jeudi 12 avril 2007 par Le Matin d'Abidjan

Née dans les années 90, la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI) a compté dans ses rangs des personnes qui se retrouvent aujourd'hui dans tous les secteurs de la vie socio-économique, politique et culturelle du pays. Y compris dans les plus hautes sphères de l'Etat. En vue de réactiver la fraternité entre ''parents'', ils ont décidé de mettre sur pied un cadre de retrouvailles. Le président du comité, M. Richard Diaho, enseignant de profession, lève les équivoques dans cet entretien.

M. Richard Diaho, vous initiez la mise sur pied d'une amicale des anciens de la FESCI. Peut-on savoir à quel besoin cela répond et quels sont les objectifs que vous vous assignez ?
Comme vous le savez, la FESCI occupe aujourd'hui l'actualité politique au moment où le pays sort de la crise avec l'accord de Ouagadougou. Et cela, notamment avec la nomination de Guillaume Soro à la Primature et l'ascension de Blé Goudé au niveau de la galaxie patriotique ; deux anciens de la FESCI qui doivent donner l'exemple dans cette sortie de crise. En tant qu'anciens du mouvement, nous avons pensé que nous avons un rôle à jouer dans le sens du raffermissement du processus de paix. Il faut le reconnaître, des clivages sont nés de la crise du 19 septembre 2002 et même bien avant, et nous pensons qu'il faut aujourd'hui les dépasser. Cela passe par la création d'un cadre de rencontres permanent. D'où l'idée d'une amicale qui vise à recréer les liens de fraternité, de camaraderie qui nous ont réunis hier. Nous pensons par là rapprocher les parties, et mettre un terme aux clivages et aux frictions nés au cours de cette crise. Je précise que l'association est à but non lucratif. C'est donc une structure qui ambitionne de sceller, célébrer la fraternité et la solidarité.

Votre structure fait penser au MARFES mis sur pied en 2000 pendant la transition militaire et dirigé par les Blé Guirao, Ahipeaud Martial et autres. Y' a-t-il vraiment une différence entre les deux ?
Le MARFES a connu un destin dramatique au sens où les camarades qui, en son temps, l'avaient dirigé n'ont pas su résister aux clameurs des hommes politiques. Nous nous sommes instruits de cette expérience-là. Aussi, nous avons longuement échangé sur l'opportunité de la structure au cours de la toute première réunion que nous avons tenue. Et nous avons, tout en nous imprégnant de l'expérience du MARFES, décidé d'être vigilants pour éviter de nous exposer aux différents appels des hommes politiques. Ce que nous voulons dire, c'est que le contexte est différent. Hier, c'était dans la période du coup d'Etat. Aujourd'hui, nous sommes dans une période où, après tous les accords signés par-ci et là, l'accord de Ouagadougou inspire véritablement confiance. Nous pensons que si le président de la République lui-même est allé conclure un accord de paix avec Soro Guillaume, cela veut dire que la tolérance et le pardon ont triomphé. Nous pensons que dans ce cadre-là, nous pouvons apporter notre pierre à l'édifice, à la reconstruction de la paix. Il faut noter que la structure que nous mettons en place, c'est une amicale. L'autre groupement, ce n'était pas une amicale mais plutôt un mouvement politique. La structure que nous mettons en place, l'Amicale des anciens de la FESCI (2A FESCI), vise à rapprocher les positions. Dans la mesure où, aujourd'hui, beaucoup d'anciens animateurs de la FESCI sont à de hauts niveaux de responsabilité dans l'administration ivoirienne. C'est donc bon de rassembler toutes les compétences en recréant les liens de fraternité, de solidarité. Sachez que pour ce projet là, nous avons la caution de tous les camarades. Donc nous pensons qu'a priori, sans préjuger l'avenir de la structure, elle devrait pouvoir rapprocher toutes les positions. Cette structure se veut donc un cadre de formation syndicale pour la jeune génération de la FESCI. Nous pensons qu'elle devrait être un pont entre la jeune génération et la génération qui a vu naître le mouvement.

Vous vous voulez apolitique. Mais on sait que les anciens de la FESCI sont un peu partout, dans toutes les chapelles politiques. Quelle est votre recette pour transcender tous ces clivages du théâtre politique ivoirien où les cloisonnements sont très tranchés ?
Comme je l'ai dit, c'est un projet. Et le projet va se fonder sur des textes. Cette association se veut apolitique et non confessionnelle. La FESCI est un réservoir qui a formé un certain nombre de cadres de ce pays. Nous pensons aujourd'hui que selon la position que chacun occupe, nous devions pouvoir apporter notre contribution au processus de paix qui est en cours. Et je pense que ce souci là est partagé par beaucoup d'entre nous. Qui pensent que la politique ne devrait pas s'introduire dans cette affaire. Nous sommes donc une structure qui se veut fraternelle et solidaire. Au-delà de la politique, nous sommes des frères, des amis, des camarades. C'est le lieu de recréer l'esprit des cités " U " qui nous faisait nous appeler " les parents ". Ce lien là, la fraternité, on devrait pouvoir le recréer aujourd'hui que nous sommes dans la vie active. Où on a peut-être un peu plus de moyens de s'entraider. Nous, c'est vraiment ça le souci qui nous anime. Et beaucoup de camarades partagent cette idée.

En rassemblant les cadres de la FESCI, est-ce que vous ne donnez pas du grain à moudre à ceux qui pensent que vous aspirez à gérer aujourd'hui le pouvoir ? Surtout qu'un des vôtres est aujourd'hui 1er ministre.
L'idée qui nous meut est seulement celle de la fraternité et de la solidarité. Nous sommes des fils de ce pays et nos frères arrivent aux affaires, ça c'est une bonne chose. Nous nous honorons de ce que certains de nos frères jouent un rôle politique dans le pays. La structure que nous mettons en place n'a pas pour ambition de concurrencer les hommes politiques sur leur terrain.

Quel est l'engouement autour de votre projet ?
Je ne citerai pas de noms. Mais je dois dire que tous les anciens ont été contactés à tous les niveaux. Des médecins, des cadres de la police nationale, des cadres de nos différentes régies. Bref, tous les anciens qui ont été contactés ont répondu favorablement.

Parlant des anciens, peut-on savoir de quelle période il s'agit ?
Quand nous disons les anciens, nous faisons allusion à ceux qui sont dans la vie active. Qui ont déjà fini, qui ont leurs diplômes et qui frappent à la porte de la vie active. Les anciens, ce sont les générations antérieures à celle de Koffi Serges. Sur cette base, nous intégrons tout le monde. C'est-à-dire les responsables, les militants, les sympathisants etc. La structure est ouverte à tout le monde, il n'y a pas de barrières, il n'y a pas de critères particuliers pour adhérer à la structure. Les textes sont clairs, pourvu qu'on soit un ancien reconnu de la FESCI.

Que répondez-vous à ceux qui pensent que vous faites plutôt de l'opportunisme ?
Nous ne faisons pas de l'opportunisme. Je pense qu'il faut clarifier les termes. Nous ne sommes pas opportunistes parce que ceux qui nous connaissent savent le rôle que nous avons joué dans l'édification de la FESCI. Donc nous ne sommes pas opportunistes. Nous sommes plutôt opportuns. Nous pensons que aujourd'hui, les anciens que nous sommes avons un devoir à 3 niveaux. Un devoir d'encadrement, donc de formation de la jeunesse qui est sur le campus actuellement et qui est l'héritière de notre lutte. Parce qu'au moment où nous luttions dans les années 92-93, ce n'était pas dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. Donc il faudrait que la FESCI, mouvement auquel notre histoire colle, ne donne plus l'image qu'elle a aujourd'hui. Nous avons le devoir d'encadrer ces jeunes pour que la FESCI retrouve son lustre d'antan. Aussi, nous avons le devoir d'appuyer le processus de paix qui est issu de Ouagadougou. Nous pensons qu'à notre humble niveau, c'est ce cadre là de rapprochement, libre de toute colorisation idéologique et politique en recréant la fraternité au travers des actions, des activités socio-culturelles, des galas, des sorties détentes. Et à un troisième niveau, nous pensons qu'aujourd'hui, beaucoup de nos camarades qui sont à des postes de responsabilité ont eu par le passé des frictions entre eux. Nous pensons que ce cadre là pourrait être un cadre de réconciliation et de retrouvailles entre ces camarades là. La politique, aussi bien que le syndicalisme, même si cette structure-ci ne se veut ni politique ni syndicale, est donc la saine appréciation des réalités du moment. Aujourd'hui, nous sommes à l'heure du rapprochement, nous sommes à l'heure de la réconciliation, du retour de la paix. Nous voulons donc apporter notre pierre à l'édification de ce processus-là.

A quand la tenue de l'AG constitutive ?
Nous sommes en train de prendre les contacts. Et nous pensons que nous ne pourrons pas annoncer concrètement une date. Mais, c'est dans un avenir assez proche quand même. Que tous restent à l'écoute, nous les situerons très bientôt. C'est le lieu pour moi de lancer un appel à tous les camarades qui se reconnaissent dans la FESCI. Tous les camarades qui sont des transfuges de ce grand mouvement estudiantin. Quel que soit le poste de responsabilité qu'ils occupent, je voudrais donc les inviter à rejoindre le mouvement. Je sais que certains camarades sont en train de s'organiser pour la même cause ; je souhaiterais que ces camarades se joignent à notre action, pour que de façon synergique, nous puissions la mener jusqu'à son terme.

Interview réalisée par
Yves De Séry
Coll. Kady Traoré
(stagiaire)

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