mercredi 11 avril 2007 par Le Temps

Créée par la communauté internationale pour rassurer les belligérants de la crise ivoirienne et l'ensemble des populations, la zone de confiance de Bangolo est devenue un lieu de toutes sortes de tueries massives. Incursion dans une zone que l'on qualifie désormais d'enfer terrestre. Au moment où le débat sur la suppression de la zone de confiance bat son plein, votre quotidien préféré a dépêché une équipe de reportage dans la zone de confiance. Ce, pour mettre le peuple de Côte d'Ivoire en contact direct avec la réalité sur le terrain. Ainsi, partie d'Abidjan le mardi 16 janvier 2007, à 9 h 25, c'est le lendemain, mercredi 17 janvier 2007 à 15 h que ladite équipe a foulé le sol de la ville de Bangolo. Ce, non sans avoir subi d'énormes difficultés liées aux tracasseries routières accentuées par la situation de guerre en Côte d'Ivoire. Ce sont au moins, une trentaine de barrages des FDS que l'on traverse entre Abidjan et cette zone. Le dernier barrage des FDS que certains appellent ironiquement la "frontière" est situé un peu au-delà du village de Guitrozon, dans la commune de Duékoué. A 500 m de là, se trouve le premier barrage des Forces impartiales chargées de la surveillance de la zone de confiance. L'unité qui tient ce poste est essentiellement composée de soldats Pakistanais qui y régulent la circulation, armes aux poings. Ne parlant ni l'anglais ni le français, ces soldats sont confrontés à une difficulté de communication qui ne dit pas son nom. Les usagers de cette route savent seulement qu'ils peuvent descendre pour traverser le barrage. Aucun contrôle d'identité n'y est fait. Ce qui est déjà une porte ouverte à tous les malfrats et autres bandes armées qui sèment de plus en plus a terreur dans la zone de confiance. Bangolo ou l'enfer terrestre
Département situé à environ 515 km d'Abidjan, dans la région des 18 montagnes, c'est en 2003 que Bangolo a été décrété zone de confiance par la communauté internationale. Ce, à la faveur de cette crise qui secoue la Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002. Ladite zone part du village de Fengolo, premier village de Bangolo, en provenance de Duekoué et s'arrête dans le village, de "petit Bangolo", non loin de la sous-préfecture de Logoualé. Mais plus qu'une zone de confiance qui devrait inspirer assurance et sérénité aux populations, et même servir de refuge aux personnes dont les vies sont menacées, c'est à une zone de mort que l'on a droit. Les agressions, les coupures de route et autres tueries y sont désormais money courante. Témoignages des populations qui ne veulent plus voir la zone de confiance et les Forces impartiales dans leur département. Le premier témoin, qui est natif de Bangolo mais qui a requis l'anonymat pour plus de sécurité, n'est pas passé par quatre chemin pour dénoncer la complicité entre la Force licorne et les rebelles qui sévissent actuellement dans la zone de confiance dont il réclame à cor et à cri la suppression. Selon lui, cette zone n'a plus sa raison d'être à cause du comportement de la Force française. Voici ce qu'il dit. " Le jour de l'attaque de village de Bôhô II, nous avons surpris un soldats français de la licorne en pleine action. C'est lui qui distribuait les munitions aux Burkinabé, Dozo et autre rebelle venus nous massacrer. Ce jour-là, 6 personnes ont été tuées dans le village et plusieurs maisons ont été incendiées ". Très sûr de sa révélation, il ajoutera: " Avant l'attaque, à proprement parler, des soldats de la force Licorne sont venus nous demander ce que nous faisions encore dans le village alors que nos frères du village voisin s'étaient déjà sauvés. Ils ont même cherché à savoir celui qui nous protège dans cette guerre ". Au dire de ce monsieur d'environ 45 ans, la Force licorne est dans un de al avec les coupeurs de route et tous ceux qui attaquent les villages nuitamment. Chose bizarre, raconte l'interlocuteur du jour, c'est que les rebelles continuent d'occuper les villages de Douékpé et de Diéhouzon pourtant situés en pleine zone de confiance. M Taépkan Gbo Gaston, chef du village de Bôhô I, dans le canton Guinglo-Zibiao ne dit pas autre chose. Mais il se montre plus amer que son prédécesseur contre l'existence de la zone de confiance. Ce sexagénaire affirme haut et fort son hostilité au maintien de la zone de confiance. Parce qu'il estime que c'est à cause de cette zone que les Français et les rebelles continuent de sévirt. "Nous vivions paisiblement notre petite vie ici. Les rebelles sont venus nous attaquer et nous avons fui. Mais on nous a dit de revenir. Ce sont ces mêmes personnes qui nous ont demandé de revenir qui nous attaquent aujourd'hui". A la question de savoir s'il avait au moins une preuve de toutes ces affirmations, le Chef Taépkan fera la révélation suivante: "Ceux des burkinabé et autres malfrats qui nous massacrent sont armés par la Licorne. Là où elle fait croire que les dozos sont mieux organisés et qu'ils peuvent conserver leurs fusils de chasse, la Licorne envoie des soldats qui cassent les portes de nos maisons pour prendre nos calibres 12 et les redistribuent aux ennemis. Ainsi, quand ils arrivent la nuit, nous ne pouvons plus nous défendre. Et bonjour les massacres ". En tant que premier responsable d'un village qui a été touché par la barbarie meurtrière des terroristes, M. Taepkan en sait beaucoup de chose et a voulu les mettre à la disposition des autres Ivoiriens. C'est pourquoi il dira ceci: "Quand les rebelles nous tuent, les blancs prennent des films et ne disent rien aux rebelles. Au contraire, ces massacres les amusent". Le vieil homme estime que, ce sont des crimes bien organisés et bien planifiés, étant donné que des soldats français déguisés en dozo et bien encagoulés ont participé aux tueries du village de Bôhô II, où un autre soldat français, répondant au nom de Eric a été surpris en pleine action de crime avec une partie du bras sectionné d'un villageois tué, à la main au cours de ladite attaque. Les habitants du village de Behoué qui ont été eux aussi victimes de cette barbarie ne cachent pas également leur colère contre la zone de confiance qu'ils disent être un mouroir pour le peuple Wê, à cause des agissements des militaires français. Selon ces paysans dont le village est situé à 5 km de Bangolo, c'est à partir de Béhoué que l'implication de la Licorne dans les différentes tueries a été véritablement découverte. Il y a 15 jours, racontent-ils, des individus suspects ont été appréhendés non loin du village. L'un d'entre eux n'a pas hésité à passer aux aveux en affirmant qu'ils ont été déposés à cet endroit par les soldats français qui avaient promis de revenir leur donner des consignes fermes. Au regard de ce qui précède, les populations de Bangolo réclament le retour des Forces loyalistes, dans leur ensemble. "Quand deux personnes se battent et qu'on vous appelle pour les séparer, vous vous mettez au milieu, vous ne prenez pas fait et cause pour une partie. Les forces françaises et les autres ne l'ayant pas compris, se doivent de quitter notre pays pour nous libérer". Les gens de Bangolo reconnaissent néanmoins,. et ce avec sincérité, l'innocence des Burkinabé qui vivent avec eux depuis des années. Ceux-ci ayant des intérêts dans la région, ils refusent de participer aux tueries. Ils soutiennent que les agresseurs et les criminels viennent de Vavoua et de Kouibly. M. Tahi Bah Jean, chef du canton Zagna ne décolère pas contre les agissements des agresseurs et de leurs alliés vis-à-vis du peuple wê. Cet autre sexagénaire ne comprend pas pourquoi les gens continuent de massacrer le peuple wê alors qu'on dit que la guerre est finie et que le département de Bangolo est décrété zone de confiance. "La souffrance de notre peuple est énorme. A cause des atrocités commises sur les populations, certains cantons se sont vus vidés de ses habitants. C'est le cas par exemple du canton Zarabaon où tous les villages sont jusqu'à présents déserts. Dans ce canton situé en pleine zone de confiance, les allogènes y tiennent encore des barrages. Mois, en tant que chef de canton, je trouve cela inadmissible". Autre grief qui justifie la colère de ce chef de canton, selon ses dires, c'est le quitus que les forces impartiales et licorne donnent aux allogènes à conserver leurs armes là où elles arrachent celles des autochtones. Le Chef Tahi Bah se dit d'accord avec l'idée du chef de l'Etat de supprimer la zone de confiance. Pour cela il suggère que cette mesure soit accompagnée par le redéploiement immédiat des Forces de défense et de Sécurité ivoirienne qui maîtrise parfaitement les réalités du terrain. Il faut signaler que nos efforts pour donner la parole aux Forces impartiales en général et en particulier à la force licorne pour dire sa part de version quand aux accusations portées contre elle, se sont avérés vains. Nous nous sommes d'abord adressé au contingent de l'ONU CI, composé essentiellement de Pakistanais. Mais ces derniers nous ont orienté vers une autre unité de police dénommée UNIPOL pour évoquer avec elle les questions liées à la sécurité de la zone. C'est ce que nous avons fait. Mais là, c'est à une fin de non recevoir que l'on nous brandit. Nous nous sommes dirigé alors vers la force Licorne pour avoir sa version sur les accusations portées contre elle. Là aussi, nous nous sommes heurtés au refus du Chef de Division qui nous a orienté vers le porte-parole de la force Licorne basé à Man. C'est ce que nous faisons. Mais ce dernier, comme son prédécesseur a demandé au journaliste de s'adresser au Colonel Charles de Kasserbiec, porte-parole de l'armée française en Côte d'Ivoire et basé à Abidjan. Voici la réponse de l'officier supérieur que nous n'avons pas hésité à appeler au téléphone. " Nous ne pouvons pas vous répondre étant entendu que la Force licorne est dans la zone de confiance en soutien à l'ONU-CI. C'est à elle que vous devez-vous adresser. Même les précisions que nous avons faites sur les accusations directes portées contre Licorne n'ont pu fléchir sa position.

Dossier réalisé par Pierre Legrand
Envoyé spécial à Bangolo
Legrand07539420@yahoo.fr

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