mercredi 11 avril 2007 par Notre Voie

Le 7 avril dernier, le Secrétaire général de la Présidence, M. Amédée C. Bilé, a lu, devant un parterre de journalistes, la composition du premier et supposé dernier gouvernement du nouveau Premier ministre Guillaume K. Soro. Quelques semaines auparavant, les nombreuses spéculations des journaux ivoiriens sur ledit gouvernement avaient fini par avoir raison de la raison humaine. Car, pour une fois, et dû au contexte politique surmédiatisé, chaque Ivoirien, vieux ou jeune, Patriote ou ex- rebelle, exilé ou résident, croyait en sa chance de devenir ministre. Normal donc que tout le monde voulût vérifier si le nom d'un très proche parent, à défaut du sien, n'était pas en lice. Aussi, l'Accord politique de Ouagadougou (AO), commanditaire du gouvernement attendu, méritait l'épithète de messianique. Puisque l'échec dudit gouvernement avait déjà été enseveli dans les tabous et écarté des probabilités pour ses effets cataclysmiques.
Par ailleurs, les deux ex-belligérants, qui avaient le mérite d'être les signataires de l'AO suite au conciliabule dénommé Dialogue direct?, avaient décidé de porter sur leurs seules épaules la croix expiatoire des péchés de la guerre. C'est pourquoi après l'entente de Ouaga I, le camp présidentiel et les Forces Nouvelles avaient convenu par la signature de Ouaga II, non seulement de l'ossature du gouvernement, mais aussi d'en être les principaux gestionnaires, et ce par responsabilité de fait et imputabilité de droit. C'est ainsi que Gbagbo et Soro sont devenus les seuls redevables au peuple, au bout des dix mois du mandat du nouveau gouvernement. C'est pourquoi, malgré les récriminations politiques d'autres acteurs de la scène politique ivoirienne, la population voyait d'un bon ?il que le gouvernement attendu soit conforme à l'attente signifiée des deux signataires, en l'occurrence un conseil de technocrates chargés, tout en remettant l'économie sur pied, d'organiser les élections présidentielles de façon libre, ouverte et transparente, dans la bonne gouvernance. Conséquemment, en étant hors du gouvernement, les partis politiques seraient libérés totalement pour leurs campagnes électorales et, plus capital encore, ils seraient coupés de tout réflexe conflictuel d'intérêts partisans dans la gestion des deniers publics. Comme déjà connu en pareilles circonstances dans un ancien gouvernement de partis dit de Marcoussis! Mais jusqu'au dernier moment du jour J, les rumeurs avaient couru à l'effet que la configuration gouvernementale avait différé de sa formule originale. Mais à quel degré ?
Voilà pourquoi la publication du gouvernement du Premier ministre Soro, prit, le 7 avril 2007, une importance déraisonnable. Finalement à la lecture de M. Bilé, le gouvernement attendu était inattendu : 36 ministres du précédent gouvernement (Banny II), moins 9 partants et on obtient 27 anciens ministres restés au (nouveau) gouvernement. En ajoutant les 6 nouveaux entrants dont le Premier ministre lui-même, le résultat de l'opération est de 33 membres provenant d'une bonne dizaine d'unités politiques différentes. Toute une surprise, car les défis anticipés pour appliquer l'AO n'avaient pas la lourdeur afférant à une telle mosaïque d'intérêts partisans. Même dans l'hypothèse que l'intérêt supérieur de la Nation recommanderait à tous une seule vision, celle du succès au bout du parcours vers la paix, les défis reliés aux aléas des dix mois de Soro deviendraient, par euphémisme, des paris impérieux. C'est-à-dire des obligations de résultats. Sciemment contractées et assurément circonvenues par le duo Gbagbo-Soro ? Sans doute !
Le premier pari du gouvernement Soro (GS) est de réussir à faire du conseil des ministres partisans, autrefois caricaturé en panier de crabes, de scorpions et de crapauds, un bloc républicain cohérent, et ce, avant et pendant la campagne électorale.
Le deuxième pari du GS est de faire de Soro, l'ex-chef rebelle, un Premier ministre de tous les Ivoiriens. D'autant plus que son gouvernement de 32 ministres est majoritairement composé de membres du groupe politique de l'opposition dit G7 (19 ministres contre 13 pour la mouvance présidentielle?). Un G7 auquel Soro se déclare lié (et cautionné) sur le plan moral et politique.
Le troisième pari du GS est que celui-ci fasse siennes les préoccupations légitimes des groupes d'intérêt étonnamment absents au Conseil des ministres, tels les jeunes Patriotes, le Congrès national de la résistance pour la démocratie (CNRD) et la société civile (1 ministre).
Le quatrième pari du GS et du Président Gbagbo est de limiter à un épiphénomène le changement apporté, sous pression de l'opposition politique, à l'ossature initiale du gouvernement signée dans Ouaga II. Afin d'éviter d'en faire un précédent ouvrant la voie à la renégociation de fait et continuelle de l'AO, avec ce que cela comporte de dilatoire pour la tenue des élections à la date sursise.
Le cinquième pari du GS est de légitimer auprès de la majorité de la population, la place de Soro à la primature, dans le présent contexte de multiplication à sens unique des caravanes de la paix pour demander à la population victime de la guerre de pardonner, sans aucune caravane de la paix initiée dans l'autre sens, celui des offenseurs parcourant les contrées pour demander pardon à ceux qui doivent pardonner.
Le sixième pari du GS est de ne pas entailler, outre mesure, la Constitution dans la présente situation où, faut-il le reconnaître, des ex-rebelles gouvernent, non pas par mérite de droit, mais par nécessité de fait due à leurs armes. Peut-être que le retour à la normalisation démocratique de tout le contexte actuel d'après-guerre exige des réformes constitutionnelles et donc l'avènement de la IIIème République !

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023