samedi 7 avril 2007 par Fraternité Matin

Rabat abrite, depuis hier, la 1ère conférence africaine sur le développement humain.

Le royaume chérifien a choisi d'être avant-gardiste. Après l'importante conférence sur "Migration et développement" en juillet 2006 pour trouver des solutions durables aux phénomènes des flux migratoires entre pays de provenance, de transit et de destination, il organise, depuis hier, la première conférence africaine sur le développement humain. Car dans une Afrique qui connaît une stagnation, voire un recul des indicateurs de développement humain depuis les années 1990, le Maroc, sous l'impulsion du Roi Mohammed VI, réalise des performances qui font pâlir d'envie et de jalousie de nombreux pays du continent dans la réalisation des huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) à l'horizon 2015.
Le seuil de la pauvreté absolue est passé de 12,5% en 1985 à 7,7% en 2004 et le taux de pauvreté global se situait en 2005 autour de 14,2%. Le taux d'analphabétisme est passé de 55% en 1994 à 38,6% en 2007. Le pays enregistre également une baisse du taux de chômage (10%), du taux d'exclusion de l'habitat décent (11%) et du taux de précarité (2%). La promotion de l'égalité des sexes est aussi devenue une réalité tangible au Maroc. La femme, depuis la réforme du Code de famille, bénéficie des mêmes droits que l'homme. Et avec l'adoption du quota, les femmes sont représentées au Parlement et peuvent désormais accéder aux postes de décision, dans l'administration et les établissements publics (gouverneur, commissaire de police, etc.).
C'est pour partager cette expérience menée à travers l'Initiative nationale pour le développement humain (INHD) que le Maroc a choisi d'organiser cette première conférence africaine à laquelle participent quarante-trois pays africains sur quarante-cinq attendus, et vingt observateurs au nombre desquels la BAD, la Banque mondiale, le PNUD, la Banque islamique, la FAO, l'OMS, les ambassades de France, du Japon et de Belgique. "Nous avons placé le développement de la coopération sud-sud en tête des priorités de notre politique étrangère, notamment en Afrique et lui avons donné un contenu concret dans les domaines économique et social", a indiqué sa Majesté le Roi Mohammed VI dans son discours de bienvenue. Discours lu par Mohamed Benaïssa, ministre d'Etat chargé des Affaires étrangères et de la Coopération, à l'effet de "donner une forte impulsion à notre coopération régionale, en vue d'assurer le développement humain que nous appelons de nos v?ux".
Les autorités marocaines ont, en effet, compris le danger que représente ce progrès isolé dans le désert de pauvreté africain. "Si des pays africains frères ont enregistré des progrès dans ce domaine vital, il n'en demeure pas moins que, d'après le dernier rapport du PNUD, les Etats d'Afrique traînent, pour deux tiers d'entre eux, en bas de l'échelle de classement selon l'indice de développement humain", a ajouté le Roi Mohammed VI pour inviter les uns et les autres à prendre le taureau par les cornes.
Si d'autres pays continuent de rester à la traîne et ne prennent donc pas le train de la relance économique et du développement humain, ils vont réduire à néant les efforts des pays comme le Maroc qui deviendront, à leur corps défendant, des terres d'immigration et de dépotoir des populations pauvres. Surtout que, comme l'a reconnu Kemal Dervis, administrateur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dont le discours a été lu par le Togolais Gilbert Houngbo, sous-secrétaire général, administrateur assistant et directeur du bureau pour l'Afrique, "en ce qui concerne les objectifs du millénaire pour le développement, nous savons bien que l'Afrique est en deçà de nos attentes. Mis à part de rares exceptions, ces objectifs risquent de ne pas être atteints."
Le tableau est sombre. En Afrique subsaharienne, le nombre de personnes vivant dans une situation d'extrême pauvreté a augmenté de 217 millions en 1990 à 290 millions en 2000; l'espérance de vie des adultes a même chuté, passant de plus de cinquante ans à quarante-six ans. La situation se complique avec la recrudescence des épidémies, des catastrophes naturelles, des conflits et des guerres civiles aux effets dévastateurs, sans parler des tensions régionales qui obèrent les ressources déjà maigres des pays et détournent les Etats des problèmes de développement.
"Nous avons le devoir, nous autres Africains, de ne compter que sur nous-mêmes et de nous attacher à faire l'usage le plus judicieux des potentialités dont nous disposons. Il nous incombe de mettre en place des politiques nationales efficientes, vouées à la concrétisation d'un développement global intégré", a clamé le Roi du Maroc pour interpeller tous les leaders africains. C'est pourquoi cette première conférence qui s'achève aujourd'hui, s'articule autour de trois thèmes s'inspirant profondément de l'expérience marocaine "significative et porteuse de résultats importants": la localisation des objectifs du millénaire, la gouvernance participative et le rôle de la femme dans le développement. Car, "si le visage de la pauvreté est celui d'une femme, celui de l'espoir est aussi féminin", a conclu Kemal Dervis qui a promis l'engagement de son institution à accompagner les décisions qui seront arrêtées à Rabat.

Ferro M. Bally Envoyé spécial à Rabat (Maroc)


L'Afrique se prend en charge

Omar Hilal, secrétaire général du ministère d'Etat marocain chargé des Affaires étrangères et de la Coopération, a salué l'initiative de son pays permettant au continent de se prendre en charge. "C'est la première fois que l'Afrique aborde avec courage et franchise ses problèmes de développement", a-t-il déclaré à l'occasion d'un rapide et bref point de presse en marge des travaux. Paraphrasant sa Majesté le roi Mohammed VI, il a soutenu que les Africains ont ainsi choisi d'examiner, par eux-mêmes et pour eux-mêmes, leurs problèmes afin d'y trouver des solutions appropriées. L'avantage, selon lui, est qu'il n'y a pas d'erreur de diagnostic et donc pas d'erreur de remèdes. "L'Afrique, s'est-il contenté d'ajouter, donne l'image d'un continent mûr qui veut un développement endogène" qui n'est plus défini entre les quatre murs des institutions internationales ou des pays développés.
La conférence, à entendre le secrétaire général du ministère d'Etat chargé des Affaires étrangères et de la Coopération, est dense en échanges et fructueuse en discussions. Plusieurs ministres en provenance entre autres du Sénégal, du Burundi, du Kenya et de Madagascar sont intervenus pour reconnaître les problèmes rencontrés sur le chemin du développement humain et rendre compte des efforts consentis pour sortir de l'ornière. A cet effet, le ministre kényan des Affaires étrangères s'est mis à table en soutenant que le fossé n'a cessé de se creuser entre son pays et la Corée, pays avec lequel le Kenya avait le même PNB au début des indépendances.
Aussi a-t-il soutenu que Rabat, capitale de l'Afrique de demain et de la coopération sud-sud, représente-t-il "le premier jalon de tout un processus". Mais le Maroc a le triomphe modeste. Pour Omar Hilal, il ne s'agira pas d'exporter l'expérience marocaine avec ses spécificités, mais seulement de réfléchir aux stratégies nationales réalistes et réalisables qui permettront de répondre à l'attente des Africains.

F. M. Bally

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