samedi 7 avril 2007 par Fraternité Matin

N'est-il pas frustrant de ne pas terminer ce qu'on a commencé?

Si, un peu, il faut être franc et surtout quand on a la foi. Mais comment voulez-vous organiser des élections dans un pays où il n'y a pas de confiance? J'ai beaucoup travaillé sur le retour de la confiance. Mais avec les heurts et malheurs que vous savez, disons les hésitations, les blocages des uns et des autres, on n'a pas réussi à organiser ces élections. Mais ce n'est que partie remise, je l'espère.

Les premiers mois de votre mandat, vous disiez faire tandem avec M. Laurent Gbagbo. Pourquoi le tandem a-t-il fait une sortie de route?

(Rire), Il a fait une sortie de route peut-être, parce que l'un et l'autre, nous n'étions pas bons cyclistes. Je me souviens un jour sur vos antennes, vous m'avez demandé qui est devant... Et qui va tenir le guidon? Vous vous souvenez?

Oui, oui!

Le Président Gbagbo et moi avons une différence. Il est candidat aux prochaines élections, moi je ne le suis pas.
Il y a pu avoir des malentendus et cela n'a pas manqué. Et à un moment donné, une espèce d'obsession a envahi les hommes politiques dans l'idée que Banny est un candidat potentiel. De ce fait, il devient un adversaire, donc il faut le combattre. Alors que moi, je me considérais comme un homme de mission. Je sais que je ne tenais pas le guidon.

Vos relations avec M. Laurent Gbagbo ne se sont-elles pas envenimées un peu plus quand l'ONU, le 1er novembre, a voulu vous donner le pouvoir de signer les décrets?

Je crois que c'est un peu ça. C'est la preuve par neuf, d'après certains, que je voulais parachever au plan constitutionnel, un coup d'Etat qui n'avait pas réussi. Alors que vous savez que moi j'ai toujours recherché le compromis.

La communauté internationale ne vous a-t-elle pas lâché?

Elle s'est lâchée elle-même ! Qu'est-ce qu'un pouvoir sans moyens ?

Et vous-même, n'avez-vous pas commis l'erreur de surestimer le poids de la communauté internationale face à celui de M. Laurent Gbagbo?

Je suis quelqu'un d'ouvert sur l'extérieur. Mais qui considère que sur toutes les questions, les Africains doivent d'abord se prendre en charge. Mais vous avez déjà oublié tout ce que nous avons fait pour que les différents acteurs se parlent, et en Côte d'Ivoire. Plutôt que de se parler à l'étranger. Vous avez oublié Yamoussoukro 1, 2, 3, 4. N'ayons pas la mémoire sélective et courte.

Vous dites que vous avez marqué l'essai et qu'il reste à le transformer. Mais que répondez-vous à ceux qui disent que vous avez botté en touche?

(Rire) Vous savez qu'en rugby tout ce qui se rapproche de la ligne d'en but c'est bien

C'est vrai !

A la limite j'accepte ça. Je botte à un mètre de la ligne d'en but, je fais une rentrée en touche, et je marque l'essai.

Quelquefois, n'avez-vous pas trop tergiversé?

Certainement, mais nous sommes dans un processus de recherche du consensus. Les tergiversations ce n'étaient pas du temps perdu. Ma mission, c'était de réconcilier les principaux protagonistes. Aujour-d'hui, ces protagonistes sont réunis dans une même salle. Est-ce que ce n'était pas cela le sens de ma mission.
Le Président Laurent Gbagbo et Guillaume Soro se partagent le pouvoir. Et qu'ils se retrouvent dans une même salle pour discuter. Je considère donc que mon devoir est accompli. Ma mission n'est pas terminée. Et puis voilà.

Au début de votre mandat, vous avez pris vos distances avec MM. Bédié, Ouattara, Soro. Du coup, ils ne vous ont pas beaucoup aidé dans l'adversité. Ne regrettez-vous pas aujourd'hui d'avoir fait cavalier seul?

Je n'ai jamais pris de distance avec qui que ce soit. J'étais à équidistance des parties en conflit. C'est différent.

Le nouveau Premier ministre n'est pas à équidistance, c'est l'un des acteurs, comme vous dites. Ce nouvel attelage peut-il marcher?

Dès lors que les deux protagonistes sont aux commandes, j'ai tendance à croire qu'ils ont plus de moyens que moi. Par exemple, ils ont des troupes pour sécuriser les opérations des audiences foraines. Ce que je n'avais pas.

En faisant venir M. Guillaume Soro à la Primature, M. Laurent Gbagbo ne cherche-t-il pas à affaiblir le grand leader politique du nord, M. Alassane Ouattara?

C'est possible ; en politique, affaiblir adversaire fait partie aussi du jeu. Mais avant ces calculs politiques ou politiciens, on a besoin de sortir de la crise. Et pour ce faire, il faut être sincère et déterminé.

M. Charles Konan Banny, vous avez dit récemment, je ne suis plus gouverneur, je ne suis plus Premier ministre, mais personne ne pourra m'enlever ma citoyenneté ivoirienne. Cela veut-il dire que vous serrez candidat à la prochaine présidentielle?

Franchement, je n'en sais rien. Et je ne suis pas en train d'employer la langue de bois.
Je n'en sais strictement rien. Mon combat n'est pas un combat pour un poste. Mon combat, c'est pour faire triompher des valeurs. Quelles sont ces valeurs ? Celles que je voulais voir disparaître ont trait à la haine, à la division, au mensonge, et aux demi vérités. Il y a aussi la malhonnêteté, la mauvaise gouvernance.

Pour diffuser ces valeurs, allez-vous créer un parti?

Non ! Cela ne fait pas partie de mes projets.

Allez-vous entrer dans la grande maison PDCI comme vous dites?
Vous vous souvenez, quand je suis arrivé, je vous ai dit que je suis équidistant. Et que personne ne pourra me chasser de la maison du père.

Mais vous n'êtes pas membre du PDCI aujourd'hui ?

On peut toujours devenir membre.

Et si vous revenez au PDCI, allez- vous vous mettre au service du candidat Henri Konan Bédié?

Ce n'est pas comme ça qu'il faut voir les choses. Un parti défend une cause, le reste vient après.

Serez-vous candidat à la candidature à l'intérieur du PDCI?

Ah ! Qu'est-ce que vous êtes pressé. Non franchement, mes réflexions ne sont pas orientées dans ce sens.

Mais pourriez-vous soutenir une candidature de M. Henri Konan Bédié?
Oui ! Pourquoi pas ; il a été président. Et lui aussi il pourrait soutenir une autre candidature, s'il s'avère qu'il y a d'autres candidats en dehors de moi-même. Il y a tellement de personnes qui peuvent prétendre à cela au sein du PDCI. Cela ne se ramène pas à une affaire de Konan-Konan. Je sais bien que les questions que vous posez seront pensées. Mais, cela ne peut pas attendre le moment venu.

Propos recueillis sur RFI par Jean-Rock K-Kiriné

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