, Kessé Feh, a échangé, hier, avec la rédaction de Fraternité Matin sur la réalité fiscale en Côte d'Ivoire..

Premier devoir

Je suis ému en arrivant dans cette maison qui représente un symbole pour moi.
Jeune bachelier, sans bourse, après avoir refusé mon orientation, cette maison m'a accueilli en 1970.
En revenant aujourd'hui, 37 ans après, je ne peux m'empêcher de penser à des personnalités comme Fologo, Miremont et Abougnan Marcellin à qui je dois cette première expérience. Mes pensées vont également vers les membres de l'équipe que j'ai intégrée à cette époque, notamment Jean-Pierre Ayé, Noël Ebony et Diaby Salif.
En outre, Fraternité Matin est un vecteur important de communication. A ce titre, c'est un journal incontournable. Pour toutes ces raisons, je ne pouvais pas ne pas répondre et me sens très honoré de l'invitation que vous avez bien voulu m'adresser. Je voudrais profiter de ce retour pour rendre hommage à tous ceux qui nous ont quitté, trop tôt.
L'impôt est avant tout des recettes, mais c'est aussi le premier devoir du citoyen. L'indépendance d'un pays se mesure par sa capacité à financer ses dépenses par ses propres ressources internes. Pour que l'Etat soit moins dépendant des ressources extérieures, il doit s'appuyer sur ses ressources nationales, notamment sur le prélèvement fiscal.
Aux termes de la Constitution Ivoirienne, comme dans la plupart des démocraties modernes, l'impôt relève du domaine de la loi et l'exécution de cette loi fiscale est de la compétence de l'Administration fiscale.
De l'ensemble des missions dévolues à la Direction générale des Impôts, la mission de contrôle est essentielle parce que notre pays a choisi le système déclaratif, système en vertu duquel le contribuable détermine lui-même, conformément à la loi, le montant de son impôt et le déclare sous sa propre responsabilité. Ce système présume donc la sincérité des déclarations souscrites par les contribuables.
Malheureusement, les contrôles fiscaux révèlent trop souvent la méconnaissance des textes fiscaux par les contribuables, mais surtout l'existence d'une fraude massive qui fait perdre à l'Etat d'importantes recettes budgétaires, contrarie la libre concurrence entre les entreprises privées et sape les bases de l'économie nationale.
Préoccupée par cette situation, l'Administration fiscale a réagi dans quatre directions, avec la mise en ?uvre d'actions suivantes:
- le développement et la modernisation de la Direction Générale des Impôts.
- des réformes destinées à améliorer la compétitivité des entreprises par un allègement fiscal;
- une politique de lutte contre la fraude fiscale;
- une politique de communication axée sur la promotion du civisme fiscal, la sensibilisation des citoyens et la concertation avec les opérateurs économiques du secteur privé;

Civisme fiscal des Ivoiriens

Les Ivoiriens ont une mentalité fiscale médiocre. Nous sommes de mauvais payeurs d'impôts. Lorsque je parle d'Ivoiriens, je parle de tous ceux qui vivent en Côte d'Ivoire. Cela provient de notre héritage colonial. Tous les pays latins sont confrontés à ce même problème. Les contribuables français, italiens, espagnols et autres sont réfractaires aux impôts. Ils sont des grognons. Tout le monde grogne contre l'impôt. Contrairement aux pays anglo-saxons où les contribuables sont fiers de payer leurs impôts. Il y a même des pays d'Europe où on va jusqu'à afficher la liste des contribuables avec les montants en face. C'est le cas de la Norvège où chaque année la liste des citoyens avec les montants de leurs contributions est affichée dans les communes. Nous avons donc une mentalité fiscale médiocre. L'origine de cette situation est également liée à trois faits. Il s'agit de la fraude fiscale, l'évasion fiscale et l'ignorance fiscale. La fraude fiscale regroupe les moyens qu'on utilise pour ne pas payer l'impôt. De sorte à ne pas déclarer ce qui devrait l'être. L'évasion, c'est l'utilisation des subtilités du système pour minimiser sa charge fiscale. Ce n'est pas forcément illégal, mais cela est incompatible. Car elle consiste à réduire le niveau des collectes. La lutte contre la fraude nécessite des instruments particuliers adaptés à chaque type de fraude que nous verrons plus tard. Quant à l'ignorance, vous savez, nous avons un pays qui, culturellement n'était pas très avancé. Très peu de gens peuvent comprendre les textes fiscaux. Alors, que faut-il faire ? Nous avons engagé un programme de communication qui nous permet de parler avec les uns et les autres. Nous avons mis des panneaux publicitaires sur les voies publiques. Nous avons initié des émissions à la télévision. Nous comptons les étendre à la presse écrite et à la radio. Nous avons aussi engagé un programme de formation et de sensibilisation à l'école. Récemment, nous avons signé un partenariat avec le ministère de l'Education nationale pour l'introduction du civisme fiscal à l'école. On doit pouvoir enseigner désormais aux enfants ce que sont les impôts. Mais aussi qu'est-ce qu'on fait avec les impôts, quels sont les différents impôts qui existent. Il y a également les publications. Nous publions des journaux, des livres que nous mettons à la disposition des opérateurs économiques. Nous avons des films, des supports musicaux, etc. Tout cela, pour sensibiliser et éduquer les populations. En ce qui concerne les personnalités " en haut en haut " comme vous le dites, sachez qu'un ministre est payé par une structure qui effectue la retenue des impôts à la source au moment du versement de sa rémunération et le reverse au centre des impôts dont dépend la structure. Il en est de même du DG des impôts et de tous les agents de Fraternité Matin. Dans votre question, ce qui importe, c'est le revenu. C'est donc l'importance du revenu qui est saisi et non le titre ou la qualité de la personne. Je tiens à préciser que la DGI a la confiance du Président de la République et du ministre de tutelle qui lui laisse la latitude de mener la politique fiscale sans pression. Ce qui est demandé à la DGI, ce sont les résultats.

Fraude fiscale

Vous savez, c'est une formule très connue. Mais trop d'impôt en mon sens, c'est d'abord le taux des prélèvements. Lorsque vous avez l'impôt sur les bénéfices dont le taux est de 40% dans certains pays, l'opérateur économique fera en sorte de réduire le bénéfice. C'est ce qui tue l'impôt, cela veut dire que lorsque les charges fiscales sont énormes, le taux des prélèvements est élevé et le contribuable a tendance à utiliser les moyens de fraude pour y échapper. Vous voyez à l'époque des droits de douanes, en Côte d'Ivoire on atteignait près de 100% aujourd'hui ils ont été réduits à 40% ; ce qui permet aux opérateurs, aux citoyens qui entrent dans le pays de faire face à la charge fiscale qui leur est établie. Mais en Côte d'Ivoire il n'y a pas trop d'impôts. Il y a une multitude d'impôts pour prendre en compte la nature de l'activité et la nature du revenu ; parce qu'il faut que l'impôt appréhende l'ensemble des activités et l'ensemble des revenus. Et pour y parvenir, on doit créer les impôts sur tous les revenus de sorte qu'aucun revenu n'échappe à l'impôt. Mais les taux de prélèvement sont dans la limite de ce qui est bon. L'impôt sur les bénéfices en termes de comparaison : la France a 33,33%.
En Côte d'Ivoire, on était à 35% ; mais depuis un an, on a baissé à 27%. L'IGR n'est pas aussi élevé qu'en France, l'impôt sur salaire c'est la même chose0 Donc nous avons un niveau de prélèvement qui nous permet de nous situer vraiment dans les limites du raisonnable.
A l'UEMOA, nous allons peut-être parler en termes de pressions fiscales. Mais le taux de pressions fiscales, ça ne rend pas compte forcément du niveau de prélèvement. Je peux dire qu'au niveau de l'UEMOA, en matière de TVA on va vers une harmonisation, le taux est aujourd'hui entre 20 et 15 %. Nous, nous sommes à 18%, il y en a qui sont à 15% d'autres à 20 %. Donc, on est dans une fourchette et on progresse vers une harmonisation des taux. Nous avons également l'impôt sur les bénéfices et là une harmonisation est en cours. Mais il y a des pays qui appliquent 40 % de taux d'impôt sur les bénéfices, le Sénégal applique 25%, en Côte d'Ivoire, on applique 27%. Donc, on est encore dans la fourchette. Mais en parlant de taux de pressions fiscales, ce qui n'est pas le même que le taux de prélèvement, nous pouvons dire que nous sommes tous en difficulté. C'est-à-dire qu'on n'arrive pas à réaliser le taux normal. Ce taux normal est situé à 17 % au sein de l'UEMOA, ce n'est pas bon. Mais le taux de pression fiscale acceptable, c'est-à-dire pour qu'un pays apprécie vraiment l'effort contributif de ses citoyens, doit être situé au-delà des 20 %. Dans les pays européens, lorsqu'on prend le taux de pressions fiscales stricto sensu, c'est autour de 25%, il y en a qui vont à 40%. Lorsqu'on y ajoute le taux de prélèvement à caractère social.

Taux de pression fiscale

C'est la part que prélève l'impôt sur la richesse nationale, c'est-à-dire quand on gagne 100F, l'impôt prend combien ? Dans certains pays, ils sont à 25%. Donc, pour 100 F ils prennent 25 F.
En Côte d'Ivoire par exemple, nous sommes légèrement au-dessus des 16%. Ça veut dire que les difficultés proviennent de l'évasion fiscale qui est la fraude fiscale. Nous sommes à 16 %.
Voilà comment se calcule le taux de pression fiscale. Vous prenez le montant des prélèvements de tous les impôts, (douane comme impôt intérieur prélevé sur une année) et vous le rapportez au PIB. Je vous disais tout à l'heure que le PIB est de 9177 milliards en 2006. Si l'entrant des prélèvements en 2006, c'est-à-dire les impôts versés au budget de l'Etat, les impôts versés aux collectivités territoriales, les taxes prélevées par les communes, si l'on additionne tout ça, on doit se situer autour de 1400 à peu près au maximum. Mais imaginez un pays que la Côte d'Ivoire atteigne les 22% de taux de pression fiscale, ça fait beaucoup d'argent. Si, on était à 20 % en 2006, on devait être autour de 1830 milliards. Nous sommes autour de 1400 milliards, alors, on perd 400 à 500 milliards par an en raison de la fraude fiscale. Il n'y a donc pas une forte pression fiscale. Les gens confondent ces 2 notions : le taux de prélèvement et la pression fiscale.

Raison de payer l'impôt

Le gain en payant l'impôt Il a parlé de la généralisation des numéros de comptes contribuables. Oui, c'est une démarche qu'on a entamée. Je crois, jusque-là ce sont ceux qui étaient au régime du réel d'imposition et les contribuables soumis à l'impôt foncier immatriculés à la DGI. Vous savez pour payer les impôts, il y a 3 régimes. Il y a un régime réel, c'est quelqu'un qui tient sa comptabilité et qui déclare réellement ce qu'il a perçu. Il y a le régime de l'impôt synthétique qui est un régime de forfait. Ce sont les petits exploitants qui ont un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions et supérieur à 5 millions. Ceux-là on leur fixe un forfait annuel qu'ils payent. Donc, ce n'est pas un régime réel ; et il y a tous ceux qui sont à la taxe municipale qui payent à la mairie une certaine somme, je crois chaque mois. Alors il y a 5 ans à peu près, il n'y avait que ceux qui étaient au régime réel et ceux qui payaient l'impôt foncier qui étaient immatriculés. Et depuis 5 ans, on a immatriculé tous ceux qui sont à l'impôt synthétiques (petits commerçants, artisans et les transporteurs).
Et depuis un an, nous sommes en train d'immatriculer tous ceux qui sont à la taxe municipale. Désormais, tous ceux qui exercent une activité commerciale, quelle que soit sa taille doivent avoir un compte contribuable.

Fraude dans le commerce

Nous sommes dans un pays où le civisme fiscal n'est pas encore développé.
Si vous êtes dans la rue et que vous voyez un petit voyou mettre la main dans le sac d'une dame pour lui arracher ses affaires, qu'est-ce que vous faites ? Vous criez au voleur. Je vous raconte une anecdote. Il y a deux ou trois ans, on a identifié un réseau de fraude à Adjamé. Dans une cour d'habitations, les fraudeurs ont loué le premier niveau, le deuxième niveau et le troisième niveau d'un immeuble. Les trois niveaux étaient des magasins de stockage emmurés. A chaque fois que ces fraudeurs voulaient prendre de la marchandise, ils cassaient les briques et ils la sortaient. Puis, ils reconstruisaient le mur, refaisaient le crépissage et remettaient la peinture comme si de rien n'était. Personne n'a eu, je parle bien sûr de tous ceux qui habitaient là, la présence d'esprit de dire attention, c'est une activité qui n'est pas normale. Vous habitez des quartiers où on vient récupérer la nuit des marchandises, c'est-à-dire que les livraisons se font la nuit au vu et au su de tous. Et personne ne réagit.
Nous avons identifié des usines entières dans des maisons d'habitation qui font du bruit. Tout le monde sait qu'on y fabrique quelque chose. Et on ne dit rien.
On achète aussi les marchandises dans la rue. Mais personne ne se pose la question de savoir d'où viennent ces appareils, ces chemises, ces montres qu'on vend aux différents carrefours. Même les splits se vendent à nos carrefours. Tout le monde le sait. Et puis, qu'est-ce qu'on fait ? C'est ça le visage du secteur commercial. Il est exposé à toutes sortes de manipulations.
Pour engager la lutte contre la fraude, nous avons mis l'accent, non pas sur la vérification de la comptabilité - la comptabilité est liée à des normes techniques, c'est théorique-mais sur la recherche et les renseignements. Aujourd'hui, nous savons qui vend dans la rue, à nos carrefours. C'est un vrai commerce. On importe la marchandise. Si on a la chance, elle passe hors douane. Si on n'a pas la chance, on paye les droits. Et tous les matins, on appelle les jeunes gens à qui on remet quelques articles. Ces derniers vont les vendre et reviennent. Ces jeunes sont en deux catégories. Il y en a qui sont salariés de ces fraudeurs. Et il y a ceux qui prennent les marchandises à leur propre compte. C'est-à-dire qu'on leur vend la marchandise. Pour une marchandise achetée à mille francs, il ajoute cent francs dessus. Et ça leur fait un gain de 1100 F CFA. Mais ce sont des transactions occultes d'un commerce parallèle, invisible. C'est-à-dire qu'il n'y a aucun document comptable qui peut les justifier. Voilà la réalité. Alors qu'est-ce qu'on a fait ?

Mesures préventives

Pour lutter contre la fraude, premièrement, nous avons renforcé la sous-direction des enquêtes. Son rôle, c'est d'abord de faire des enquêtes sectorielles. C'est-à-dire de voir comment fonctionnent les secteurs d'activité. Par exemple, lors d'une visite de nos équipes, nous avons appris que le commerce de bois est un commerce qui est protégé. N'importe qui ne peut y accéder. Nous savons qui protège ce commerce.
Et ce sont des ventes sans facture pour la plupart. Demandez à un vendeur de bois de vous présenter la facture d'achat. Ce sont des produits qui sont vendus sous forme de rejet. Mais c'est du bon bois qui est vendu et qui doit faire l'objet de déclaration à la TVA et à l'impôt sur revenus. Donc nous mettons l'accent sur la recherche. On part d'abord à la connaissance du terrain et ensuite nous mettons l'accent sur certains opérateurs économiques que nous avons identifiés. Aujourd'hui, nous commençons à comprendre le dossier sur la fraude. Par exemple, nous avons créé il y a quelques années ce qu'on appelle l'Info-centre. C'est une banque de données dans laquelle nous mettons toutes nos informations. C'est-à-dire nous nous sommes reliés à la douane qui nous donne toutes les informations sur tous ceux qui ont importé de la marchandise. Nous prenons des informations auprès des grandes structures nationales qui traitent avec des revendeurs qui sont des grossistes. Et puis lorsque nous voulons contrôler quelqu'un, nous interrogeons la machine. La machine nous dit le niveau des achats, les transferts qui ont été effectués à l'étranger. Nous avons un ensemble d'informations qui nous permettent d'adapter le contrôle. Vous avez des gens qui vous déclarent 50 millions de chiffres d'affaires par an et qui en réalité ont importé ou acheté localement près de 10 milliards. On a vu le cas de quelqu'un qui déclarait chaque année autour de 100 millions de chiffres d'affaires, alors qu'il achetait et importait au total près de 20 milliards. Mais ces fraudeurs, quand ils sont pris, on constate qu'ils n'ont rien. Vous ne pouvez pas saisir un bien qui est à leur nom. Ils organisent donc leur insolvabilité et puis, à la limite, ils disparaissent. Et comme le pays est accueillant, il y en a qui vont, qui reviennent et qui reprennent leurs vieilles activités tranquillement.
Donc le secteur du commerce qui est un secteur achat-revente est exposé à toutes sortes de manipulations. Regardez nos marchés, les gens pensent qu'on a quelque chose contre le secteur informel. Mais non, c'est un secteur qui assure l'équilibre social en ces temps de crise. Mais c'est quoi le secteur informel ? C'est de petits opérateurs, des artisans, de petits revendeurs qui sont dans les petites boutiques dans les quartiers. Mais allez-y dans nos marchés. Qui les contrôle ? Mais il y a des systèmes de fraude qui sont tellement perfectionnés que vous avez de vrais parrains qui alimentent les marchés, les carrefours et qui disparaissent. Donc c'est en collaboration avec d'autres administrations, en particulier avec la douane, qu'on essaie d'avancer. Nous avons entrepris également une collaboration avec les syndicats de commerçants pour une meilleure connaissance de l'activité, parce que la fraude finalement gêne l'Etat qui perd des recettes. Mais elle gêne les opérateurs économiques eux-mêmes, c'est-à-dire tous ceux qui ont des entreprises citoyennes, qui ont pignon sur rue, qui paient leurs impôts, mais vendent les mêmes produits que ceux qui sont objets de la fraude. Lesquels produits sont vendus à des prix bas. La concurrence est dévoyée. C'est donc dans l'intérêt du secteur privé moderne d'engager la lutte contre la fraude à nos côtés. C'est aussi dans l'intérêt des petits commerçants.

La fraude, un frein

Vous savez le cas Réda, mais Réda n'est pas un cas intéressant. Il n'est qu'un instrument des parrains de la fraude. Quand j'ai demandé à des jeunes gens qui étaient avec Réda, dont Tiamyou qui est un petit commerçant à Abobo, s'ils étaient condamnés eux, en tant qu'Ivoiriens à ne vendre que dans une petite boutique de 2 m² ? Est-ce une malédiction qui pèse sur eux ? Nos femmes qui vendent au marché sont-elles condamnées à ne vendre qu'à cet endroit ? N'ont-elles pas l'ambition de développer leur commerce ? Aujourd'hui, quelle activité pouvez-vous mener en matière commerciale avec l'importance de la fraude ? Vous ne pourrez pas tenir. J'ai l'exemple d'un cadre qui a quitté sa société. On lui a payé tous ses droits. Il s'est lancé dans le commerce, mais s'est cassé la figure. Il a tout perdu. Pourquoi ? Parce que lorsqu'il vend à 100f parce qu'il veut être correct, l'autre, lui, vend à 50 ou même 40 f. De ce fait, les petits commerçants qui ont l'ambition d'évoluer ne le peuvent pas parce qu'ils sont condamnés à vendre dans les quartiers. Croyez vous qu'ils n'ont pas l'envie de s'installer à la rue 12 ou à Nangui Abrogoua ? Mais les portes leur sont fermées. Nous avons étudié le mécanisme qui contraint ces personnes à ne pas évoluer et avons découvert que c'était la fraude qui était à la base de ce blocage.

Les instruments de lutte

Nous avons donc mis en place des instruments. Aujourd'hui, nous avons des droits d'enquête, des droits de perquisition. Nous avons perquisitionné un groupe de commerçants la semaine dernière à Yopougon, et vous n'imaginez pas ce qui ressort d'une perquisition. Nous pouvons même arrêter un camion dans la rue. C'est le droit de communication qui oblige n'importe qui à nous communiquer les informations qu'il détient, pour des besoins d'enquête ou de contrôle. Il y a aussi des sanctions pécuniaires. Ainsi, lorsque quelqu'un est pris et que l'on a calculé les droits dus, on applique les pénalités.

Sanctions pénales

Il y a aussi les sanctions pénales dont l'on ne parle pas assez et que nous serons obligés de mettre en ?uvre. Parce que nous avons estimé que nous sommes en phase d'éducation, de sensibilisation, nous ne sommes pas allés trop loin dans les sanctions pénales. Nous avons eu un séminaire avec la justice, afin de bien comprendre comment fonctionne l'appareil judiciaire. La justice a également reçu des explications sur notre fonctionnement et les prérogatives de l'administration fiscale, pour une meilleure compréhension du droit fiscal. On s'est très bien compris. Nous avons d'autres séminaires en vue avec d'autres corporations pour que la lutte contre la fraude soit l'affaire de tous. La seule DGI ne peut rien. La seule Douane ne peut rien. Il faut que tous les Ivoiriens comprennent que si l'on attire le maximum de sociétés en Côte d'Ivoire, on n'aura pas à courir après les gens. Quand les bailleurs de fonds viennent nous proposer 50 milliards avec des conditionnalités, alors que vous avez un gisement qui est là, dans lequel vous pouvez prendre cette somme. Et que par des pratiques, nous ne pouvons pas entrer en possession de cet argent il y a problème. C'est donc l'affaire de tous, parce qu'une lutte est ainsi engagée.

L'impôt sur le revenu

Quand vous dîtes qu'on vous prélève de l'argent sur votre salaire, et que vous ne comprenez pas le mode de calcul. Approchez et demandez à celui qui a prélevé l'impôt sur les salaires. Parce que cette structure n'est pas opaque. Elle applique des taux. Il y a même un barème. Le barème tient compte de votre situation. C'est-à-dire que l'impôt que vous avez sur votre paie, il y a l'impôt sur le salaire lui-même, qui est un impôt basé sur la catégorie du revenu et il y a l'IGR, qui est un impôt général sur le revenu. Et comme vous n'avez que ce seul revenu, on y applique donc l'IGR. Cela obéit à un barème précis. Quand vous avez 100.000 f de salaire, on voit ce qui est dû. Mais ce qui est dû est calculé en fonction de votre situation. Lorsque vous êtes marié, que vous avez des enfants, quelle que soit votre situation sociale, on en tient compte pour vous imposer ce barème. De toute façon, l'IGR est en pleine réforme, on avance vers une forme d'IGR où chacun devra déclarer ce qu'il a.

Reformer les mentalités

En ce moment-là vous comprendrez mieux. La fraude n'est pas due à l'opacité des textes. La fraude, c'est le refus de reverser à l'Etat sa part de contribution et de faire de ce gain illicite une partie de son commerce. Aujourd'hui, il y a des commerçants qui ne peuvent pas imaginer le commerce sans cela. Pour eux, faire le commerce, c'est récupérer la part qui revient à l'Etat. C'est une mentalité qu'il faut reformer, qu'il faut aider à changer à travers des mutations.

Train de vie

Le train de vie des agents des impôts ? Je ne sais pas de quoi vous parlez. Moi, j'ai eu plusieurs cas où je suis allé au domicile de mes agents. Certains avaient perdu un parent et d'autres étaient décédés. Je vous assure, il y a de la fiction. J'étais malheureux de voir dans quelle condition vivait ce cadre supérieur de l'Etat. Dîtes plutôt le train de vie de certains agents. Ne dîtes pas des agents. Pensez-vous que vous tous logez à la même enseigne ici à Fraternité Matin ? Jamais ! Je vous dis que la majorité des agents, sans les primes dont vous parlez, qu'auraient-ils pu faire ? Vous savez, dans notre métier de dirigeant d'administration financière, vous avez deux choses. Ou vous avez la sanction positive ou vous avez la sanction négative. D'après-vous laquelle est bonne ? Est-ce en mettant les gens en prison tous les matins, que vous arriverez à inciter tout le monde ou plutôt en mettant en place un système d'incitation qui récompense les meilleurs ? C'est cela la vérité. Regardez le prix d'excellence que nous faisons. Il n'y a pas d'argent dans ce prix. Le meilleur des meilleurs que nous fêtons chaque année n'a pas d'argent. Il n'a qu'un trophée. Les primes trimestrielles, c'est toutes les administrations financières du monde entier qui fonctionnent ainsi. Vous ne pouvez pas demander à quelqu'un de gérer vos sous sans qu'il ait des primes.

L'utilisation de la prime

Notre objectif était tout d'abord de mettre en place un système de sanction positif, qui puisse permettre aux travailleurs d'être meilleurs, à travers ces primes. Ceux-ci bénéficient aussi d'une couverture sociale, qui fait que l'agent en quittant son domicile le matin, soit libéré de certaines contingences matérielles. Imaginez un agent dont l'enfant est malade et qui ne sait quoi faire. Nous avons mis en place un système d'assurance alimenté par les retenues qui sont faites sur les primes qu'on leur accorde. Ainsi, tout le monde est assuré et l'agent est déchargé de ses préoccupations matérielles. Une partie de la prime est aussi prise en vue de constituer un fonds de retraite complémentaire. Vous parlez des agents qui ont un train de vie élevé, c'est une fiction, parce que moi j'ai vu des agents qui sont morts un an après leur retraite parce qu'ils n'avaient plus rien. Dans le management de notre service, il y a l'aspect social et l'incitation à bien faire.

Perte fiscale

La courbe est positive, mais le niveau de la courbe n'est pas bon. C'est important à savoir. Je vous disais que la fraude est par définition invisible, comment donc la calculer ? Comment arriver à calculer quelque chose qui est par définition cachée sous la table ? Nous faisons donc de l'extrapolation. Un pays comme la Côte d'Ivoire, pour le niveau auquel il est arrivé, notre taux de pression fiscale doit être supérieur à 20%. C'est-à-dire le système fiscal mis en place doit avoir un rendement qui nous permet de prélever 20 F sur 100 F de richesse qu'on créé en Côte d'Ivoire. Si j'atteins les 20 % au lieu de moins de 16 % aujourd'hui, cela me fait près de 1.800 à 1.900 milliards de recettes fiscales pour toute la Côte d'Ivoire, la Douane et Impôts compris. A l'heure actuelle, je perds près de 460 à 500 milliards. On n'arrive pas à appréhender l'ensemble de la richesse nationale pour arriver au niveau du raisonnable. La fraude est partout, elle est importante et elle prend des formes sauvages, primaires, qui font qu'on est obligé d'employer les grands moyens. Comme par exemple l'expulsion de certaines personnes de la Côte d'Ivoire.

Facture normalisée

Vous savez, pour répondre à la première question concernant Ouattara Lamine et autres, je dirai que c'est dommage qu'en Côte d'Ivoire on pense qu'on ne peut rien faire si ce n'est dans un intérêt personnel. Aujourd'hui, si je suis dans une affaire avec Dan Alfred, c'est que j'ai un intérêt particulier avec lui.
Que s'est-il passé dans le problème de facture normalisée ? La loi a été votée. Quand la loi de finance est votée, une semaine après, on l'applique. Nous avons attendu plusieurs mois, deux à trois mois pour mettre en place tout le système. Et pendant cette période, personne n'a réagi. Quand il s'est agi de commencer à appliquer la loi, certains ont commencé à grogner. Vous avez vu une audience que le Président de la République a accordée à des membres du Conseil économique et social. Cette rencontre a été suscitée par M. Dagher pour dire que le pays est divisé en deux et n'est pas normalisé. Pourquoi donc ceci où cela? Cela a déclenché des mouvements. Farikou à Adjamé, Ouattara Lamine à Treichville et d'autres ailleurs comme Diakité à Port-Bouet disaient que de toute façon, cette loi est faite contre les commerçants. On a fait la proposition de lire la loi. Ce n'était pas un texte qui concerne les commerçants seulement. C'est tous ceux qui vendent quelque chose. Il y a eu des mouvements de grève. Vous savez, moi je dis toujours à des amis qu'en réalité, la grève des commerçants ne me dit rien. La grève que moi je crains, les mouvements que je crains, c'est si un jour on n'arrive pas à payer les fonctionnaires de ce pays. Je crois que ces conséquences n'auront rien à voir avec la grève de quelques petits gens qui ferment et qui obligent d'autres à fermer en louant les loubards. Donc, le Président nous a reçus à la Présidence. Nous avons expliqué la facture normalisée. Nous avons expliqué les innovations qu'apporte cette facture normalisée. Nous avons eu le soutien de tous les opérateurs du secteur moderne. Parce que la facture normalisée est un instrument de lutte contre la fraude. Bien entendu, elle a deux avantages. La modernisation des activités économiques et la sécurité qu'elle donne à quelqu'un qui achète un produit. On aura un excellent film qui passera bientôt sur la TVA. On a tout expliqué au Président. Les commerçants ont également expliqué que la facture normalisée a particulièrement quatre inconvénients. Premièrement, pourquoi on choisit certains imprimeurs pour le faire. Au passage, je voudrais vous dire qu'au moment où M. Dagher faisait la démarche pour qu'on annule ou reporte la facture normalisée, lui-même avait demandé son agrément. Ensuite, il y a le prix des factures qui a été fixé. Aussi, le problème des petits opérateurs qui ne peuvent pas émettre la facture. Enfin, le problème du compte contribuable.
Sur le premier point, on n'a pas interdit un imprimeur de fabriquer la facture normalisée. On a seulement dit qu'on veut connaître ce qu'il fabrique. Parce que la fabrication d'une facture obéit à des règles, des normes, en particulier la numérotation en série interrompue. C'est-à-dire si vous avez un premier facturier qui part d'un à cent, le deuxième doit partir de cent un à deux cents, ainsi de suite. Pour qu'en cas de contrôle, on puisse exiger tout ce qui a été payé comme facture. Donc on a voulu maîtriser le système d'édition et de numérotation. C'était le point clé. Et c'est cela qui gêne. Parce qu'auparavant, qu'est-ce qu'on faisait ? Vous allez dans une boutique, on vous donne des bouts de papier en guise de facture. Le boutiquier va acheter un carnet de reçu au commerce qu'il remplit et vous tend. Mais quelle valeur comptable a ce document ? Donc on a décidé que ce n'est pas interdit de confectionner les factures mais qu'il faut se faire agréer. Les conditions sont simples. Il faut d'abord être connu de l'administration fiscale, donc avoir un compte contribuable et être en position régulière à l'impôt. Puis il faut avoir les arguments techniques pour fabriquer la facture.
Au niveau de la fixation des prix de la facture, l'on a voulu éviter les problèmes. Lorsqu'on a imposé la fabrication des factures aux structures agréées, si l'on n'avait pas parlé de prix, ils allaient faire un prix de telle sorte que les gens refusent la facture. Ils allaient dire, on payait nos carnets avant à 1000F, maintenant l'on nous demande de le payer à 1200F, donc on n'en veut pas. On a négocié en disant faîtes vos prix, mais voici la limite à ne pas dépasser pour éviter que l'application de la nouvelle mesure entraîne un renchérissement du coût de la marchandise.
Le troisième argument s'interroge si le petit opérateur (par exemple le Mauritanien du quartier) peut émettre une facture. Nous avons dit non. Celui-là ne nous intéresse pas. Ce que l'on lui demande par contre, c'est de garder la facture d'achat. Parce que l'on veut savoir ce qu'il a acheté et avec quel fournisseur.
Au niveau du compte contribuable, nous avons dit qu'une opération sera engagée pour l'immatriculation générale gratuite. Mais en attendant, il faut donner son nom et son adresse au vendeur lors des achats.
On a donc réglé tous les problèmes de façon conjointe avec le collectif des commerçants. Lorsque nous sommes partis à la Présidence, le Chef de l'Etat nous a demandé de recevoir le collectif et non pas les collectifs des commerçants pour qu'on mette en place un comité de discussion. Voilà la déclaration conjointe qui a été signée le 08 Septembre 2005 par M. Farikou et M. Késsé. Farikou était l'unique président du collectif des commerçants. M. Réda était dans le collectif, ainsi que Attié Joseph. Tous étaient dans la salle au 2e étage de la DGI. On s'est mis d'accord puisque la grève devait s'arrêter. L'application de la loi reportée au 1e novembre et une campagne de communication et de sensibilisation menée par des équipes conjointes étaient programmées. Cette campagne financée par l'Etat de Côte d'Ivoire a permis de sillonner toutes les villes afin de fournir des explications aux populations. Moi, je vous dis que Réda ne m'intéresse pas, c'est un instrument.

Remède contre le désordre

La facture normalisée gêne le système de fraude qui est mis en place, c'est-à-dire tout le système de vente sans facture. Vous savez, quand le ministre d'Etat Bohoun Bouabré a été reçu au palais de la Culture à Treichville par la communauté libanaise, ils lui ont dit qu'ils peuvent payer la facture, mais il se pose le problème des stocks qui existent déjà. Ce sont des stocks sans papier, des produits de contrebande ou des achats sans facture. Qu'est-ce qu'on fait donc de ces stocks ? Ils se sont aussi inquiétés qu'en appliquant la facture normalisée, le chiffre d'affaires va augmenter ainsi que les impôts. Donc, nous chercherons à voir plus clair dans les années antérieures. C'est ce qui constituait leurs préoccupations. Le ministre a dit qu'il fera en sorte que les années antérieures ne soient pas concernées. Donc, ils ont des préoccupations qui étaient liées à la fraude, puisque cela était mis en évidence. Réda et Attié sortent du collectif. Vous pensez que j'ai payé Farikou pour signer ce document. Ils ont compris qu'il n' y avait pas de problèmes fondamentaux entre l'ancienne facture et la nouvelle. L'ancienne facture incarne le désordre et la pagaille. La nouvelle est organisée. Nous avons demandé qu'on mette un sticker dessus pour la sécuriser. Vous, vous savez lire une facture, mais le paysan, il ne peut se rendre compte de la normalité de la facture que s'il y a le sticker. Ce qui change, c'est que les opérateurs économiques ne peuvent plus faire n'importe quoi. Ils ont tenté de mettre le système à mal. Certains ont fabriqué des factures à l'étranger, cela n'a pas marché. D'autres ont fait des commandes simultanées de plusieurs carnets de facture. Cela n'a également pas marché. Parce qu'on a confié l'édition à la Chambre de commerce qui s'est attaché les services d'un opérateur technique. Donc tout est informatisé. Si vous mettez un élément étranger, il est rejeté. Devant cette situation, il fallait s'activer. Or comme Réda n'existe que par rapport à la fraude fiscale, il a réorganisé la résistance. Ce n'est pas la première fois que ce monsieur s'illustre et c'est dommage que la presse nationale en fasse une idole-d'ailleurs pour qui il travaille, selon vous ? Pourquoi il convoque en arabe ? Pourquoi un commerçant ivoirien qui travaille pour les Français, Sénégalaisconvoque des réunions en arabe ? Donc, il est Libanais. Je l'ai dit à ses parents et frères, il y a deux semaines. Et les réunions se tiennent dans le centre islamique d'Adjamé qui est un lieu de culte. Est-ce qu'on peut accepter cela dans un pays ? On a tout fait, demandez à mes amis. On a échangé en leur disant qu'ils allaient trop loin. Ils ont pensé qu'ils avaient le pouvoir de s'opposer à l'application d'une loi d'un pays. Je ne suis contre aucune communauté. Ce sont eux qui se sont mis au devant de cette histoire. La preuve, c'est que l'un des leurs a entraîné les membres du Conseil économique et social chez le Président de la République. Il a mis en place un réseau pour faire croire aux gens que c'est tous les commerçants. C'est quelques fraudeurs tapis dans l'ombre qui le manipulent et le financent.
Nous essayons de réduire tous les efforts qui pénalisent l'investissement, qui constituent des charges trop importantes pour une entreprise. Par exemple, vous savez que la TVA avait plusieurs taux. Il y a des taux qui allaient jusqu'à 35%, il y en avait qui était à 25%. Mais aujourd'hui, le taux de la TVA a baissé et on est à 18%, un taux unique. On est passé de 25 à 20 puis à 18%. Le taux des impôts sur le bénéfice a baissé de 8 points. On est passé de 35% à 27%. C'est vraiment une chute vertigineuse. D'ailleurs, on attend avec beaucoup d'anxiété l'impact financier. Parce que lorsque vous baissé les taux, il y a un impact. Il y a des manques à gagner qu'il faut chiffrer. Nous les avons chiffrés et on a peur qu'on aille au-delà de 30 milliards. Il y a donc un ensemble de mesures que nous avons prises qui permettent aux entreprises d'être à l'aise. Nous avons pris également un ensemble de mesure de gestion de crise. Vous savez depuis 2002, nous avons d'énormes difficultés. La moitié du pays ne paye plus les impôts et ceux qui paient ici ont vu leurs chiffres d'affaires baisser. Donc, il fallait les aider à mieux vivre. Nous avons donc pris un certain nombre de mesures temporaires qui vont de la suppression de certains impôts à la réduction d'autres. Par exemple, l'impôt minimum forfaitaire (IMF) a été réduit.

Mesures incitatives

La taxe patronale sur les salaires a été supprimée pour ceux qui ont maintenu le personnel après les événements de novembre 2004. La patente a été supprimée pour les entreprises en difficulté dans les zones ex-assiégées, on a également prévu des mesures particulières pour ceux qui vont retourner dans la zone nord après la crise. L'exonération de trois ans d'impôts et des bénéfices d'impôts sur la patente. Mais il y a plus important. Nous avons recensé des mesures et nous en avons discuté avec le secteur privé. Nous avons créé un comité conjoint avec le secteur privé, appelé ''le cercle d'échange et de réflexion'' qui réunit le secteur privé et l'administration fiscale. Ce cercle nous permet de nous réunir régulièrement pour partager nos problèmes. Et pour ces cas précis, on a organisé un séminaire pour leur demander quelles sont les mesures qu'ils souhaitent. Et toutes les mesures que nous avons recensées ont été prises la même année. Il y a ce dialogue avec le secteur privé qui est important. C'est un dialogue permanent. Le cercle a une présidence tournante. Il nous permet également de connaître le secteur privé, ses préoccupations, ses difficultés et ses attentes. En retour, nous leur permettons aussi de connaître nos méthodes, nos préoccupations, nos difficultés. Donc, c'est une alliance gagnant / gagnant et cela nous permet d'évoquer tous les problèmes. Le premier séminaire que nous avons fait était sur le contrôle fiscal. Nous avons expliqué ce que c'est que le contrôle fiscal, ses contraintes, parce que les gens en parlaient sans savoir ce que c'était. Or, le contrôle fiscal est strictement réglementé par la loi. Il y a des conditions de fond et de forme qu'il faut remplir. Nous leur avons expliqué qu'on ne peut pas à la fois demander de réduire les charges fiscales des entreprises et en même temps empêcher de lutter contre la fraude. Parce qu'il faut qu'il y ait compensation. C'est parce que tout le monde payera ses impôts et que l'assiette sera élargie, qu'on pourra faire des réductions sur les taux de prélèvement. Si l'on ne fait que réduire, alors que la fraude est partout, ça ne marche pas. Alors nous leur avons dit que nous allons les baisser, mais il faut qu'on engage cette lutte contre la fraude fiscale. C'est aussi un élément de dialogue avec le secteur privé. Nous avons également mis en place un observatoire du contrôle fiscal, pour que nous puissions mettre fin à d'éventuels dérapages de nos agents.
On ne peut pas faire une réforme en un jour. Ce sont des choses qui se font d'année en année à travers la loi des finances et qui permettent aux entreprises d'avoir une situation plus saine. Il y a aussi des mesures qui nous permettent de renforcer le rendement du système. Vous ne pouvez pas seulement réduire, il faut aussi établir l'équilibre avec ceux qui doivent payer.

Prélèvements

L'impôt est un prélèvement obligatoire sans contre partie. C'est un paiement en argent. Il n'y a pas de gain. C'est un paiement que nous sommes obligés de faire.

Contribution nationale

Tout pays en guerre a eu recours à cela. Ce qui est prélevé sert à l'Etat mais aussi au secteur privé. Le ministère de l'Economie et des Finances vient de verser 6 milliards de francs tirés des ressources de la contribution pour la reconstruction. Et les a versés au secteur privé, afin de les aider. Vous savez, il y a des gens qui ont connu des dommages pendant la crise. Mais, on leur demande des garanties avant de donner des crédits. Enfin, l'utilisation est laissée à leur appréciation.


Comment payer l'impôt ?

Il y a des impôts qu'on paye par mois, il en a qu'on paye par an et il y en a qu'on paye trois fois par an. Lorsqu'on vous paye à la fin du mois, le comptable réunit toutes les sommes qu'il a retenues sur vos salaires et fait une déclaration en indiquant la masse salariale qui a été versée avec le montant. Normalement, la déclaration doit être déposée dans les 15 jours qui suivent la fin du mois. Et accompagnée du chèque. Pour les grandes entreprises, la déclaration est déposée au receveur des grandes entreprises. Les petites entreprises les payent dans les différents centres des impôts que nous avons créés un peu partout dans les communes. Si vous payez après la date fixée, vous payez des intérêts de retard. Au début nous étions une organisation très centralisée. Mais aujourd'hui, nous sommes partout. Par exemple, au niveau des directions régionales, Il y a 6 ans, il y en avait 3 à Abidjan, contre 6 aujourd'hui. A l'intérieur du pays, il y a 13 aujourd'hui, contre 6 en 2001. Il y a aujourd'hui 62 centres des impôts en Côte d'Ivoire contre 30 en 2000. Cela, parce que nous estimons qu'il n'est pas bon que le contribuable parcourt une longue distance avant de pouvoir payer ses impôts. Sinon celui-ci peut être découragé. C'est pourquoi on a par exemple à Adjamé, 4 centres des impôts. Il y en a 5 à Cocody. Nous multiplions les centres sur le territoire afin que nos agents connaissent mieux le quartier et les habitants du quartier. Nous avons également informatisé et interconnecté tous nos services. Un centre des impôts est une unité administrative intégrée. Vous avez des services d'assiette, c'est-à-dire ceux qui font toutes les opérations de recherche de contribuable. Il y a également les services de recettes qui font le recouvrement et les services techniques (les cadastres, les géomètres, etc.). Vous avez dû voir les efforts qu'on a faits pour simplifier les titres fonciers. A l'époque, pour avoir un titre foncier, il fallait 2,3, 10 ans. Aujourd'hui, en 45 jours, vous pouvez avoir un titre foncier. Parce que chaque quartier a un service à sa disposition. Tout cela est intégré dans l'unité administrative qu'est la direction générale des impôts.


Propos retranscrits par
Evélyne Aka
Casimir Djezou
Edgard Yéboué
Hervé Koutuant
Grace Ouattara (Stagiaire)

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