mercredi 4 avril 2007 par Nord-Sud

Bailly Spinto vient de faire une tournée dans le Nord de la Côte d'Ivoire. Le rossignol explique dans cette interview les conditions de ce périple et parle de ses projets immédiats.


Qu'êtes-vous allé faire à Korhogo, au moment où des artistes de votre trempe refusent de se rendre dans ce Nord?

Je suis allé à Sirasso, situé à environ 80 km de Korhogo, à l'invitation d'une association de jeunes de cette localité qui fêtait son 10e anniversaire. Le contact a été fait par l'intermédiaire de Mme Diallo Ousseine. Je n'ai pas refusé l'invitation parce que j'estime que nous sommes dans une période de réconciliation et de paix. Et qu'il était opportun que chacun joue sa partition.

Dans quel état d'esprit étiez-vous avant votre départ?

Dans un premier temps, il fallait réfléchir et prendre attache avec certains amis pour voir dans quelles conditions j'allais m'y rendre. Après quoi, j'ai pris ma décision d'y aller en pensant que ce sont des parents qui sont là-bas. Il était question que je mette du baume au c?ur de mes fans et leur dire que la Côte d'Ivoire est une et indivisible. Et que la paix doit passer par nous les artistes. Je n'ai pas eu d'appréhension en allant dans le département de Korhogo surtout que nous sommes en période de paix et de réconciliation. J'ai reçu beaucoup d'enseignements. Je me suis rendu compte que les Ivoiriens s'aiment énormement. Je pense que c'est la meilleure décision que j'ai prise en allant dans la capitale du Poro.

N'aviez-vous pas peur d'être taxé de pro-rebelle par les ultra du camp présidentiel ?

Non, je ne le pense pas. Je suis allé honorer un rendez-vous. Pour moi cela est très important. Les gens doivent plutôt interpréter mon voyage dans le bon sens. Nous sommes en période de paix, de réconciliation et de dialogue direct. Au nom de tout cela, je suis obligé d'aller vers les frères. Il faut dire que les gens ont raconté n'importe quoi concernant les zones ex-assiégées. Je suis allé sur place, j'ai pu me rendre compte de la situation. Certainement qu'au début de la guerre l'ethnie a dû avoir des difficultés. Mais le fait que je parte au Nord étant Bété moi-même, cela veut dire que les choses ont beaucoup changé. Aujourd'hui les populations s'acceptent et se comprennent. Je peux donc affirmer que le Bété n'est ni mal vu au Nord ni au Centre. J'ai effectué ce voyage pour que la confiance revienne entre les différents peuples. J'avoue que les gens m'ont très bien accueilli et se sont mis à ma disposition. J'ai rencontré un chef de guerre comme Fofié qui est extraordinaire et qui a donné un autre visage à Korhogo. Il faut dire que depuis un moment les artistes vont au Nord mais ils ne viennent pas dire ce qui s'y passe réellement.

Pour vous, les gens ne décrivent pas la réalité du terrain

Je suis quand même resté un peu plus de quatre jours. Je n'ai vu aucune trace de barbarie. J'ai plutôt trouvé une ville qui est en train de se moderniser et en mouvement avec le commandant Fofié. A Sirasso, la population était enthousiaste de me recevoir. Et nous avons dansé le gbégbé avec les dozos. Je suis venu avec des images et je souhaite que la télévision ivoirienne les présente un jour. On sent que la crise est en train de finir si on s'en tient à ce qui se passe au niveau de Korhogo. Pour moi, la guerre est terminée. Je suis heureux de ce périple que je viens de faire. Je pense qu'il faut se rendre sur le terrain avant de pouvoir faire des commentaires. Fofié a même dit qu'il souhaiterait que Mme Gbagbo et Blé Goudé se rendent là-bas. Je ne connais pas son passé, mais à l'entendre parler il est un homme de paix. Il respecte tout ce que Soro dit.

Ne dites-vous pas tout cela parce que vous auriez reçu de l'argent ?

Non, pas du tout. Je suis quand même un responsable et j'ai une notoriété à défendre. Je ne peux pas me permettre de dire n'importe quoi. J'ai dit ce que j'ai vu. Je vous disais tantôt que je suis venu avec des images. Je ne dis pas des choses pour me donner de la contenance. Je suis allé là-bas dans l'esprit de paix qui m'anime. Mon devoir en tant qu'artiste est de briser le mur et de permettre aux Ivoiriens quel que soit leur bord politique de se parler. Korhogo n'appartient pas aux Senoufo encore moins aux Bété. La ville appartient à tous les Ivoiriens. Je ne suis pas allé chercher de l'argent.

Ce que vous dites n'est-il pas en contradiction avec vos propres convictions parce qu'il n'y a pas longtemps vous avez cloué au pilori ceux qui ont pris les armes ?

Il n'y a aucune contradiction en moi. L'acte que j'ai posé est républicain. Le chef de l'Etat nous a demandé d'aller vers nos frères pour qu'on fasse la paix. C'est ce que Blé Goudé tente de faire avec sa caravane de la paix. J'ai discuté avec Fofié pour comprendre pourquoi ils ont pris les armes. Il n' y a pas de contradiction entre mes propres convictions et ce qui se passe. J'ai condamné en son temps le fait de prendre des armes. C'est ma façon de voir. En tant que leader d'opinion, ce qui est important c'est d'aller vers les gens. Je souhaite qu'il y ait la paix et donc je joue ma partition. Je suis revenu tout heureux. La Côte d'Ivoire n'est pas divisée. Je souhaite que d'autres personnes comme moi partent pour s'imprégner sur place des réalités. Il n'y a aucune connotation politique dans ma démarche.

Quand démarre votre tournée américaine ?

Je pars entre le 25 et le 26 avril. Le premier concert commence à Washington le 6 mai. Je suis en train de me préparer pour cette tournée. Je vais profiter de la tournée pour enregistrer un album de synthèse. Ce sera un album de mes anciens titres repris par les Américains et des nouveautés qu'on va greffer là-dessus.

Interview réalisée par Issa T. Yéo

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