jeudi 12 avril 2007 par Le Matin d'Abidjan

Même à quelques petits jours de sa retraite politique, le locataire de l'Elysée n'en finit pas de conspirer. L'accord de paix lui est resté de travers, et ses réseaux sont en branle, pour un travail de sape.

Cela s'appelle fouetter l'égo d'une personne. L'Elysée qui n'en finit pas de prendre ombrage du dialogue direct, procède à son sabotage. La cellule africaine de l'Elysée est prise de court. Elle a espéré que des couacs surviendraient à la formation du gouvernement Soro. En vain. De guerre lasse, la Chiraquie tente de dresser la rébellion contre le camp présidentiel. Et c'est la presse publique française qui est commise à la basse besogne. C'est ainsi que l'opinion peut décrypter cette dépêche en date d'hier mercredi, qui fait passer la rébellion pour les dindons de la farce. Le titre du papier en dit long sur la conspiration mise en ?uvre : ''Gbagbo consolide son pouvoir et pense aux élections''. A en croire l'AFP, la composition de l'équipe gouvernementale est la voie ouverte à la réélection de Laurent Gbagbo. Pas que cette voix de la France officielle reconnaisse enfin la prédominance du chef de l'Etat sur ses adversaires. Loin s'en faut. A demi mot, cette caisse de résonance du Quai d'Orsay rappelle à l'ordre le MPCI. " Alors que l'accord de Ouagadougou promettait un partage des pouvoirs entre MM Gbagbo et Soro, nombre d'observateurs à Abidjan estiment que le très roué président a d'ores et déjà pris l'ascendant sur le jeune leader rebelle avec la formation du nouveau gouvernement, qui a vu le camp présidentiel renforcer ses positions en s'emparant de deux ministères sensibles : l'intérieur et la défense ", commente l'agence de presse. L'allusion est des plus claires : la dépêche décrypte une mainmise de Gbagbo sur des pans de pouvoirs qu'a contestés l'ancien Premier ministre. L'AFP le clame d'ailleurs, sans ambages : " On reste dans le même schéma de partage politique avec un centre de gravité qui a glissé vers le camp présidentiel ", déplore, selon l'agence ''un diplomate occidental''. Un passage qui traduit en réalité la grise mine qui est le lot quotidien de Michel de Bonnecorse et ses amis de l'Elysée. Il faut fouetter à l'envi l'orgueil de Soro, et Paris y va de tout son soûl. Le mois dernier, assure l'AFP, des responsables rebelles assuraient que leur chef devrait disposer de " pouvoirs réels ", mais " il semble difficile de croire que M. Gbagbo ait accepté de partager ses pouvoirs ", conclut l'agence, pour poser la sempiternelle litanie sur ''les pouvoirs élargis''. Un sujet qui n'en finit pas d'emporter les Premiers ministres. Et c'est ce schéma qu'explorent les gouvernants français.

Retourner les combattants contre le chef
Pour ces premiers jets, l'organe de propagande met à nu le désarroi qui s'empare de Chirac et les siens, même à moins d'un mois de leurs adieux à l'Elysée. Mais aussi, la dépêche traduit la volonté du président français sortant et ses réseaux de faire échouer la transition découlant des pourparlers ivoiro-ivoiriens de Ouaga. " Un diplomate européen craint que Soro ne se soit engagé un peu vite ", rapporte l'AFP. Vraisemblablement une voie officielle encagoulée. A Paris, l'on ne fait pas mystère d'un contrat de dupes, dont Soro est le perdant. Et en riposte à Désiré Tagro, le tout nouveau ministre de l'Intérieur qui estime qu' " il n' y a plus de rébellion", l'agence France presse propose une potion à la rébellion. Il faut, conseille-t-elle sous cape, une réorganisation de l'opposition politique autour de Soro, sans doute trop seul pour faire face à Gbagbo, analyse-t-on à l'Elysée. " Soit Soro arrive à fédérer l'opposition, et à prendre des décisions, soit il est condamné à laisser Gbagbo s'organiser", tranche le fameux ''diplomate européen'', consultant politique. Et son collègue, ''un autre diplomate'' de renchérir : "Gbagbo a toutes les cartes, politiques et autres, pour assurer sa réélection. " La hantise de Jacques Chirac dont les réseaux tentent un baroud d'honneur. La man?uvre objecte en outre à faire sortir le RHDP de sa torpeur et hausser le ton pour briser la marche de la transition. Et pour donner une coloration locale à ses appréhensions, la dépêche s'inspire d'un quotidien abidjanais proche de la rébellion : " On a le sentiment que Soro s'est fait avoir, qu'il a offert un boulevard à Laurent Gbagbo pour sa réélection. " Et dans un scenario où le chef du MPCI reste sourd à tous ces appels de pied, l'on lui balance sous le nez, la menace d'une étiquette de traître. Ainsi l'AFP qui avance masquée, cite-t-elle ''des observateurs politiques'', pour qui Soro a "cédé aux sirènes d'un arrangement" avec Gbagbo. Un chantage pour retourner les insurgés contre leur chef. En attendant, il faut fouetter l'orgueil du patron de la rébellion, et le décider à nier ses engagements, telle est la bonne vieille méthode qui est utilisée. Et l'on peut gager que le passage à témoin est ainsi fait. D'autres canaux vont relayer le message qui vise à mettre en péril l'application de l'accord de Ouaga.

Guillaume N'Guettia

Gbagbo consolide son pouvoir et pense aux élections
Le président ivoirien Laurent Gbagbo semble avoir consolidé son pouvoir avec la formation du nouveau gouvernement, pourtant mené par le chef de la rébellion Guillaume Soro, et peut désormais espérer remporter les futures élections comme il l'entend, estiment les analystes. Après plus de quatre ans de crise et de statu quo depuis la tentative de coup d'Etat des rebelles contre M. Gbagbo en septembre 2002, l'histoire ivoirienne semble s'être subitement accélérée ces dernières semaines. Les événements se précipitent, au rythme de l'agenda frénétique prévu par l'accord signé par MM. Gbagbo et Soro le 4 mars à Ouagadougou: nomination de M. Soro, nouveau gouvernement, début le 16 avril de la suppression de la zone de confiance qui sépare le nord rebelle du sud loyaliste depuis quatre ans... Le président ivoirien ne cache pas sa satisfaction. En célébrant les fêtes de Pâques dimanche à Bocanda (centre), il a annoncé qu'il fixerait prochainement par décret la date des élections, sans cesse repoussées depuis la fin de son mandat en 2005 en raison de la partition du pays. M. Gbagbo, cité par la presse locale, a également annoncé une prochaine "tournée à travers la Côte d'Ivoire", y compris dans le nord rebelle, où il n'a plus mis les pieds depuis 2002. Alors que l'accord de Ouagadougou promettait un partage des pouvoirs entre MM. Gbagbo et Soro, nombre d'observateurs à Abidjan estiment que le très roué président a d'ores et déjà pris l'ascendant sur le jeune leader rebelle avec la formation du nouveau gouvernement, qui a vu le camp présidentiel renforcer ses positions en s'emparant de deux ministères sensibles (intérieur, défense). "On pensait avoir un gouvernement différent des précédents. Or on reste dans le même schéma de partage politique, avec un centre de gravité qui a glissé vers le camp présidentiel", déplore un diplomate occidental. La presse ivoirienne reflétait le même sentiment. "On se perd en conjectures en se demandant pourquoi le Premier ministre a fait de telles concessions au chef de l'Etat", s'interrogeait mardi le quotidien Soir Info (indépendant). Autre sujet d'interrogation, les pouvoirs de M. Soro. En mars, plusieurs responsables rebelles assuraient que leur leader n'accepterait le poste de Premier ministre qu'avec la garantie de disposer de pouvoirs réels. Rien n'a été précisé sur ce point jusqu'ici. "Il semble difficile de croire que M. Gbagbo ait accepté de partager ses pouvoirs", estime un diplomate européen, qui craint que Guillaume Soro "ne se soit engagé un peu vite". M. Soro ne pourra de plus guère compter sur un soutien très appuyé de la communauté internationale, mise à l'écart par l'accord de Ouagadougou. "Il n'y a plus de rébellion en Côte d'Ivoire. Soro est le Premier ministre et c'est tout", a souligné le conseiller spécial de M. Gbagbo et nouveau ministre de l'Intérieur, Désiré Tagro, en prenant ses fonctions lundi. "Soit Soro arrive à fédérer l'opposition, et à prendre des décisions, soit il est condamné à laisser Gbagbo s'organiser", note un diplomate européen. A Abidjan, beaucoup penchent pour le deuxième scénario. "Gbagbo a toutes les cartes, politiques et autres, pour assurer sa réélection si il sent qu'il peut gagner", estime en revanche un autre diplomate. "On a le sentiment que le Premier ministre s'est fait avoir, qu'il a offert un boulevard à Laurent Gbagbo pour sa réélection", admettait ainsi mardi Nord-Sud, proche de l'opposition et de la rébellion. D'autres observateurs politiques estiment plutôt que M. Soro a cédé aux sirènes d'un "arrangement" avec le président, dont il était proche lorsqu'il était leader étudiant, en acceptant sa future réélection en échange de la réintégration des anciens rebelles et de la normalisation politique.

Source AFP

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