mercredi 11 avril 2007 par Notre Voie

A l'occasion du passage de la Caravane de la paix du COJEP à Bouaflé, Notre Voie a recueilli les sentiments du directeur de campagne du président Gbagbo dans la capitale de la Marahoué. Entretien.

Notre Voie : Monsieur le Directeur général, vous êtes cadre de la Marahoué qui, pendant trois jours, a accueilli la Caravane de la paix du COJEP. Quel commentaire vous inspire ce passage de Charles Blé Goudé et de ses camarades ?
Firmin Kouakou : Les responsables du COJEP m'avaient fait part de leur souhait de venir à Bouaflé, motivés principalement par la configuration démographique et sociopolitique de Bouaflé. J'avais donné mon accord de principe. Je me suis absenté du pays. A mon retour, ils m'ont approché pour me dire qu'ils confirmaient cette visite pour la date du 30 mars. J'ai donc dû venir les recevoir. Je les ai accompagnés le vendredi après-midi à Garango, le plus gros des 4 villages peuplés par les populations d'origine burkinabé. Il y a Garango, Koudougou, Koupéla et Tingodogo. Ce que j'ai constaté sur le terrain en terme de mobilisation et de message m'autorise à dire que la Caravane de la paix du COJEP est une bonne initiative. Nous connaissons tous le rôle majeur joué par Charles Blé Goudé dans la résistance quand ce pays a été attaqué par la France. Nous savons tous comment il a su mobiliser les jeunes Ivoiriens à se dresser contre l'imposture et les mains nues devant les chars de l'armée française. Il est donc comme un combattant. Et quand c'est lui qui vient aujourd'hui devant les populations pour dire que l'heure de la paix a sonné, c'est un acte qui va faire avancer les choses. En regardant vendredi dernier les populations de Garango, samedi celles de Bonon et dimanche celles de Bouaflé, je dis que les gens croient en lui, les gens ont confiance en lui. Parce que l' objectif premier de cette caravane est de mettre les gens en confiance, afin qu'ils s'approchent et se parlent.. Ma conclusion est que cette caravane ne peut que faire du bien à la Côte d' Ivoire.

N.V. : Vous venez de parler de la diversité démographique de la Marahoué avec des villages entiers de personnes originaires du Burkina Faso. Alors vous qui êtes de cette région, quand vous entendez des gens taxer la Côte d'Ivoire de xénophobe, quel sentiment cela crée en vous ?
F.K. : Etre choqué n'est pas assez fort comme sentiment. Le mot n'est pas approprié...Quand j'ai entendu cette accusation pour la première fois, j'étais désemparé. Je me demandais bien de quoi on parlait et où est-ce qu'on se trouvait. Il fallait d'abord savoir le théâtre d'opération de cette xénophobie, comprendre le fondement de l'accusation, avant d'avoir une réaction. Parce que quand vous ne soupçonnez point un fait, quand ce fait est loin de votre conscience, voire de votre subconscient, et que ce fait est projeté brusquement devant vous, vous êtes sans voix. C'est comme lorsque vous ne vous entendez pas à voir quelqu'un quelque part et que celui-ci se présente sur votre chemin, vous le dépassez. La personne croit que vous n'avez pas voulu vous arrêter pour lui parler, mais c'est parce que votre esprit n'a pas enregistré la présence de cette personne en cet endroit et à ce moment. Vos yeux peuvent regarder la personne, mais vous ne voyez la pas. Votre conscience ne l'enregistre pas. La Côte d'Ivoire, pays xénophobe ! Puisque tu ne vis pas cela, que cela n' a jamais effleuré ton esprit, alors quand l'accusation est portée, tu penses que c'est un conte ou une fable. Evidemment, nos ennemis disposant de puissants réseaux d'information, ils ont pu faire en sorte que des personnes dans le monde prennent pour réalité leur fable. Mais, à notre humble niveau, dans le cadre de la mission à nous confiée à la tête du FRC, nous sommes souvent à l'étranger. Mais quand, devant de telles accusations, vous commencez à énumérer des statistiques et que vous leur parlez d'une région comme Bouaflé, mieux, quand vous leur dites qu'il n'y a pas en Côte d'Ivoire un seul hameau sans un ressortissant étranger ou un Ivoirien originaire du Nord, eux aussi n'en reviennent pas. Si le conflit ivoirien opposait les gens du Nord aux gens du Sud, on ne peut donc pas imaginer le carnage auquel on allait assister. Mais, avec le temps, beaucoup de ceux qui ont été intoxiqués ont compris. Ceux qui s'y accrochent encore sont de mauvaise foi et on n'a pas leur temps.

N.V. : A Bonon, il y a quand même eu des échauffourées entre autochtones et allogènes au début de la crise.
F.K. : Il y en a eu aussi à Gonaté. Dans les deux cas, ce n'était pas un problème lié à la crise. C'était un problème d'intérêts économiques. C'était relatif à la gestion des gares routières. Des jeunes n'ayant pas une activité génératrice de revenus disent avoir des syndicats de transport. Ils viennent à la gare, s'asseyent toute la journée, prélèvent de temps en temps des taxes chez les chauffeurs de transport en commun. Ils ne vivent que de ça. Donc d'autres jeunes, tout aussi sans emploi, y ont perçu un monopole du premier groupe sur ce secteur d'activités. Ils voulaient s'y introduire aussi. Les premiers n'ont pas voulu de cette intrusion. Et la bagarre a éclaté. Il se trouve que le premier groupe est majoritairement composé de personnes n'étant pas originaires de la région tandis que le second est majoritairement composé d'autochtones. Mais ce sont des conflits d'intérêts. C'est loin d'une bagarre à relent xénophobe. Les jeunes autochtones n'ont pas chassé les autres de leur maison. Et le théâtre d'opération, c'était la gare.

N.V : Comment le conflit a été jugulé ?
F.K.: Ce sont principalement les autorités administratives qui sont intervenues avec l'appui des forces de l'ordre. Cela a ramené le calme. Ensuite ces autorités ont tenté de rapprocher les points de vue. Ceux qui avaient le monopole ont accepté que les autres exercent aussi dans le secteur. Et, aujourd'hui, les ex-belligérants de quelques jours vivent en harmonie. Tous ont ?uvré au succès de la Caravane de la paix du COJEP à Bonon. Et si, aujourd'hui, ils affirment attendre un cadre officiel pour sceller l'entente, c'est qu'ils sont vraiment animés par le souci de vivre ensemble dans la paix.

N.V : A Garango, les populations ont posé, entre autres problèmes, celui des pièces administratives. Qu'en est-il exactement ?
F.K. : Le problème de papiers des habitants de Garango et des autres villages peuplés par les frères venus du Burkina Faso est un problème préoccupant. En 1995, pour avoir les voies de ces populations, le régime PDCI a procédé à une naturalisation collective. C'est inédit dans le monde entier. Partout, la naturalisation est un acte individuel. Le citoyen d'un autre pays veut avoir la nationalité de son pays d'accueil. Il doit remplir un certain nombre de conditions et faire une démarche. Il adresse une demande de naturalisation et l'Etat accepte ou pas. Je sais aussi que, quand un individu est naturalisé, ses enfants mineurs bénéficient automatiquement de la nationalité alors que ses enfants majeurs sont soumis à la même démarche que leur père. Mais prendre les habitants de villages entiers et leur dire : A partir de maintenant, vous êtes tous citoyens de ce pays?, c'est la première fois que je vois cela. Il faut souligner que, dans ces villages, avant 1995, il existe des personnes qui avaient suivi la démarche normale et ont obtenu la nationalité ivoirienne. Ceux-là n'ont aucun problème. Chacun a son décret individuel de naturalisation. Le problème se pose quand des personnes se présentent avec une brochure épaisse éditée par le quotidien Fraternité Matin en 1995 où se trouve une liste de noms de personnes naturalisées. Ces derniers temps, il a été détecté des cas de fraude. Des personnes rééditent ce document, y biffent des noms les remplacent par d'autres. Ils reprennent parfois touteune page. Le mal s'aggrave parce que les services qui les reçoivent n'ont même pas la version originale. Cette négligence est coupable. On a vu des cas portés à la justice. Alors il faut faire attention. Il faut que les populations concernées dénoncent ces faussaires pour démanteler le réseau sinon ça discrédite tout le document et ce sont elles qui payent les conséquences. J'ai bonne foi que quand la paix va revenir, ce problème va trouver une solution. Moi en tant que fils de Bouaflé et donc le frère de tous ces gens concernés, je ferai ce que je peux pour que les autorités compétentes s'y mettent. L'administration est une continuité. Cet acte a été posé au nom de l'Etat de Côte d'Ivoire. On est obligé d'honorer la parole de l'Etat. Donc, il faut reprendre les choses et les faire dans les règles de l'art pour que chaque personne concernée puisse avoir son décret individuel.

Interview réalisée par Dan Opéli

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