vendredi 6 avril 2007 par Nord-Sud

Ça se passe ici en Côte d'Ivoire. Un livre de quinze mille cinq cent francs, prix du marché a été acheté à quinze millions de francs. Soit mille fois la valeur. L'événement s'est produit le mercredi dernier à l'hôtel Ivoire à Abidjan. En ce lieu, la Première dame du pays dédicaçait son ouvrage Paroles d'honneur. Une vente aux enchères a permis de réaliser l'exploit économique et politique. C'en est un. En effet l'auteur de l'ouvrage, épouse du chef de l'Etat, et secrétaire générale du Congrès national pour la résistance et la démocratie (Cnrd) est une personnalité de premier plan en Côte d'Ivoire. Dans le système du régime en place, elle est réputée tenir la réalité du pouvoir. Quels que soient le rang et la place qu'un cadre occupe dans les rouages du système, il est toujours bon d'être dans les bonnes grâces de Simone Gbagbo. Et pour ce faire, tous les moyens sont bons. Celui qui a enlevé le livre mis aux enchères est le Président directeur général de la Société ivoirienne de raffinage. Un poste auquel il a accédé à l'avènement du pouvoir Gbagbo. En achetant un exemplaire du livre de la Première dame à ce prix, l'homme indique son dévouement au système. Mais, il montre également que le pouvoir permet à ceux qui l'exercent sous nos tropiques d'être puissants. Sur tous les plans. Quand on peut vendre un livre à quinze millions, c'est qu'on a presque la possibilité de transformer le cuivre en diamant. De même, celui qui peut acheter un livre à ce prix ne vit pas la galère généralisée dans le pays. L'argent et le pouvoir font bon ménage. Ce n'est pas un hasard alors que les dizaines d'exemplaires du best seller sont déjà placés à la Direction générale des Douanes, au Port autonome d'Abidjan et au Port autonome de San Pedro. Des structures dans lesquelles les moyens ne manquent pas. Il faut s'attendre à ce que le record du Pdg de la Sir soit rapidement battu. Les librairies, le Palais de la culture, et autres amphithéâtres, espaces traditionnels des dédicaces, ne sont pas de taille à rivaliser avec les boites à sous qui leur ont ravi la vedette dans les grosses opérations lucratives en cours. Le livre n'est pas uniquement un moyen de dire sa part de vérité. Il peut servir de bonnes causes. On apprend que le magot sorti de l'hôtel Ivoire servira à traiter une jeune fille violée, comme par hasard, par douze rebelles, et qui serait en traitement dans une clinique huppée de la place. Une opération de séduction destinée à atténuer la meurtrissure des consciences heurtées par tant d'exhibition de richesse dans un pays où la grande majorité de la population croupit dans une misère indescriptible.

D. Al Seni

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