mercredi 11 avril 2007 par Le Front

Le scandale des déchets toxiques amené par le tristement célèbre navire ?'Probo Koala'' n'est pas encore une histoire ancienne même si l'accord passé entre l'Etat de Côte d'Ivoire et la firme Trafigura semble avoir apaisé les esprits. Charles Bauza D. Koré, président du collectif des intoxiqués hospitalisés des déchets toxiques (CIHDT) est de ceux qui n'entendent pas lâcher du lest dans cette affaire. Nous l'avons rencontré. Entretien. Le chef de l'Etat, pour obtenir le dédommagement des victimes de déchets toxiques, a signé un arrangement d'un montant de 100 milliards de Fcfa avec la firme Trafigura. Avez-vous eu votre part ?
Pour être plus précis avec vous, je peux dire que les 100 milliards n'ont pas encore été répartis, cependant le président Gbagbo a fait un don de 40 millions de F cfa et de 26 millions en médicaments aux associations des victimes de déchets toxiques. Pour le CIHDT, notre part s'élevait à 660.000 Fcfa. Montant que nous avons refusé de prendre. Même si au début, pour les soins médicaux de nos familles, nous avions commencé les démarchesAlors pourquoi avoir refusé de prendre cet argent si vos familles continuent d'être malades consécutivement à cette intoxication ?
Ce don est à saluer. Cet argent, nous l'aurions pris si le président Gbagbo nous l'avait donné en tant que père. Mais on nous a laissé entendre que c'est l'Etat de Côte d'Ivoire qui nous le donne. Pour nous, c'est de la foutaise voire une nique que cet Etat qui nous a intoxiqués, vienne encore à notre chevet. Surtout que ce même Etat refuse de nous dire la vérité sur les responsables de ce scandale qui a coûté des dizaines de vies ivoiriennes et des milliers de malades. Quelle est votre position sur le deal Gbagbo / Trafigura ?
Notre position est simple. La signature a eu lieu entre le chef de l'Etat, du moins entre son conseiller et Trafigura. Nous n'avons pas été consultés. Une procédure judiciaire est pendante. Et le président Gbagbo avait promis de faire la lumière sur le dossier au travers d'un procès. L'Etat nous doit la vérité. En un mot, ce deal n'exclut pas la poursuite du dossier pour savoir la vérité et avoir un début de dédommagement des victimes que nous sommes.
Justement, parlant de victimes, comment peut-on les distinguer. Surtout qu'il y a beaucoup de malhonnêtes qui se font passer pour telles ?
Je pense personnellement qu'on ne devrait pas prendre les malheurs de pauvres gens pour s'enrichir ou pour en faire un fonds de commerce. Chez nous au CIHDT, dès les premières heures de ce scandale, nous avons hospitalé nos familles et subi plusieurs examens médicaux. Les dossiers sont là. Mieux, nous avons contacté le cabinet ?'Article one'' de l'avocat Shahram Taghavi, à Londres en Angleterre. Pays qui abrite le siège de la firme Trafigura. Revenant à votre question, il faut reconnaître que sont victimes, toutes les personnes qui ont subi un dommage suite à cette intoxication. Et qui malheureusement certaines en sont décédées. Mais, et c'est là toute la gravité de cette intoxication, il y a tous ceux qui ont inhalé ce gaz toxique et qui, sans le savoir, porte des germes de maladies en état de latence. Mais on sait que vous avez reçu des appels téléphoniques et des courriers électroniques du cabinet de Bob Van Der Goen, avocat hollandais de renom, et qui souhaite que vous entriez en contact le plus rapidement possible avec lui, pouvez-vous en quelques mots nous en donner les raisons ?
Oui c'est vrai. Pour le moment, je m'en tiens à cela. Mais j'aurais des séances d'entretien avec ses représentants à Abidjan très bientôt. Revenons aux 100 millions de Trafigura à l'Etat de Côte d'Ivoire. Selon vous comment peut-on équitablement répartir les 75 milliards de compensation de Trafigura aux victimes ?
Cette manne financière peut être scindée en trois (3) parties. Une partie pour les hospitalisés et les familles des personnes décédées. Une autre pour la construction d'un hôpital et la mise en place de l'observatoire de veille sanitaire, hôpital entièrement dédié au traitement des victimes qui pourraient faire face à ce genre de drame demain. Cela, pour suivre les ?'survivants'' c'est-à-dire les hospitalisés et les intoxiqués en général. En construisant cet hôpital dans les environs de la Riviera-Palmeraie ou de Bingerville, on marquerait à jamais la mémoire collective ivoirienne. Enfin, la dernière partie de cet argent peut évidemment servir à l'équipement techniques et en médicaments de l'hôpital en question.
Pour vous, si l'Etat fait la répartition des 100 milliards comme vous le souhaitez, seriez-vous prêts à laisser tomber les poursuites judiciaires ?
Comme je le disais tantôt, nous avons instruit un cabinet londonien pour suivre, en ce qui nous concerne, ce dossier. Sur ce point, ce sont nos avocats qui décideront. Mais il serait bien que les Ivoiriens sachent la vérité. Ce n'est pas l'argent qui compte pour nous, mais les vies humaines. Le CIHDT a fait une déclaration le 20 février dernier. Dans laquelle le collectif s'est plaint du fait de n'avoir pas été associé par l'Etat dans l'accord passé avec Trafigura. Selon vous, au cas où vous auriez été consultés qu'auriez-vous apporté dans cet accord ?
Vous avez vu vous-même et entendu ce que l'Etat a dit. Les 20 milliards qui ont servi à la dépollution des sites sont à rendre à l'Etat de Côte d'Ivoire. 5 autres milliards devraient servir à la construction d'une nouvelle décharge. Quand nous disons que l ?Etat ne nous a pas consultés, c'est bien vrai qu'il s'agit de nous les victimes. Mais à la vérité, c'est de notre défense (nos avocats) que nous parlons. Néanmoins, le CIHDT a fait les suggestions suivantes à l'instar de nombreuses personnes à savoir la mise en place d'un observatoire de veille sanitaire et là ce que je disais tantôt à savoir, la construction d'un centre hospitalier universitaire moderne. Voilà ce que le CIHDT aurait apporté comme suggestion. Tout cela, parce que nous avions décidé avec l'accord de nos avocats, de prévoir le financement de ce processus par la compagnie responsable du scandale car aux dernières nouvelles et à quelques semaines de la signature passée entre l'Etat de Côte d'Ivoire et Trafigura, le CIHDT avait les dossiers les plus intéressants à apprécier à la haute cour de justice anglaise. Et normalement le procès devait commencer le 02 février dernier.



Réalisée par Eric Djé Blé (ericezeckiel2000@yahoo.fr)

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023