jeudi 12 avril 2007 par Nord-Sud

Un tract circule depuis quelques jours dans les casernes, appelant à un soulèvement des Baoulés contre le processus de paix. Menace réelle ou manipulation politicienne ?

Les services de renseignements militaires sont sur les dents. Un tract circule depuis environ trois jours dans les rangs de la troupe, qui appelle les militaires baoulé à une solidarité ethnique en vue d'actions à entreprendre. Ce tract, que nous nous sommes procuré, est particulièrement virulent. Il évoque les massacres des Baoulés par les Guérés et les Wobés à l'Ouest de la Côte d'Ivoire et critique l'administration ivoirienne qui procède à une dé-akanisation? de ses cadres, notamment les Baoulés. Il poursuit ensuite pour pourfendre l'exclusion dont seraient victimes les intellectuels membres de ce groupe ethnique lors des concours administratifs. Pour les rédacteurs de ce document séditieux, le pic de la chasse au Baoulé a été atteint avec le limogeage de Charles Konan Banny de la primature, alors que ce dernier est membre d'un groupe ethnique qui pèse plus de la moitié de la population ivoirienne. C'en est trop pour eux ! Ils appellent la gente d'arme appartenant à cette ethnie à se mobiliser, en appui avec les cadres et la chefferie traditionnelle, pour mettre fin aux souffrances des Baoulés en Côte d'Ivoire.

Nos contacts dans les milieux, qui nous ont permis d'entrer en possession de ce document, sont formels : il produit un malaise chez leurs frères d'armes Akan. Pour en savoir davantage, nous avons essayé d'entrer en contact avec le général Mangou. Son aide de camp, qui avait la garde de ses téléphones, a promis que son patron nous rappellerait. Malheureusement, cela n'a pas été fait. Les colonels Zadi Nadjé (chef de cabinet) et René Kokou Sacko (chef du Cciat) ont également été appelés, sans succès.
Ce n'est pas la première fois que des tracts circulent dans notre armée, appelant à une solidarité ethnique, chaque fois qu'il y a une modification de la donne politique ou militaire. Quand le général Doué a été limogé, un tract a circulé, criant à la chasse aux cadres de l'Ouest. Il a rappelé le remplacement des généraux Bombet Denis, Dekassan Théodore, Touvoly Bi Grégoire. Ce n'est donc pas une innovation. En sus, nous estimons, ce document doit être pris avec des pincettes. En effet, au moment où le départ du Premier ministre Charles Konan Banny continue de susciter une certaine émotion auprès de ses proches, il est fort probable que quelques individus essaient de capitaliser les ressentiments inévitables exprimés çà et là. Des personnes peuvent bien se mettre en idée de capitaliser aujourd'hui l'élan de sympathie créé autour de Banny par ses compatriotes du Centre, pour en faire leur arme politique. Une arme facile à utiliser car, chacun sait qu'en politique, plus quelqu'un se sent martyrisé, plus il est facile de l'enrôler dans une cause. Dans ce cadre, l'on voudrait utiliser Banny et le paisible peuple Baoulé comme argument de campagne électorale. Le danger d'une telle pratique, c'est d'y mêler les militaires.

Peut-être aussi que l'on a fabriqué ce tract de toutes pièces comme une torpille pour abattre Banny ou du moins l'affaiblir en le présentant comme un perturbateur tribaliste. Qui veut se servir des ressentiments de sa tribu comme levain de son action politique. Cette idée peut être mise en ?uvre aussi bien par le pouvoir, via ses services de renseignements, que par les adversaires proches de Banny qui n'ont pas intérêt à ce qu'il émerge trop. Dans tous les cas, les enquêtes sont en cours pour appréhender les auteurs de ce tract inutilement nocif au moment où le pays aspire à retrouver son unité après quatre années de guerre.

Touré Moussa

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