mardi 10 avril 2007 par Le Matin d'Abidjan

Le nouveau gouvernement issu de l'Accord politique de Ouagadougou est connu depuis samedi dernier. Il comprend 33 membres qui se déclinent en 14 pour le camp présidentiel,- si on prend en compte le PIT-, contre 19 pour le bloc de l'opposition civile et armée. La première remarque c'est que le Pdci et le Rdr, les deux gros bras de l'opposition traditionnelle ont pu sauvegarder leur cinq majeurs. Ce qui n'était pas évident au départ avec la volonté des deux parties en négociation de se partager principalement le pouvoir. Idem pour les petits de la classe que sont le Pit, l'Udpci, l'Udci et le Mfa, qui maintiennent chacun leur département ministériel. Seconde observation, la rébellion fait un bond significatif en passant de 5 ministères dans le défunt gouvernement Banny, à 7 portefeuilles y compris la Primature. Elle supplante de ce fait pour la première fois depuis le début de la crise du 19 septembre 2002, ses traditionnels alliés que sont le Pdci et le Rdr. Principaux bénéficiaires du dialogue direct initié par le chef de l'Etat, il ne pouvait être autrement pour Guillaume Soro et les siens qui s'en tirent ici à très bon compte. Mais la grosse opération du jour a été réalisée par le camp présidentiel avec son quota fixé à 14 alors que sous Banny, il était sous la barre de 10. Primo. Secundo, le seul ministère d'Etat est tombé dans son escarcelle et est confié au ministre Paul-Antoine Bohoun Bouabré, proche parmi les proches du chef de l'Etat. Tertio, et c'est le fait le plus marquant, c'est l'obtention des deux gros ministères de souveraineté que sont la Défense et la sécurité, qui seront animés respectivement par Michel Amani N'guessan et Désiré Tagro Asségnini. C'est véritablement la toute première fois depuis la clé de répartition instaurée par les accords de Linas-Marcoussis que ces deux portefeuilles dont le caractère stratégique n'est plus à démontrer, sont ainsi confiés à des militants bon teint du Front populaire ivoirien (Fpi). On se souvient que lors des discussions de la banlieue parisienne de janvier 2003, la méfiance aidant, les portefeuilles en question n'avaient pu être attribués. La charge était donc revenue, à l'époque, au ministre Assoa Adou d'assurer l'intérim le temps que le conseil national de sécurité (Cns), mis sur pied dans la foulée, ne désigne des personnes jugées consensuelles. Ce qui fut fait au sortir d'Accra II, avec la nomination de René Amani et Martin Bléou, deux cadres issus de la société civile. Partis avec Seydou Diarra en décembre 2005, ils ont été remplacés respectivement par René Aphing Kouassi et Joseph Dja Blé, deux autres compétences issues de la société civile. Une constante qui a fait penser à nombre d'observateurs que, aussi longtemps que durera la crise, ces deux départements ne seraient animés que par des personnes sans coloration politique connue. C'est pourquoi la désignation de Tagro et Amani N'guessan à ces postes revêt une importance significative car elle marque la ruine du grand mur de méfiance qui existait jusque là entre le camp présidentiel et la rébellion. C'est assurément le signe d'un grand pas effectué dans la direction de la paix. En plus de ces deux ministères, on peut aisément citer celui de l'économie et des finances, tenu par Charles Diby Koffi, un militant du Pdci à l'origine, mais qui depuis l'accession de Laurent Gbagbo au pouvoir en octobre 2000, s'est considérablement rapproché de ce dernier auquel il doit d'ailleurs sa nomination comme DG du Trésor puis ministre délégué sous Banny. D'ailleurs à cet effet, il se rapporte dans les allées du palais présidentiel, qu'au plus fort de la guerre ouverte entre son patron de premier ministre et le chef de l'Etat, Charles Diby n'a jamais tergiversé et est toujours resté sourd aux chants des sirènes venues de Morofè. Toute chose qui indique aisément que même sous Banny, le président de la République n'avait jamais perdu le contrôle du coffre fort de l'Etat. Un contrôle qui se voit ainsi renforcé officiellement depuis samedi dernier avec la confirmation de Diby en qualité de ministre plein. S'agissant des affaires étrangères, on indique également que Laurent Gbagbo n'a aucun souci à se faire car le ministre Bakayoko Youssouf, bien que militant du Pdci-rda s'est jusque là, toujours comporté comme " un bon serviteur de l'Etat et surtout respectueux du président de la République ". Au vu de ce qui précède, on peut aisément soutenir que le président Laurent Gbagbo a désormais sous contrôle presque tous les postes de souveraineté, en dehors de celui du Garde des Sceaux, ministre de la justice et des droits de l'Homme, tenu par le Mpci. Encore qu'ici, le ministre Koné Mamadou, depuis la crise des audiences foraines, a, selon des sources bien introduites, considérablement amélioré sa collaboration avec le chef de l'Etat. Autant dire qu'avec ce nouveau gouvernement issu du dialogue direct, Laurent Gbagbo, vient de reprendre tout " son " pouvoir, émietté depuis la crise du 19 septembre 2002.


Quadrillage parfait en vue des élections

Le chef de l'Etat, en plus de se tailler la part du lion comme se plaisent à soutenir depuis le week-end écoulé nos confrères de Radio France Internationale (Rfi), a opéré des choix pour le moins, stratégiques dans la désignation des cadres du camp présidentiel devant animer le gouvernement conduit par Guillaume Soro. Cela dans la perspective de la prochaine présidentielle ivoirienne qu'il a en point de mire et dont il veut se donner visiblement les moyens de l'emporter. C'est assurément ce qui explique la promotion de Michel Amani N'guessan, Gilbert Bleu Lainé et Augustin Kouadio Comoé. Le premier cité est parmi les plus capés des ministres Fpi du gouvernement. Titulaire du département sensible de l'éducation depuis la transition militaire de 2000, il aurait pu être remplacé valablement par une autre compétence du parti, mais cela aurait eu pour conséquence de fragiliser le travail de fourmi abattu jusque là par l'homme dans la région de Bouaké. Une zone à forte coloration Pdci-Rda où les "frontistes" ont accru, depuis quelques temps, leur capital sympathie. Et le chef de l'Etat n'a pas voulu dit-on, prendre des risques. C'est le même souci électoraliste qui vaut à l'inspecteur Augustin Kouadio Comoé sa promotion. Originaire du Zanzan, il aura à charge de faire rayonner la flamme des " bleu et blanc " dans la partie septentrionale du pays et par la même occasion, diluer, à défaut de l'éteindre, l'action de Kobenan Adjoumani, le truculent président de conseil général de Tanda. Un homme dont les sentiments à l'égard du chef de l'Etat, sont, dit-on, pas loin de la haine. Une nomination qui vient à point nommé, surtout après la disparition de Nango Kangah, le directeur de campagne de Laurent Gbagbo dans la région. Il en va également de Gilbert Bleu Lainé, qui a abandonné ses salons douillets de l'ambassade de Côte d'Ivoire en Inde pour venir " gérer " l'Ouest ivoirien et particulièrement le pays Dan. On le sait, la guerre a fait des ravages à l'Ouest, où les populations ont payé le plus lourd tribut. Mais principalement, les Dan ont perdu dans cette crise leur fils le plus illustre, en la personne de feu le Général Robert Guéï, tombé aux premières heures de la guerre. Une situation bien malheureuse qu'utilisent comme fonds de commerce les adversaires politiques du chef de l'Etat dans cette zone. Les ressentiments étant nombreux, Laurent Gbagbo a dit-on, voulu montrer au Dan, qu'il ne nourrissait aucune haine vis-à-vis d'eux contrairement à ce que se plaisent à raconter ses adversaires sur le terrain. Aussi, on devine aisément qu'au moment où Mabri Toikeusse obtient un portefeuille fort juteux, celui des transports, le premier citoyen ivoirien ne pouvait pas laisser l'autorité de ce dernier s'accroître considérablement dans la région sans chercher à le contrecarrer outre mesure. C'est ce qui vient d'être fait. Ainsi donc, dans le pays Dan, le leader de l'Udpci aura désormais en face de lui, Bleu Lainé et Alphonse Douati, dans la lutte pour le contrôle de la région ; tandis que le duel Hubert Oulaye-Dagobert Banzio se poursuivra en pays Wê. Qui emportera cette guerre fraticide en vue du contrôle du "Far west" ivoirien? Wait and see ! En renforçant sa présence au Centre, à l'Est à l'Ouest, et avec ses acquis au Sud et ses promesses au Nord, le candidat Laurent Gbagbo vient ainsi de réaliser le quadrillage parfait du territoire en vue d'un triomphe à la présidentielle à venir.

Géraldine Diomandé

Propos...

Konaté Sidiki
(ministre du Tourisme et de l'Artisanat) :
"C'est un gouvernement de paix"
En ce qui concerne le ministère, nous allons ?uvrer et faire en sorte que les problèmes, les difficultés qui existent puissent connaître aussi un début de solution. C'est un gouvernement de paix. C'est une équipe commando qui doit appliquer un programme assez précis qui est le programme de sortie de crise. C'est cela le plus important

Amani N'Guessan Michel
(ministre de la Défense)
" Nous allons exécuter Ouaga. "
J'ai servi la nation à l'Education nationale. Je crois que c'est une reconnaissance de l'acte que j'ai posé. Aujourd'hui, le président me renouvelle donc sa confiance en me donnant la défense de la Nation. Pour ce qui est des priorités, nous allons en discuter avec le Premier ministre. Mais vous savez, Ouaga les a déjà définies. Nous allons donc exécuter Ouaga.

Bohoun Bouabré
(ministre d'Etat, ministre du Plan et du Développement)
" La volonté d'aller à la paix est partagée "
Après les discussions que nous avons eues à Ouagadougou, notre pays a un gouvernement qui en tout cas a pris en compte la structure mais aussi la volonté de ceux qui sont les tous premiers responsables. Je pense qu'on a une chance additionnelle pour aller à la paix. C'est ça le plus important. Maintenant les positions que les uns et les autres occupent ce n'est pas tellement important. Je suis heureux de constater que la volonté d'aller à la paix est partagée. Et j'espère qu'on ira à la paix.

Bamba Fatoumata née Hamza
(ministre de la Reconstruction et de la Réinsertion) :
" L'objectif c'est vraiment d'aller à la paix "
Je suis consciente de la tâche qui m'attend. mais, je suis dès à présent prête à me mettre au service de la Côte d'Ivoire, parce que l'objectif du gouvernement c'est vraiment d'aller à la paix. Et tout le gouvernement va se mettre à pied d'?uvre pour qu'enfin la Côte d'Ivoire retrouve la paix et que nous sortions définitivement de la crise que nous avons connue.

Kouadio Comoé Augustin
(ministre de la Culture et de la Francophonie)
" C'est la continuité du travail "
J'ai commencé mes armes dans les CHU donc à la Santé. Mais vous savez, quand on arrive à ce niveau là on peut servir à tous les postes. Je me retrouve aujourd'hui à la Francophonie et à la Culture, je pense que c'est la continuité du travail.

Recueillis par
Mireille Abié

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