mercredi 4 avril 2007 par Notre Voie

Les crises à répétition dans la filière café-cacao ont créé un malaise au sein des producteurs. Pour les uns, il faut faire partir les dirigeants actuels. Pour les autres, il faut permettre aux producteurs de créer eux-mêmes leurs structures. Cette dernière position est celle de l'Association ivoirienne pour la défense des intérêts des producteurs café-cacao dirigée par Stéphane Mané.
Notre Voie : En votre qualité de défenseur des intérêts des producteurs, pouvez-vous nous renseigner sur l'évolution de la crise dans la filière café et cacao ?
Stéphane Mané : La crise est toujours présente. Elle ne peut pas prendre fin comme par enchantement parce qu'elle est profonde. Elle a germé lentement pour apparaître dans toute sa laideur en ce sens que tous les dirigeants de la filière s'accusent mutuellement de mauvaise gestion et d'incompétence. Il est temps de s'asseoir pour mesurer ensemble le chemin parcouru avec un franc-parler et dans le respect mutuel. Il faut trouver à la crise une solution définitive à la place des solutions ponctuelles qui nous font perdre le temps. Pour nous producteurs, la solution durable passe par un regard attentif sur l'organisation des producteurs. Cela doit prendre en compte le recensement effectif et exhaustif des producteurs par une structure neutre et compétente de manière à éviter les remises en question des résultats. Il faut également un passage en revue des mesures qui accompagnent les producteurs et leurs organisations, et mettre en place des solutions aux obstacles sectoriels de façon concertée. Il faut aussi mettre en place un processus de décentralisation de la gestion de la filière afin d'être plus prêt des producteurs et être également dans la dynamique de la politique de décentralisation prônée par le Président de la République. Enfin, il faut encourager la transformation pour dégager des plus-values. N.V. : Certains producteurs préconisent le renouvellement des instances dirigeantes des structures nées de la libéralisation de la filière café-cacao. L'AIDPCC pense-t-elle que ça peut être une solution viable ?
S.M. : Il faut qu'une véritable unanimité se dégage autour de la question. Si c'est le gouvernement qui a créé ces structures, il n'y a pas de raison de faire pression sur l'autorité. Peut-être qu'elles donnent satisfaction à l'Etat. Quant à nous, nous soutenons que les producteurs doivent créer leurs propres structures s'ils sont convaincus de l'esprit et la lettre de la libéralisation de la filière. Est-ce que pour changer le responsable d'une coopérative, le conseil d'administration a besoin de faire des démarches auprès du gouvernement ? Le responsable est jugé sur la base de ses résultats. Voilà ce que nous souhaitons dans la gestion de la filière. Les producteurs sont obligés de faire des démarches pour faire partir les dirigeants des structures parce qu'elles ont été initiées par l'Etat. Elles n'appartiennent pas aux planteurs.
N.V. : Que sont devenus les 10 milliards FCFA que l'Etat a injectés dans la filière pour accompagner les coopératives pendant la campagne de commercialisation ?
S.M.: Allez poser la question à ceux qui ont reçu les 10 milliards FCFA et aux coopératives. Nous ne saurions vous dire grand-chose par rapport à cette somme. Il faut s'interroger sur le nombre des coopératives à ce jour et sur leur fonctionnement. C'est en fonction de tout cela qu'il faut comprendre toutes les revendications qui sont posées. Une coopérative a besoin des équipements et un fonds de roulement pour bien fonctionner. Ce fonds est déterminé en fonction de ses objectifs. Et les structures qui ont reçu cette somme le savent si bien. Il faut donc leur poser la question. N.V. : Quel bilan peut-on aujourd'hui faire de la libéralisation de la filière ?
S.M. : Le fait de parler librement de la libéralisation de la filière est déjà un point positif. Les planteurs ont été responsabilisés parce qu'il y a une véritable volonté politique. Il y a la possibilité de se constituer en coopérative en lieu et place de GVC, la possibilité offerte aux coopératives d'aller à l'exportation, la mise en place des structures étatiques d'appui aux planteurs qui accompagnent les producteurs dans la gestion de la filière. On note également le développement des organisations professionnelles agricoles telles que les associations, les syndicats, qui participent au renforcement de la cohésion autour du producteur, la volonté d'aller à la diversification des activités par l'acquisition de nouvelles sociétés, etc. Nous pensons qu'un séminaire ferait mieux dans cet exercice. Car pour donner plus de détails, la contribution des uns et des autres est indispensable. Y compris les bailleurs de fonds qui ont pris une part active dans la libéralisation de la filière. Il y a des écueils à corriger. Par exemple, on annonce que ce sont les paysans qui fixent les prix d'achat bord champ du café et du cacao. On voit à la télévision le porte-parole des paysans fixer les prix à chaque début de campagne. A la réalité, les prix fixés n'ont jamais été respectés sur le terrain. Jusqu'à ce jour, ce sont les acheteurs et les exportateurs qui fixent les prix sur le terrain. Les producteurs et leurs coopératives sont impuissants devant cette situation. Alors que dans le contexte de la libéralisation, les prix se négocient entre acteurs. Et c'est celui qui a une forte capacité de négociation qui gagne. Ce qui n'est pas le cas. Il n'est pas dans notre intention de faire le procès des dirigeants car les hommes passent. La filière demeure. Il convient donc de profiter de la volonté politique actuelle pour asseoir une gestion totalement libéralisée de la filière, comme cela se fait dans d'autres pays.



Propos recueillis par J-S Lia liasylve@yahoo.fr

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