jeudi 5 avril 2007 par Nord-Sud

Awa Coulibaly a embrassé le métier de fabricante de beurre de karité sans le vouloir. Aujourd'hui, elle y met du sien et est à la recherche de débouchés pour l'écoulement de sa production.

Après l'échec à son examen du Certificat d'étude primaire élémentaire (Cepe) en 1975, Coulibaly Awa, venait de se rendre à l'évidence. Son v?u d'être institutrice ne pourrait plus se réaliser. La vie semblait lui réserver autre chose. Cette belle dame de teint noir avec un visage angélique venait de voir son rêve se briser. Désormais, elle devait apprendre sa nouvelle activité auprès de sa mère : la fabrication du beurre de karité. Une activité qui ne l'enchantait pas parce que pénible et qui malheureusement n'est pas source de richesse, selon elle. Aujourd'hui, du haut de son 1,65 mètre, cette habitante de Natiokobadara, village situé à environ deux kilomètres de Korhogo, est devenue une spécialiste en la matière.

La préparation du beurre de Karité

A 40 ans, mère de 5 enfants, elle a pris à bras le corps cette activité qui lui est tombée entre les mains. Courageuse, elle en a fait une passion et passe dorénavant la quasi-totalité de sa journée à son atelier. Pourtant, rien ne la prédestinait à être fabricante de beurre de karité. Inscrite au Cours préparatoire première année (CPI) à 7ans à l'école primaire publique Natiokobadara, Coulibaly Awa a suivi les cours jusqu'en classe de Cours moyen deuxième année (CM2). Jusqu'à cette période, cette dame rêvait d'être institutrice. Mais Mme Coulibaly déchante lorsqu'en 1974 et 1975 elle fait deux fois échec à son examen du Cepe. Partie de l'école, elle se lance dans l'apprentissage de la fabrication du beurre de karité n'ayant pas d'autre choix. Ainsi commence pour elle une nouvelle vie. Elle doit désormais se réveiller à partir de 4h du matin, recueillir de l'eau dans les jarres, balayer la cour, faire la vaisselle et la lessive avant de se rendre au marché vendre le beurre préparé la veille. Lorsqu'elle commence à vivre en ménage en 1984, les activités deviennent plus accrues. Désormais, Coulibaly Awa doit faire cuire elle-même le beurre. Cette opération nécessite d'abord la recherche de noix de karité. Et le kilogramme de ces graines varie de 500Fcfa à 2500Fcfa. Pendant les périodes d'abondance qui vont de juin à août (saison des pluies, ndlr), nous achetons le kilogramme des noix de karité entre 500Fcfa et 700Fcfa. Mais de mars à avril (saison sèche, ndlr), le kilogramme nous est vendu entre 2.000 et 2.500Fcfa, explique Mme Coulibaly. Une fois en possession de ces noix, la fabricante se charge de casser les coques et fait sécher les grains pendant une journée au moins. Ces grains sont alors grillés et étalés au vent pour qu'ils refroidissent. C'est le troisième jour que les grains sont acheminés vers le moulin pour les faire moudre. De retour du moulin, Awa doit maintenant intervenir. La pâte renversée dans une bassine est battue avec les deux mains avec un ajout d'eau qui se fait régulièrement jusqu'à l'obtention d'une pâte blanche. On laisse ensuite reposer la nouvelle pâte pendant une trentaine de minutes. Les déchets apparaissent dans le fond de la bassine pendant que le beurre reste à la surface. Une opération qui durera une demi-journée. Ce beurre est alors recueilli et mis dans une marmite pour la cuisson qui durera l'autre moitié de la journée. Une fois de plus, on laisse reposer le produit dans la marmite. Le beurre se forme alors à la surface.

La recherche d'un marché

C'est alors qu'on le recueille pour le mettre dans des cuvettes. A l'aide d'un bâton (ressemblant à une règle graduée en bois, ndlr), la pâte obtenue est encore une fois remuée pour éviter l'obtention de granulés avant d'être remis dans des pots ouverts jusqu'au lendemain, poursuit la fabricante. C'est dans ces pots que le beurre est conduit au marché où il est vendu à moins de 700 Fcfa le kilogramme. Mais la fabricante est aujourd'hui confrontée au problème d'écoulement de son produit. Vu son courage et son abnégation au travail, Awa Coulibaly a été portée à la tête de l'association club Chigata, regroupant 327 femmes fabricantes de beurre de karité de Natiokobadara. En tant que présidente de cette structure, la présidente Coulibaly est à la recherche de marchés pour l'écoulement du beurre de karité. Le beurre de karité est un produit beaucoup sollicité. Mais vu que les fabricantes sont quasiment toutes situées au Nord, l'écoulement cause problème. Nous souhaitons donc avoir des marchés à Abidjan pour qu'après la fabrication, nous puissions acheminer le beurre vers la capitale et pourquoi pas vers les pays environnants ?, souhaite-t-elle. Cette issue permettra aux femmes d'augmenter leurs revenus mensuels, pense Mme Coulibaly. Avec la méthode que nous utilisons pour l'instant (chaque femme procède à la vente de son produit), j'ai à peine 30.000Fcfa par mois et je dois m'occuper de la scolarité et des dépenses de la maison vu que mon mari a perdu son emploi. Mais nous pensons qu'avec le marché que nous cherchons, nous pourrons avoir beaucoup plus d'argent, rassure la fabricante. Au-delà, Mme Coulibaly plaide pour l'acquisition d'une batteuse électrique qui leur allègera la tâche. Mais en attendant une solution à ces différentes préoccupations, notre industrielle continue de se battre. Et avec elle, les 327 fabricantes de beurre de karité de Natiokobadara.

Touré Yelly

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