mercredi 11 avril 2007 par Le Temps

Les zones de confiance en Côte d'Ivoire sont devenues des lieux de non droit où vols viols et agressions sont monnaies courantes. Le Temps ? s'est rendu à N'Gatadolikro pour s'imprégner des réalités de cette zone. Récit. Deux jours à N' Gatadolikro. C'est l'aventure qu'a entamé une équipe de reportage du quotidien le "Temps". Village situé entre Tiébissou et Djébonoua et érigé en zone de confiance depuis le débarquement des soldats français en Côte d'Ivoire en 2003. Aujourd'hui, N'Gatadolikro vit une situation des plus malheureuses, où la confiance a plutôt fait place à la méfiance, à la défiance. C'est en effet, dans cette bourgade de près de 500 âmes que je me suis rendu pour explorer les réalités quotidiennes qui meublent aujourd'hui son histoire et celle de ses habitants. Il est dix heures, ce mardi 16 janvier, lorsqu'à 15 heures, à la petite gare de Bouaké, adossé au bâtiment du Palais présidentiel de Yamoussoukro, non loin du marché, le mini car, à bord duquel je me trouvais a démarré. Une heure tout au plus pour découvrir le fameux N' Gatadolikro, zone de tous les trafics, dit-on. Mais pour y arriver, il faut d'abord et avant tout traverser les villages situés le long du chemin. Il s'agit respectueusement de Cerna, Lolobo, Débo, Kongouanou, Manou, Agripi, Tounzuebo, Kondéyaokro...avant d'atteindre le c?ur de N'Gatadolikro. Un village propre, avec des cases bien entretenues. Plus de dix huit boutiques font la fierté de ce petit village. Al' entrée du village, ce sont plus de cent conteneurs qui se trouvent dressés le long de la route, contenant pour certains du coton, pour d'autre sucre et pour d'autres encore des produits dont la nature n'a jamais été identifiée. Un peu plus loin, un barrage de soldats issus du contingent marocain. A quelques pas, dans la broussaille, sont positionnés des soldats français constitués en petits groupes et dissimulés un peu partout. Je prends, comme on le dit, le pouls de la situation en baladant de façon discrète mes regards de chasseur d'informations. Finalement, je décide de m'installer momentanément dans un maquis pour mieux affronter les difficultés qui m'attendent. Là je trouve un groupe de jeunes auquel je me joins avec l'intention de leur tirer le maximum d'information. Pour y arriver, il fallait jouer le bon samaritain. Je m'installe à côté d'eux et leur offre de la boisson alcoolisée (Bière) sans toute fois dire les raisons de ma présence chez eux, en terre étrangère. Parce qu'un enfant m'avait dit de faire très attention aux jeunes du village. "Il Y a beaucoup d'hypocrites chez nous". Me dit le jeunot en guise d'avertissement. Et me promet par la suite de m'aider. En effet, c'est par Kouadio Jean-Marc que je parviendrai à connaître les jumeaux N'Da Kouassi et N'Da Kouadio. C'est aussi par son biais que des amis tels Loukou N'Dri, Gbèklè N'Dri et moi essayerons d'entamer une causette, mais en vain. Je multiplie les actes de magnanimité en faisant commander, encore davantage de boissons. Malheureusement, je n'obtiens rien d'eux. Entre temps, l'information relative à ma présence dans le village était parvenue au chef du village qui m'envoyait, pour la circonstance, une délégation m'informer de sa volonté de me rencontrer quelques instants après. Je mets ce temps à profit pour en savoir sur les activités des forces impartiales. Notamment les contingents marocains et français. N'Gatadolikro, zone de tous les trafics. La situation socio politique de la Côte d'Ivoire serait normale que le village de N' Gatadolikro serait connu sous le sceau de l'anonYmat. Aujourd'hui, comme Guéhibly, à Duékoué et comme Bazra Natis à Vavoua, N' Gatadolikro est tristement rentré dans 1 'histoire des villages qui se partagent le même destin. Présence de soldats étrangers pour dit-on assurer la sécurité et la confiance de ceux qui y vivent. Mais aussi constituer la ligne médiane entre deux ennemis. Aucune activité d'envergure ne peut y être réalisée sans l'accord de ces soldats étrangers et pourtant, les populations sont livrées à elles mêmes. Les agressions, les vols et les viols sont légions selon Loukou N'Dri qui, le c?ur meurtri, n'hésite pas à dépeindre le train quotidien. Dans un discours empreint de vérités et de colère, Loukou N dénonce l'activisme des soldats français. "Ce sont les Français qui torpillent le processus de paix. Quand la guerre a commencé en septembre 2002, il n'y avait pas de zone de confiance. C'est une invention de la France. Aujourd'hui, on paie les pots cassés. Nos s?urs sont violées, nos biens sont volés, nous ne sommes plus libres chez nous." Tance-t-il. En fait, N'Gatadolikro aurait changé de paysage. L'animation de tous les soirs est supprimée. Chaque soir, à partir de 17 heures, les Forces dites impartiales sillonnent tout le village pour rejoindre à 21 heures leur base.
Pour un habitant du village qui a requis l'anonymat, c'est une stratégie pour ces soldats d'amener la population à vie dormir, ainsi, ils pourront s'adonner à c?ur joie aux trafics de tout genre. Au Delà de 22 heures, c'est la: foire à l'insécurité. Ce n'est pas le jeune boutiquier du nom de N'Gbin qui dira le contraire.
Lui qui, quelques jours avant mon arrivé, a été victime d'un vol à main armée. Concernant les gros camions, dès qu'ils arrivent à N'Gatadolikro, les conducteurs se rendent à Tiébissou pour y prendre des documents. Lesquels et au près de qui, aucune réponse claire ne m'a été donnée. La vérité, c'est que ces documents constituent à n'en point douter, des laissez-passer pour ces conteneurs à produits. Un autre jeune me révèlera que ces camions contiennent aussi des produits exploités du sous sol à partir de Séguéla. Faisant donc de N'Gatadolikro, un port sec où toutes les transactions se font nuitamment.

Simplice Zahui
simplicezahui@yahoo.fr
Envoyé spécial

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