mercredi 11 avril 2007 par Le Temps

"Je suis Bah Anne Sandrine, j'ai 33 ans et native de Bangolo. Quand la ville de Bangolo a été attaquée pour la première fois, nous avons réussi à nous échapper pour trouver refuge à Soubré auprès de certains de mes parrains qui y sont planteurs. Quelque temps après, on nous a dit que nous pouvions regagner notre département. Non seulement parce que la guerre était finie, mais aussi on nous a fait croire que nous aurions désormais la protection de l'ONU-CI et de la force Licorne. Mieux, ceux qui nous ont encouragé de revenir ont dit que le département de Bangolo était également décrété "zone de confiance" et qu'aucun belligérant n'y serait admis. C'est donc fort de cette assurance que nous sommes revenus à Bangolo. Mais quelle n'a été notre surprise de voir les gens nous attaquer de nouveau. Quand certains villages ont commencé à être attaqués, mon mari, ma fille et moi avons décidé de nous sauver. C'est ainsi que nous sommes rentrés en brousse. Mais, malheureusement, le jour où nous devrions traverser la voie menant à Duékoué pour prendre l'autre côté de la forêt, nous sommes tombés sur un groupe d'individus puissamment armés. Et comme si Dieu savait faire les choses, ce moment coïncidé avec l'arrivée d'un véhicule, (jeep) à bord duquel se trouvaient deux militaires blancs. Ils sont français, anglais ou d'un autre pays européen, je ne sais pas. Ils nous ont vu entre les mains des gens et ils nous ont dépassé pour stationner à environ l00 m. J'ai vu l'un d'entre eux descendre du véhicule vers nous. C'est en ce moment précis que l'un de nos ravisseurs, dit à son compère de nous éloigner, ma fille et moi de mon mari que les autres tenaient en respect avec leurs armes. Celui qui nous a accompagné à une certaine distance de là ne nous a pas néanmoins brutalisées. Nous avons marché et à 2 km environ, nous avons eu un véhicule qui nous a déposées à Duékoué. C'est là que deux jours après, des gens de chez nous qui fuyaient eux aussi les tueries et les atrocités, sont venus m'apprendre qu'ils ont découvert le corps de mon mari égorgé sur la route. Vu l'ampleur de la situation, ceux-ci m'ont demandé de ne pas revenir sur mes pas parce que les tueurs étaient capables de m'abattre. Si vous me voyez aujourd'hui à Bangolo, c'est parce que c'est chez moi. Les femmes qui ont perdu leurs époux dans les mêmes conditions que moi sont nombreuses ici. Je voudrais profiter de l'occasion que vous me donnez pour dire au Président Laurent Gbagbo de ne pas nous abandonner parce que ces blancs qui sont ici ne peuvent pas assurer notre sécurité". Notons qu'elle a refusé que l'on publie son image parce que la situation sécuritaire est encore trop précaire dans le département de Bangolo.
Pierre Legrand

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