jeudi 12 avril 2007 par Le Nouveau Réveil

Le Festival international de la liberté d`expression et de la presse (FILEP) qui a ouvert, hier, à Ouagadougou se veut une tribune de défense du droit à l`information du public et surtout de la liberté d`opinion et d`expression. A ce rendez-vous continental, le président du Groupement des Editeurs de Presse de Côte d`Ivoire (GEPCI), M. Denis Kah Zion y est au nom des média et du public ivoirien, a donné un message fort à l`endroit de tous les partenaires de l`information. Voici l`intégralité de son intervention devant ses pairs venus de tous les pays de l`Afrique. Chers frères et s?urs, invités au Festival International de la Liberté d`Expression et de la Presse FIPEL 2007, en notre qualité de Président du Groupement des Editeurs de Presse de Côte d`Ivoire (GEPCI), nous sommes particulièrement heureux et doublement honoré de nous retrouver en terre burkinabé, cette terre si proche, mais parfois si lointaine, compte tenu des aléas de la vie.

Heureux et honoré, car être convié à un festival de ceux que l`on nomme "les griots des temps modernes", "la voix des sans voix", "le quatrième pouvoir" pour signifier leur importance dans la société atteste que vous n`êtes pas ignoré, surtout pour un pays en guerre tel que le nôtre, la Côte d`Ivoire, sur le plan international ; en d`autres termes, cela signifie que vous existez.
Heureux et honoré nous le sommes, car depuis le 04 mars 2007, le Burkina Faso, aux destinées desquelles préside S.E.M Blaise COMPAORE, est devenu la terre d`espoir et d`espérance pour les Ivoiriens. Pour sûr, vous êtes sans ignorer, chers invités à ce festival FIPEL 2007, que c`est sur cette terre des hommes intègres qu`a été signé l`Accord de Ouagadougou qui, toute la sous-région l`espère, mettra fin au désordre carnassier en Côte d`Ivoire.

Nous ne pouvons, même en tant que simple ivoirien, nous retrouver dans ce pays qui aura joué un grand rôle dans le rapprochement entre des frères ennemis internes et externes, sans rendre hommage au peuple burkinabé; à plus forte raison, en tant qu`acteur et témoin privilégié de la crise ivoirienne de par notre qualité d`Editeur de presse.

Chers organisateurs de ce festival FIPEL 2007, vous avez choisi pour le thème de cette rencontre, "Sauver la liberté d`expression et de la presse pour renforcer la démocratie". Tout un programme. En fait, pour avoir à sauver quelque chose, il faut, bien sûr, préalablement que cette chose ait existé. Voici pourquoi, notre attention aura été focalisée par la citation qui accompagne ce thème, "Pour jouir de sa liberté, il faut d`abord vivre" d`une référence, d`une sommité, d`un monument, pour tout dire, le symbole immortel de la quête fouineuse de la liberté, non seulement de la presse, mais de l`expression dans sa globalité.

Oui, Norbert ZONGO est un symbole. ZONGO Norbert rappelle à la mémoire collective ce que bon nombre de gouvernements africains pensent de l`opposant. Pour nos gouvernants qui parviennent au pouvoir dans des conditions peu glorieuses, un journaliste dialectique, qui fait preuve d`esprit critique, un journaliste d`investigations est un opposant. Et pour ces dirigeants au parcours sinueux et douteux, ennemis de la démocratie, pour ne pas dire, fascistes et dictateurs, il n`y a de bon opposant que d`opposant mort. On pourrait extrapoler en ajoutant que, pour tout despote, un bon journaliste est un journaliste qui "se la boucle". N`est-ce pas, pour avoir refusé le bâillon, que Norbert ZONGO n`est plus de ce monde? Croyez-nous, chers amis, réunis ici à ce 2ème festival international de la liberté d`expression et de la presse , il n`y a pas qu`au Burkina Faso qu`existent des Norbert ZONGO. Chez nous, en Côte d`Ivoire, pendant cette crise qui dure depuis le 19 Septembre 2002, les journalistes ont été victimes de l`incompréhension, de la barbarie et de la folie des hommes. Ainsi sont tombés sous des balles assassines, GONZREU, représentant de l`Agence Ivoirienne de Presse (AIP) à Toulepleu ; Antoine MACE, correspondant du quotidien "Le Courrier d`Abidjan", également dans l`ouest ivoirien ; Jean HELENE, Correspondant RFI en Côte d`Ivoire, en plein Plateau à Abidjan, une balle logée dans la tête par un policier instrumentalisé ; Guy André KIEFFER, journaliste Franco-canadien, spécialisé dans la filière café-cacao, porté disparu depuis le 16 Avril 2004 en Côte d`Ivoire. Ce dernier était un journaliste d`investigations et très critique, à l`image de Norbert ZONGO ; Bien évidemment, il ne pouvait être perçu comme un bon opposant. Et un bon opposant ne doit être qu`un opposant qui se tait pour toujours. C`est ainsi que dans la logique de casser de l`opposant, des journalistes et des entreprises de presse ont souffert l`enfer, en 2004 principalement : bureaux saccagés, rédactions incendiées, journalistes molestés, filés, traqués, gardés à vue, embastillés.

Chers amis invités, Nous faisons tous ces rappels douloureux, comme nous nous souvenons de Norbert ZONGO, juste pour dire, en rapport avec le thème que vous avez choisi " Sauver la liberté d`expression et de la presse pour renforcer la démocratie ", que la liberté d`expression et de la presse, pour ne pas dire la liberté tout court, s`acquiert et se conquiert. C`est une quête fondamentale et un acquis presque divin, la liberté d`expression et de la presse. C`est pourquoi, tout gouvernant, sous tous les cieux, cherche à contrôler la presse. Car, aussi évident " qu`après le pain, l`éducation est le premier besoin du peuple ", nous pourrions aussi ajouter que, de nos jours, la presse est devenue aussi vitale que le pain pour le peuple, car si ce peuple est trompé par abonnement par les écrits du journaliste, il devient le complice de ceux qui l`égarent et le martyrisent, parce que tout simplement la liberté a ses racines dans le c?ur du peuple. Or, nous le savons, " le premier arbre de la liberté a été planté par Dieu même sur le Golgotha. Le premier arbre de la liberté, c`est cette croix sur laquelle Jésus-Christ s`est offert en sacrifice pour la liberté , l`égalité et la fraternité du genre humain ". C`est pourquoi, en communion, la notion de liberté est une donnée fondamentale qui ne saurait être confondue avec libertinage et gribouillage de torchons. L`exigence de droits va de pair avec l`exigence de devoirs. C`est ce que les journalistes ivoiriens ont compris dans leur combat pour libérer l`expression et la presse après le retour au multipartisme en Côte d`Ivoire. Très tôt, des espèces de garde-fous par des organes d`auto-régulation ont vu le jour dont l`Observatoire de la Liberté de la Presse, de l`Ethique et de la Déontologie (OLPED) créé en 1995. Nous sommes heureux de saluer l`un des fondateurs de cet organisme gendarme de la Presse Ivoirienne, le Past Président Alfred DAN Moussa, ici présent parmi nous. Aujourd`hui, si les journalistes ivoiriens ont pu obtenir la loi 2004 sur la presse dans laquelle il est nettement inscrit la dépénalisation des délits de presse, c`est parce qu`ils auront préalablement pris conscience que pour sauver la liberté d`expression et de la presse, il leur fallait inscrire leurs actes et attitudes dans une contrainte de positivation de la notion de liberté, en tenant compte de l`environnement sociétal, et ayant à l`esprit que la presse bâillonnée conduit inéluctablement à l`inertie et à l`asphyxie du peuple, parce que " le progrès de l`opinion armée de la presse est devenu irrésistible ". Mesdames et Messieurs les invités à ce festival FILEP 2007, dans ce village planétaire où l`avenir n`est plus demain, mais commence dès aujourd`hui, nous nous réjouissons, au Groupement des Editeurs de Presse de Côte d`Ivoire (GEPCI), du choix du thème d`autant que la démocratie comme la liberté sont des quêtes inlassables. Et nous avons remarqué que dans l`exécution du festival FILEP 2007, il est prévu une procession de piété, de souvenir, de ressourcement sur la tombe de Norbert ZONGO. Et depuis notre voyage d`Abidjan à Ouagadougou, il nous est collé à la pensée, comme les oreilles collées à la tête, cette maxime ancestrale immuable : les morts ne sont pas morts ! Et pour nous, hommes des média, Norbert ZONGO n`aura pas vécu inutile, donc il n`est pas mort. Son combat fut celui de briser les fers de la servitude qui englue le peuple, car la vérité qu`il recherchait inlassablement, est mère de la liberté. Aimer la liberté et la vérité, c`est aimer Dieu. En souvenir de Norbert ZONGO donc, nous sollicitons votre indulgence pour citer ces quelques mots de Chateaubriand, ce seront d`ailleurs les derniers de nos propos : " La liberté est le sentiment des âmes élevées : elle produit les grandes actions, crée les grandes patries, et fonde les institutions durables ; elle se plaît dans l`ordre et la majesté ; elle s`allie avec tous les gouvernements, en dehors du despotisme ".
Je vous remercie

Denis KAH ZION
Président du Groupement des Editeurs de Presse de Côte d`Ivoire (GEPCI)

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