vendredi 6 avril 2007 par Nord-Sud

Lequel des douze candidats à l'élection présidentielle française s'installera au palais de l'Elysée au soir du 22 avril ou ce qui est plus probable du 6 mai? A l'heure où les sondages font rage dans le débat politique français, il est quasiment impossible de pronostiquer juste. Tant l'effectif des indécis ne cesse de susciter la peur dans les états-majors.

Aux dires des observateurs, depuis les scrutins de 1974 et 1981, on n'avait pas retrouvé pareil suspense dans une élection présidentielle française.
Même les grands instituts de sondage que sont la Sofres ou encore l'Ifop adoptent une attitude réservée sur la question. Pareille est la position du côté des médias français qui commanditent sondages sur sondages afin de se rapprocher de la réalité.
Dans son édition du 22 mars, l'Express, l'un des plus anciens magazines français d'informations générales s'interrogeait à sa une : Qui est le meilleur?, avec comme principale illustration photographique le tiercé favori, que sont dans le désordre François Bayrou, le professeur agrégé, Nicolas Sarkozy l'avocat et Ségolène Royal l'énarque. Leurs intentions sont passées au crible, dans le but de permettre aux lecteurs de faire leur propre opinion. Car, l'un de ces trois-là occupera le palais de l'Elysée dans deux mois, écrit Eric Mandonnet.
Depuis la fin de l'été dernier, hormis Bayrou, ce sont les primo accédants (qui se présentent pour la première fois à l'élection présidentielle) Sarkozy et Ségolène qui sont en pôle position, ce qui ne s'était pas vu depuis 1969.
Le jeu est ouvert

En 1974, les Français retrouvaient dans le décor François Mitterrand qui affrontait Valéry Giscard d'Estaing alors qu'il avait été candidat en 1965. En 1981, les électeurs connaissent les adversaires qui s'étaient déjà présentés auparavant : Giscard et Mitterrand. En 1988, même scénario : Mitterrand est encore là, face à Jacques Chirac candidat en 1981. Enfin, en 1995, Chirac qui a déjà été candidat malheureux se représente.
Constat, chaque fois, il y a toujours eu en piste au moins un prétendant qui a été candidat à la précédente élection. Cette fois, on a au moins deux candidats en pôle position qui se présentent sans que les Français ne les ais vus dans le décor classique précédent. Et en plus, on n'est pas dans un contexte de cohabitation.
Cela a beaucoup d'importance, car les électeurs veulent percevoir ce qu'on leur propose avant de se décider ; d'où le grand nombre d'indécis, ou d'hésitants à l'heure actuelle , analyse Brice Teinturier directeur du département politique et opinion de Tns Sofres.
Le jeu est donc ouvert. Et le dire n'est pas faire preuve de légèreté. Les sondages régulièrement publiés par les médias montrent qu'une importante frange d'électeurs n'a pas encore fait son choix. La plupart d'entre eux n'hésitent pas à afficher leur doute, comme s'ils ne percevaient pas de différences dans les professions de foi des candidats. Moi je préfère parler d'hésitants que d'indécis. Parce que les indécis, ça donne un peu le sentiment des Français qui ne sauraient pas pour qui voter. Ils suivent la campagne et vont donc observer jusqu'au bout les différences entre les candidats, avant de prendre leurs décisions. Ce sont des individus qui suivent la campagne de manière très attentive qui n'arrivent pas à se stabiliser à ce stade de la campagne ou qui se le refusent, en faveur d'un vote. Ce qui n'a rien à voir avec les abstentionnistes. Ils sont environ 40% de l'électorat, précise le directeur du département Politique et opinion de Tns Sofres. D'autres chiffres révèlent également que du côté des jeunes, seuls 51% des 18-29 ans déclarent être sûrs de leur choix, contre 49% qui peuvent encore changer d'avis. 37% des sondés avaient un choix assuré. 63% étaient, il y a deux mois encore hésitants.
Selon un analyste, les Français réclament aujourd'hui un président plus actif, plus proche de leurs préoccupations de leur vie quotidienne. Et non un président un peu lointain qui incarnerait la figure tutélaire de la Vème République.
L'inscription sur les listes électorales en forte hausse

Outre le facteur indécision, cette élection comporte d'autres singularités expressives qui n'échappent pas aux politologues. En effet, elle se déroule dans un contexte d'absence de cohabitation depuis 1981. Ces candidats ne sont pas prisonniers de leur bilan, de leurs actions passées. Pas même Nicolas Sarkozy qui n'est pas comptable des actions du président sortant. Bien qu'il ait été plusieurs fois ministres sous son règne. C'était un des handicaps de Lionel Jospin en 2002. Il y a donc une obligation des Douze de développer leur projet. Ce qu'ils font plus ou moins bien depuis plusieurs semaines.
Quel sort nous réserve 2007? A moins de trois semaines du premier tour, la hausse des inscriptions sur les listes électorales est fulgurante, surtout du côté des jeunes (les 18-29 ans). Selon le baromètre Metro-radio classique réalisé par Opinionway, 85% des 18-29 ans sont certains d'aller voter. Cet engouement permet d'exclure la probabilité d'un remake du 21 avril 2002. Le Pen dans le duo de tête ? Impensable. Nombreux sont les Français qui ne souhaitent plus revivre ce cauchemar. On a une présidentielle qui se déroule en écho du 21 avril. Rarement on aura eu une telle rémanence d'une présidentielle sur une autre , confirme un observateur.
Cette élection intéresse donc énormément les populations françaises, comme le souligne la quasi-totalité des indicateurs. A huit mois du scrutin, selon un baromètre du Figaro/Lci/Rtl signifiant le niveau d'intérêt pour le scrutin, on avait des chiffres supérieurs à ceux qu'on obtenait à trois mois de la présidentielle de 2002. On estime à 79 le pourcentage de Français mobilisés : certains ont même prévu de n'aller en vacances qu' après avoir accompli leur devoir civique tandis que d'autres affirment vouloir régler très tôt la question des procurations. C'est absolument un record, car il faut remonter dans les années 1981 pour obtenir de tels niveaux.
La partie s'annonce serrée pour le trio en tête des sondages. Et la question essentielle est de savoir quel détail accrochera le plus les électeurs, pour que le vote bascule en faveur de l'un des prétendants. Comme le nombre des électeurs indécis, les incertitudes sont, elles aussi, importantes. Mais certains détails sont pris en compte par les analystes.
Depuis novembre 2006, les sondages donnent Sarkozy vainqueur du scrutin, même si les scores attribués à ce dernier ont tendance à baisser. Les plus de 50 ans voteraient massivement pour lui et beaucoup moins pour la candidate socialiste. Pour la première fois depuis la Libération, les plus de 65 ans sont en proportion beaucoup plus importante que les 18-24 ans, d'après des statistiques dignes de foi. Rarement on a vu aussi le poids des 75 ans et plus supérieur au poids des 65-75ans. Ce vieillissement induit une forte demande de sécurité. Cet effet âge est très favorable au candidat de la majorité sortante qui l'emporte aussi sur sa rivale socialiste par la carrure, la stature, la capacité, etc.
Propositions controversées

Comme point faible, l'avocat de Neuilly traîne un boulet des préjugés tenaces : bien que d'origine étrangère (lire notre encadré), il serait très défavorable à la régularisation massive des étrangers. Même l'honorable Simone Veil, ancienne ministre centriste, s'est déclarée déçue de la proposition très controversée du candidat de l'Ump de créer, s'il était élu, un ministère à l'Immigration et à l'Identité nationale.
Ségolène, elle l'emporterait sur les aspects liés à la proximité, l'écoute, les relations. D'après un sondage portant sur les souhaits de victoire des Français et réalisé pour Métro et l'Express par l'institut Bva en face à face, du 15 au 17 mars, la compagne de François Hollande serait la candidate préférée. Elle recueille 36% de réponses favorables, contre 29% pour son rival de droite. Pourtant, en janvier, il y a eu un doute qui s'est installé sur la capacité de l'énarque à diriger un pays comme la France. Et simultanément, elle s'est illustrée par des gaffes à la pelle. On se souvient encore de ses propos sur la Corse ou la souveraineté du Québec. Sans oublier la défection du Monsieur Economie de son parti, Eric Besson et le soutien timoré et tardif des Eléphants du PS.
Quant à Bayrou qui était dans la zone des 7-8% depuis près d'un an, il commence à capitaliser sur les électeurs du centre-gauche et ceux de la droite modérée, y compris des électeurs de l'Udf qui déclaraient vouloir voter pour Sarkozy; ce qui le fait remonter dans les sondages. Jamais on n'aurait imaginé Bayrou aller plus loin. Passée la période de doute sur ses chances de réussite, beaucoup considèrent aujourd'hui qu'il a un réel programme. Le succès de Bayrou n'est pas seulement de créer de l'animation. Il a aujourd'hui une vraie assise. Et il ne se dégonfle pas , juge Jérôme Sainte-Marie, directeur de Bva opinion.
On estime à environ 10-13 % le nombre d'électeurs français qui échappent au clivage gauche-droite. Le poids des votes de l'électorat du Fn pourrait être aussi déterminant : l'ancien ministre de l'Intérieur est le premier candidat qui séduit une fraction de cet électorat. 20 à 22% des électeurs de Le Pen déclarent dans les sondages pouvoir voter pour Sarkozy, mais aussi qu'ils peuvent à tout moment revenir chez Le Pen.
On le voit, cette élection présidentielle est émaillée de suspense. Nul n'est en mesure de prévoir l'issue finale du scrutin, pas même les sondages qui ne prennent pas en compte les intentions de vote des Dom-Tom ainsi que celles des Français de l'étranger. La différence entre les trois favoris risque de se jouer à des détails prêts !!!

Karim Wally
Correspondant permanent à Paris

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