jeudi 5 avril 2007 par Autre presse

La rapide progression de la tuberculose en Côte d'Ivoire, en une année, inquiète les autorités sanitaires qui redoutent une augmentation des cas des formes résistantes de la maladie. De 18.000 cas en 2005, plus de 21.200 nouveaux cas ont été décelés en 2006.

"Nous avons multiplié ces dernières années les Centres anti-tuberculeux (CAT) dans le pays. De trois, nous sommes passés à la mise en place d'une dizaine, dont un par région", explique à IPS, Dr Jacquemin Kouakou, coordonnateur du Programme national de la lutte contre la tuberculose (PNLT) en Côte d'Ivoire.

Selon lui, "même en zone sous occupation des ex-rebelles ces quatre dernières années, nous avons réussi à faire fonctionner deux (CAT à Bouaké et Korhogo, dans le nord) pour le suivi des tuberculeux. Les malades y reçoivent gratuitement les soins comme dans les zones sous contrôle gouvernemental".

Mais, en dépit de toutes ces actions, le résultat est resté négatif d'autant plus que le nombre des malades de la tuberculose s'accroît. "Il est difficile de l'admettre, mais les efforts de lutte n'ont pas porté", reconnaît Dr Kouakou.

Les principales raisons de cet échec, estime-t-il, sont la fermeture des CAT dans certaines villes endémiques du nord, où les risques de contamination restent réels avec la propagation du SIDA, la difficulté dans le suivi des malades et l'absence de prise en charge globale des malades pour la tuberculose et le VIH/SIDA.

Les CAT avaient été fermés dans le nord du pays dès le déclenchement de la rébellion armée du 19 septembre 2002. Seuls deux centres ont, par la suite, rouvert leurs portes, notamment à Bouaké et à Korhogo.

"Au sud, nous avons un problème de traitement face auquel nous allons bientôt agir. Au nord, nous allons immédiatement développer des activités novatrices, (comme) des dépistages actifs au sein de la population afin de détecter tous les cas et les mettre sous contrôle", affirme Kouakou. Il a également évoqué un "porte-à-porte", notamment auprès des proches des personnes atteintes de la tuberculose.

Selon des spécialistes, la tuberculose (TB) est une maladie infectieuse causée par un germe appelé 'Mycobacterium tuberculosis'. Le germe entraîne généralement une infection des poumons, mais il arrive également que d'autres organes soient atteints.

"Un tuberculeux dépisté suit un traitement sans arrêt de six mois. Malheureusement, des malades ne respectent pas ce délai", regrette Dr Moustapha Kamaté, directeur du CAT d'Adjamé, un quartier commercial de la capitale économique ivoirienne, Abidjan.

Pour le traitement, Kamaté indique que "pendant deux mois, le malade doit prendre, chaque jour et à jeun, quatre comprimés antibiotiques de RHZE (Rifamticine Hisoniazide Zthyrafinanide Ethanditol) en une seule prise". Ensuite, "au troisième mois, il entamera un autre traitement qui consistera à avaler des comprimés de RH (Rifamticine Hisoniazide) pendant quatre mois".

Mais, selon le médecin, pour arriver à bout du germe, ce traitement, le malade est soumis à deux autres mois de suivis médicaux avec différents examens pour voir s'il a définitivement recouvré la santé. Et pour plus de précautions, le tuberculeux est soumis à un régime riche en glucides, en protéines et en oligo-éléments, notamment des fruits, des légumes, du poisson et de la viande que les patients doivent beaucoup consommer.

"Or, nous nous rendons compte que des malades ne se soumettent pas à ce traitement. Ainsi, la forme résistante de la maladie commence à se signaler chez certains patients", révèle Dr Kamaté.

Selon Dr Kouakou du PNLT, le taux national de la co-infection TB/VIH est de 40 pour cent. Avec une moyenne variable selon les régions, la zone d'Abidjan est en tête avec un taux de 45 pour cent.

"Pour la seule année 2006, nous avons eu 5.273 malades dépistés. Parmi ces personnes atteintes de tuberculose, 43 pour cent sont porteuses du VIH", indique à IPS Dr Kamaté. "Ils sont totalement pris en charge et nous avons dépensé plus d'un million de dollars pour l'achat des médicaments qui ont servi à la prise en charge gratuite des malades".

Toutefois, ces actions ne satisfont pas totalement les malades. "Pour les différents examens, nous sommes obligés de dépenser entre 30 et 50 dollars avant d'être pris en charge par l'Etat. C'est trop pour des malades que nous sommes et à la charge de familles pauvres", raconte à IPS, Valy Bamba (un nom d'emprunt), rencontré en consultation au CAT d'Adjamé. "Personnellement, je supplie nos autorités sanitaires pour une prise en charge totale".

Rejetant presque cette proposition, le coordonnateur du PNLT souligne que "Nous nous battons actuellement pour une prise en charge globale des malades, qui comporte la nutrition, le SIDA et la tuberculose. Si cela réussit, le suivi des patients sera plus efficace".

"Mais, nous tenons à dire que la prise en charge ne doit plus être l'affaire de l'Etat seul. C'est pourquoi nous plaidons pour l'implication de toutes les communautés dans la lutte contre la maladie, car elle constitue une menace réelle", déclare Dr Kouakou, affirmant que le PNLT entend faire reculer la tuberculose de façon significative en Côte d'Ivoire d'ici à 2015.

Pays en crise depuis plus de quatre ans, suite à une tentative de coup d'Etat manqué, qui s'est transformée en rébellion armée, la Côte d'Ivoire fait partie des pays les plus infectés par le VIH/SIDA en Afrique de l'ouest, avec un taux de séroprévalence estimé à 4,7 pour cent, selon un rapport rendu public en juin 2006 par le ministère de la Lutte contre le VIH/SIDA.


Fulgence Zamblé
Inter Press Service (Johannesburg)

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