mardi 10 avril 2007 par Nord-Sud

Le gouvernement de Guillaume Soro a surpris plus d'un par la prééminence des partis politiques et du camp présidentiel. Explications.

Le premier gouvernement de Guillaume Kigbafori Soro est loin de répondre aux aspirations soulevées par son arrivée à la primature. Dire que des clameurs de mécontentement s'élèvent des quatre coins du pays, est un truisme ! On a le sentiment que le nouveau Premier ministre s'est fait avoir, qu'il a ouvert un boulevard à Laurent Gbagbo pour sa réélection à la tête du pays. En définitive, tout le monde en est convaincu, qualitativement et quantitativement, les Forces nouvelles n'offrent pas la meilleure représentativité dans un gouvernement dirigé par leur leader. Et que Laurent Gbagbo et les partis politiques se sont taillé la part du lion. Ces critiques sont d'une extrême justesse. A l'origine de ce handicap sérieux du nouveau Premier ministre, il y a ses propres alliés politiques. Laurent Gbagbo et Guillaume Soro s'étaient entendus pour former un gouvernement resserré de 26 membres (Gbagbo en proposait 24). Ensuite, il était acquis que les chefs de partis politiques ne devaient pas en être membres et que les ministères de souveraineté devaient être partagés équitablement entre les forces ex-belligérantes. Les ministères techniques devaient être partagés entre tous les signataires de Marcoussis, avec le principe d'un ministère important par signataire. Par ministère important, l'on entendait, un ministère à gros budget. Une telle option impliquait que les chefs des partis politiques devaient accepter de perdre quelques portefeuilles au nom de la paix et surtout devaient procéder à un renouvellement de leurs ministres, pour qu'il y ait une rotation des cadres. Laurent Gbagbo a accepté de changer des ministres et d'en permuter quelques uns. Soro Guillaume s'est, de même, engagé à renouveler certains de ses cadres et à procéder à des réaffectations. Puis il s'est tourné vers les partis politiques. Anaky Kobenan, le président du Mfa, a bien compris les enjeux en cours. Il a accepté de ne pas proposer son nom et a donné deux cadres : M. Sinan Bakary et Mme Bamba Fatoumata Hamza. Il a juste souhaité un ministère important pour son parti. Abdallah Mabri Toikeusse a refusé que son parti soit représenté par quelqu'un d'autre que lui. Pourtant au titre des personnalités pressenties pour représenter l'Udpci au gouvernement, il y avait MM. Noutoua Yodé et Jean Blé Guirao.
L'intransigeance du RHDP menace le processus de paix

Mabri a exercé une pression incroyable sur ses alliés du G7. Toutes les personnalités qui connaissaient le Premier ministre en Côte d'ivoire comme à l'étranger, ont été appelées. Mais Soro a refusé de plier. C'est, à 8 heures, le jour même de la publication officielle du nouveau gouvernement que sa situation été débloquée et qu'il a été inscrit sur la liste des ministres. Mabri a en effet, menacé de faire une déclaration pour dire que l'Udpci ne se reconnaissait plus dans l'accord politique de Ouagadougou et que de ce fait, son parti n'entrerait pas au gouvernement.
A côté de l'irrédentisme de Mabri Toikeusse, il y avait l'intransigeance du Rdr et du Pdci-Rda. Bédié a accepté de permuter certains cadres. Ainsi, il était prêt à accepter que Dagobert Banzio et Allah Kouadio Rémy échangent leurs portefeuilles. Mais il a refusé que l'on fasse opposition à un cadre comme Patrick Achy, récusé par Laurent Gbagbo. Le cas Patrick Achy a été réglé, vers 23 heures 30, la nuit précédant la publication du gouvernement. Le Premier ministre a insisté et Gbagbo a cédé. Pour le Rdr, l'opposition a été systématique et frontale. Alassane Ouattara a refusé que l'on déplace le moindre de ses cadres, à plus forte raison en remplacer. Pour lui, il n'était pas, non plus, question qu'on réduise le nombre des portefeuilles ministériels détenus par son parti. Si on retirait ne serait-ce qu'un seul portefeuille au Rdr, son parti refuserait d'entrer au gouvernement. Entre deux coups de fil, Bédié s'est également raidi et s'est aligné sur cette position. Dorénavant, il refusait même qu'on permute ses ministres. Le Premier ministre était face à un dilemme : soit il appliquait son plan jusqu'au bout. Et il entrait en conflit ouvert avec ses alliés. Les conséquences politiques étaient évidentes. Il aurait coopté des cadres au sein des partis et ces cadres-là, seraient venus siéger envers et contre tout. On sait que tous les cadres ivoiriens veulent devenir des ministres. Ce faisant, il ouvrait des lignes de fracture au sein des partis politiques et Gbagbo s'engouffrait dans ces brèches pour fragiliser ces partis de l'intérieur. C'est une vérité de Lapalisse, les partis politiques ivoiriens vivent en majorité des flux financiers que leur apportent leurs ministres et leurs Directeurs généraux. Si un parti refuse de reconnaître ses ministres, il se coupe de sources de financement stables pour les élections à venir. Et se trouve quasi démuni face à un Laurent Gbagbo qui, en sept années de pouvoir, on s'en doute, a engrangé des centaines de milliards et se prépare à une bataille féroce. Guillaume Soro ne voulait pas être l'arme de Gbagbo pour affaiblir les partis. Il ne restait alors que la deuxième option : accéder au désir des partis. Dans ce cas de figure, Soro savait qu'il se fragilisait face à Gbagbo. Ce dernier, on s'en doute, a profité du raidissement des alliés du Premier ministre, pour faire de la surenchère. Lui aussi s'est mis à revendiquer plus que de raison. Il ne voulait plus rien lâcher puisque le Rhdp non plus ne voulait rien lâcher. Résultat des courses : Soro a décidé de faire de la politique pure. Il constituerait un gouvernement qui satisferait les partis politiques. Ainsi, tous les chefs de partis, qui sont autant de candidats déclarés à la présidentielle, seront à armes égales avec Gbagbo. Et personne, notamment au sein de ses alliés, ne pourrait l'accuser d'avoir signé un deal avec le chef de l'Etat pour les déstabiliser, et permettre ainsi la réélection de ce dernier. Les Forces nouvelles n'étant pas candidates à la présidence, elles ont refusé le jeu de la surenchère politicienne. Les partis pourront plastronner au gouvernement. Mais autour du Premier ministre, il y aura un véritable cabinet exécutif qui va conduire le processus de sortie de crise.

Touré Moussa

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