vendredi 6 avril 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Le procès qui oppose le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani au président Laurent Gbagbo connaitra son dénouement aujourd'hui, sauf cas de force majeure. Le juge vide le délibéré, malgré moult tractations et débats de forme.

Les Abidjanais connaîtront encore une fois, l'enfer de l'embouteillage ce matin, comme vendredi dernièr au Plateau. C'est que, rejeté à ce jour, le délibéré du juge sera vidé. Quelque soit l'issue de ce procès, qui dure depuis le 25 juillet 2005, date de la saisine du procureur de la République près le tribunal de première Instance d'Abidjan-Plateau par exploit de " citation directe à prévenu avec Dénonciation " par exploit de Me Amalando Tanoh Jean Baptiste, huissier de justice, fort est de reconnaître que ce procès perturbe sérieusement la sérénité des uns et des autres. Les arguments juridiques pour la compétence du tribunal qui siège sur l'affaire ne manquent pas. Dans la forme comme dans le fonds, les Avocats des deux parties déploient " une artillerie " juridique tendant à denier la compétence du tribunal ou le contraire. Pour les Avocats du défendeur, c'est-à-dire le ministre Adjoumani, par ailleurs député à l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire et président du Conseil général de Tanda, "les articles 110, 111 et 112 de la Constitution du 1er août 2000 fixent les conditions dans lesquelles les membres du gouvernement peuvent être poursuivis. La haute cour de justice est compétente pour les juger et la procédure pour les mettre en accusation est spécifiée à l'article 111 de la constitution". Ainsi, pour eux, " il n'est pas possible de déroger aux dispositions constitutionnelles pour appliquer le droit commun ", tant il est vrai que le prevenu a été traduit devant un tribunal pénal. Ils ajoutent que, député, quand bien même ministre du gouvernement au moment des faits, "le ministre Kobenan Kouassi Adjoumani en sa qualité ne peut, être ni poursuivi, ni jugé pour l'opinion émise devant ses militants Pdci-Rda d'Italie, tant que l'exigence de l'autorisation préalable (de l'Assemblée nationale, ndlr) n'est pas respecté ". Ils tirent leurs arguments du fait qu'il n'y a pas flagrant délit, puisque, disent-ils, " c'est en ayant en conscience qu'il n'y a pas flagrance des faits reprochés, que les Avocats de la partie civile ont choisi la voie de la citation directe à prévenu au lieu de laisser le Parquet initier une procédure de flagrant délit ". Ils ajoutent, enfin, que les propos jugés d'outrage au président de la République s'étant tenus en Italie, donc hors du territoire national, ministre Adjoumani n'est pas poursuivable par les juridictions ivoiriennes. Ils tiennent pour preuve l'article 658 alinéa 2 du code de procédure pénale qui dispose : " Tout ressortissant de Côte d'Ivoire qui, en dehors du territoire de la République, s'est rendu coupable d'un fait qualifié de délit par la loi de Côte d'Ivoire peut être poursuivi et jugé par les juridictions de Côte d'Ivoire que si le fait est puni par la législation du pays ou il a été commis ". Or, le code pénal italien en son article 279, ne vise que l'offense au chef de l'Etat d'Italie, mais ne vise pas l'offense à un chef d'Etat étranger. Et le président Laurent Gbagbo est en Italie, un chef d'Etat étranger ". En fait, dans leur rapport circonstancié adressé au président de l'Assemblée nationale, le Pr Koulibaly Mamadou, les avocats de la défense estiment que le parlement n'ayant pas statuer sur le cas d'un de ses membres, il appert d'interpeller le tribunal afin d'arrêter la procédure. Certes, les arguments juridiques opposables à ces démonstrations pour le moins vrai sont légions, mais la situation de sortie de crise impose une conduite d'apaisement. C'est vrai, ministre de la République au moment des faits, l'outrage au chef de l'Etat, surtout hors du pays, ne devrait pas venir de lui. C'est aussi vrai que le coup d'Etat militaire perpétré en décembre 1999, et fait perdre le pouvoir d'Etat au Pdci-Rda, peut approfondir l'aigreur contre celui qui l'a applaudi et en a été le principal bénéficiaire après coup, et faire tenir des propos démesurés. Seulement, y a-t-il chose plus méchante sur terre que d'ôter la vie à autrui, pour quelque raison que ce soit ? Et pourtant, les assaillants d'un certain 19 septembre 2002 qui ont tué, violé des épouses, éventré des femmes enceintes, décapité des bébés innocents, volé les coffres-forts de banque ont été amnistiés. Mieux, au nom de la réconciliation, ils sont aux affaires, au sommet de l'Etat. Et les Ivoiriens l'acceptent au nom de la fraternité, de la réconciliation et de l'union des fils et filles de ce pays. N'y a-t-il pas autre moyen de faire regretter ses propos au député Pdci-Rda de Tanda ? Ce procès, qui fait beaucoup de vagues depuis deux ans maintenant, risque de vite glisser sur le terrain politique. Attention à l'effet boomerang.

Laurent Nahounou
laurentnah@yahoo.fr

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