mardi 10 avril 2007 par Le Nouveau Réveil

On l`attendait avec impatience et appréhensions. On l`attendait avec espoir et peur. Sans peut-être l`attendre vraiment. Du moins pour le camp présidentiel et au FPI. Le gouvernement, le cinquième depuis l`accord de Marcoussis, est maintenant formé. Après les premières clameurs, le travail devrait commencer. Ici et maintenant. Pour sortir la Côte d`Ivoire de la crise militaro-politique. Soro a ses hommes, 32, nommés par Gbagbo, comme lui-même du reste. A la suite des accords de Ouagadougou. Au moment où les spéculations sur les entrées et les sorties du gouvernement s'estompent, la réalité présente et à venir remet sur la table le débat quant aux pouvoirs réels du Premier ministre. Les accords de Ouagadougou, on le sait, se sont inspirés de Marcoussis. Les pouvoirs que Marcoussis donnait à Seydou Diarra et que Gbagbo lui refusait, sont les mêmes que Ouagadougou donne à Soro. Gbagbo va cette fois-ci le laisser travailler ? On se rappelle, après la signature de Marcoussis, Gbagbo a nommé Seydou Diarra à Paris à l`ambassade de la Côte d`Ivoire à Paris. C`était pour marquer sa bonne foi devant la communauté internationale, la France en tête, qu`il accusera par la suite de soutenir la rébellion et de vouloir faire chuter son pouvoir. La suite est connue de tous. Les crises ouvertes entre le clan Gbagbo et les Premiers ministres Seydou Diarra et Charles Konan Banny tournaient toutes autour des pouvoirs du Premier ministre et surtout du contrôle des appareils intervenant dans les élections. En se mettant d`accord pour "co-gérer" l`Etat dans cette transition typiquement ivoiro-ivoirienne, Gbagbo et Soro devraient en principe se partager l`exécutif. D`ailleurs, Soro avait exigé, avant de monter à la barre, d`avoir une délégation de pouvoirs de la part de Gbagbo. L`a-t-il eue ?
Rien n`est moins sûr. Soro est certes Premier ministre, mais les ministères clé sont au FPI, dans les mains de Gbagbo. Le Plan et le développement qui encadre l`INS, seul commis, selon Gbagbo, à faire le recensement électoral. Le ministère de l`Intérieur qui doit gérer le redéploiement de l`Administration, les mouvements des préfets et sous-préfets et l`organisation pratique des élections. Le ministère de la Sécurité qui contrôle toute la sécurité des hommes et des femmes, des opérations d`avant et d`après élection. Le ministère de la Défense avec son armée et tous les groupes para-militaires, placés de fait sous sa tutelle. Tous ces départements reviennent à Gbagbo et au FPI. Certes, les Forces nouvelles ont la justice et la communication, mais que valent ces ministères si la prise des décrets et ordonnances relève de la seule et unique signature de Gbagbo ? La CEI, qui par ailleurs devrait réguler le travail de l`INS, n`a aucun moyen. Ses frais d`activité, selon certaines sources, sont bloqués par le camp présidentiel.
Tout est comme si le clan Gbagbo, au lendemain d`une élection qu`il a gagnée, fait son gouvernement. En faisant juste un clin d`?il aux autres formations et forces politiques, par acquis de conscience. On revient ainsi, après cinq (5) ans de tergiversations, de blocages et de pertes de tout genre, au gouvernement du 5 août 2002 dans lequel Gbagbo détient la part du lion.
A la lecture du nouveau gouvernement par le secrétaire général de la présidence, M. Amédée Couassi Blé, un détail (et non des moindres) n`a pas manqué d`intriguer les observateurs : l`ordre protocolaire. Après le Premier ministre Soro, viennent les ministres Bohoun Bouabré, Tagro Désiré, Amani Michel. Tous du FPI. On retiendra qu`en l`absence de Soro, les numéros deux, trois et quatre du gouvernement sont tous des hommes de Gbagbo. Où est donc le partage du pouvoir si pour une raison ou pour une autre Soro devait s`éloigner ou être éloigné de la Côte d`Ivoire ? En mettant dans son escarcelle les ministères de l`Intérieur, de la Défense, du Plan et du développement et de la Sécurité, Gbagbo a désormais toutes les armes pour gagner les élections qu`il aura contrôlées de bout en bout. On se demande alors quel est le sens et quel est l`objectif du combat que Soro a livré à l`armée de Gbagbo si c`est finalement pour laisser régner et mener le processus électoral à sa guise ? D`aucuns disent déjà que Soro a été léger sur certains détails qui pourront, pour finir, être fatals non seulement pour lui-même et pour toute l`opposition civile. Si demain, la vision de la conduite de la transition ne devrait plus être la même entre le chef de l`Etat et le Premier ministre, d`où viendra la protection de Soro, si c`est le FPI qui détient la Défense, la sécurité et l`Intérieur ? Le chef de l`Etat et le Premier ministre sont de fait dans un nouveau tandem où visiblement Soro ne tient pas le guidon. Ouagadougou a réhabilité Gbagbo qui reprend ainsi tous les pouvoirs qu`il a plus ou moins perdus depuis Marcoussis. Le dialogue direct et surtout l`accord qui l`a sanctionné ont donné au leader des Forces nouvelles une primature vidée. Car, la configuration de l`actuel gouvernement ne présage pas que Soro puisse signer un quelconque décret, encore moins une ordonnance. Il ne présidera pas non plus un conseil des ministres. Qu`est-ce qui a donc changé ? Rien, si ce n`est que le patron des Forces nouvelles a aidé Gbagbo à reprendre tous les pouvoirs.

Par Eddy Péhé
eddy_pehe@yahoo.fr

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