vendredi 13 avril 2007 par Le Patriote

Maître Assistant en Droit international public à l'Université de Ouagadougou, Vincent Zakané est chargé des questions juridiques à la présidence du Faso. C'est à ce double titre qu'il a assisté Djibril Bassolé, le principal collaborateur du facilitateur, dans la conduite des négociations lors du dialogue direct inter ivoirien. C'est également à ce double titre qu'il a accepté de répondre à nos questions sur la contribution du Droit à la réussite de ce dialogue inter ivoirien. Dans la première partie de l'interview exclusive qu'il nous a accordée, le Conseiller juridique de Blaise Compaoré explique les aspects juridiques profonds de l'accord de Ouagadougou et ébauche avec une parfaite maîtrise du dossier ce que pourrait être le contenu de la prochaine résolution des Nations Unies sur la crise ivoirienne.

L.P : Comment avez-vous vécu le dialogue direct aux côtés du ministre Djibril Bassolé?
V.Z : J'y ai participé avec beaucoup d'enthousiasme. D'abord sur le plan technique, ensuite sur le plan affectif. Nous avons tous vécu la crise ivoirienne au fond de notre âme, au fond de notre esprit, dans notre c?ur. En tant que Conseiller du Président du Faso, appelé à accompagner sur le plan juridique, évidemment avec la forme juridique l'élaboration des textes ou les négociations, j'ai vécu le dialogue direct avec beaucoup d'enthousiasme. C'est en ce sens que j'ai pu suivre, au cours de ces trente premiers jours et aussi, les jours qui ont suivi, la négociation avec beaucoup d'attention. Je suis surtout resté attaché avec la volonté qu'avaient les deux parties d'aller à la paix et de sortir de la crise en utilisant tous les moyens : D'abord, les moyens politiques qui sont de leur ressort, ensuite, les moyens juridiques en notre possession. Alors, il s'est agi pour notre part d'apporter ce que nous avions de mieux sur le plan juridique pour accompagner ces négociations.

L.P : Comment expliquez- vous que le choix du président du Faso et facilitateur de la crise ivoirienne se soit porté sur vous personnellement ?
V.Z : Je suis Conseiller juridique à la présidence, donc appelé à s'occuper des questions juridiques de l'institution dont il s'agit. Et il est normal que lorsqu'on m'appelle, à une tâche, je m'y attelle. Je l'ai fait comme il se doit.

L.P : Mais, la négociation n'était pas juridique. En quoi a constitué votre tâche ?
V.Z : Et bien oui ! Il est évident que la négociation n'était pas une négociation juridique. C'est une négociation politique, un dialogue pour une sortie de crise politique. Mais le Droit ici est comme un instrument permettant de donner la confiance aux uns et aux autres. Donc, en tant que juriste s'occupant des questions juridiques à la présidence du Faso, il était de mon devoir d'apporter mon concours dans le travail du président du Faso qui, ici, était le facilitateur. Et bien, le facilitateur avait besoin d'un travail d'accompagnement, sur tous les plans. L'affaire, comme vous avez pu le suivre, appelle d'abord tous les acteurs ivoiriens, mais de la communauté internationale, avec des ressources humaines aussi bien au plan local qu'au niveau continental. Au niveau du Burkina, le ministre Djibril Bassolé était le négociateur adjoint, on pourrait dire. Je n'ai fait que l'accompagner dans l'équipe de rédaction

L.P : Quel a été votre apport personnel sur les questions cruciales de l'Identification, des Audiences foraines, de désarmement et de réunification des deux armées, du processus électoral, du redéploiement de l'administration et des services publics qui étaient à l'ordre du jour du dialogue direct ?
L.P : Il est difficile, dans ce contexte là, de dire : Voilà, ceci a été mon apport . J'ai suivi tout le processus. Et le plus important pour moi était d'apporter le concours du Droit. Evidemment, les négociations se sont déroulées dans le cadre ivoirien, dans le respect des lois républicaines, c'est-à-dire la Constitution et les différentes lois ivoiriennes, sur toutes ces questions que sont l'Identification, le cadre institutionnel du pouvoir politique, la question du processus électoral et que sais- je encore ? Donc le Droit avait tout de même une place importante qui plus est, le dialogue direct se déroulait dans le cadre et le respect de la Résolution 1721 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Au-delà de la dimension nationale, la crise ivoirienne, comme vous le savez, ayant eu une dimension internationale. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a pris en compte le règlement du conflit à travers un certain nombre de Résolutions et de rapports. La Résolution 1721 était le cadre juridique par référence de règlement ou de sortie de la crise. Après l'adoption de cette Résolution qui a suivi la Résolution 1633, le dialogue direct a été entamé. Et le facilitateur à qui les parties ont fait appel a fait clairement savoir à son tour qu'il a accepté la facilitation, dans la mesure où elle se situerait dans le cadre de la résolution 1721. Les deux parties ont accepté aussi de rester dans le cadre de la 1721. Donc il s'agissait de s'assurer juridiquement que les négociations allaient se dérouler dans le respect de la législation ivoirienne et en harmonie avec la Résolution 1721. Ce qui n'était pas chose facile.

L.P : Qu'est ce qui vous le fait dire ? Où se situait la difficulté à respecter cet arsenal juridique ?
V.Z : Puisque, comme vous le savez, la Résolution 1721 a apporté des aménagements dans la gestion de la chose politique, en particulier, dans la gestion du pouvoir politique. En plus, elle n'était pas en parfaite adéquation avec la constitution ivoirienne ou les lois ivoiriennes. Alors comment s'assurer que les négociations prennent à la fois en compte tous ces aspects. Donc il fallait prêter le maximum d'attention sur le respect des textes ou en tout cas sur la mise en harmonie des résultats des négociations avec les textes en vigueur. Les textes nationaux mais aussi les textes internationaux. Puisque vous parler des questions d'identification, du processus électoral, de la gestion du pouvoir politique, donc il s'est agi, à tous ces niveaux, de s'assurer que les négociations se dérouleraient dans le respect de tous ces textes.

L.P : A titre d'exemple, comment avez-vous concrètement abordez et régler la question de l'identification au cours des négociations ?
V.Z ; Pour l'identification, par exemple, il y a des lois consacrées à cette question en côte d'ivoire. Qu'il s'agisse des lois sur l'état civil, des lois sur le processus d'identification. En ce qui concerne le processus électoral, il y a le code électoral et les différentes structures qui, en vertu des textes qui les constituent, disposent d'un certain nombre de pouvoirs. Donc il fallait, à cet égard, s'assurer du respect de tous ces textes à la fois sans remettre en cause, on pourrait dire, l'ordonnancement juridique ivoirien. Dans le même temps il fallait s'assurer que les négociations ne remettaient pas fondamentalement ou directement en cause la Résolution 1721.

L.P : Comment dans ces conditions expliquez- vous le fait que l'accord de Ouaga n'ait pas totalement pris en compte la Résolution 1721?
V.Z : Evidemment, les résultats que vous connaissez déjà ne laissent pas totalement indemnes la Résolution 1721. Et ça s'explique.

L.P : Nous y reviendrons. Mais comment avez- vous réussi à faire l'agencement des lois nationales avec l'esprit et la lettre de l'accord de Ouagadougou. En d'autres termes, quelle a été la place de la Constitution durant ces négociations ?
V.Z : La Constitution a eu une place centrale. Et les négociations, on pourrait le dire, ont eu cette particularité de s'inscrire dans le respect de l'ordre juridique ivoirien. Ce qui n'était pas une tâche facile. Il faut le reconnaître, la Résolution 1721 qui, en procédant à des réaménagements du pouvoir politique, ignorait partiellement l'organisation du pouvoir politique par la Constitution ivoirienne. Même sans aller au bout du raisonnement, ce qui créait une situation juridique quelque peu bancale. Le pouvoir politique en côte d'ivoire est organisé par la Constitution qui indique la répartition des pouvoirs entre le politique, le législatif et le judiciaire. Et pour ce qui concerne, le pouvoir exécutif en particulier, la Constitution ivoirienne établit un régime présidentiel avec une primauté absolue au président de la République qui dispose de tous les pouvoirs constitutionnels. Dans ce contexte institutionnel, le premier ministre est le premier parmi les ministres disposant certainement d'un pouvoir de chef de gouvernement mais avec des pouvoirs relativement réduits. La Résolution 1721 en voulant conférer au premier ministre des pouvoirs exorbitants a créé une situation institutionnelle de nature à créer un conflit entre le chef de l'Etat et son premier ministre. Puisque le chef de l'Etat s'est retrouvé dépouillé de certains de ses pouvoirs au profit du premier ministre alors que ses pouvoirs sont consacrés par la Constitution. Dans ces conditions, il était tout à fait possible que chacun revendique les mêmes pouvoirs mais en se fondant sur des textes différents. Le chef de l'Etat se fondant sur la constitution qui lui en donne les pouvoirs, les pleins pouvoirs et le Premier ministre se fondant sur la Résolution 1721. Ce qui pouvait donner lieu à des conflits. Et comme vous avez pu le constater, ça n'a pas manqué. Malheureusement, le tandem n'a pas marché puisqu'il aurait fallu un esprit de collaboration parfaite entre les deux pour qu'ils puissent, tous les deux, avoir une interprétation commune à la fois de la Constitution et de la Résolution 1721.

L.P : Au-delà de ce que vous venez d'expliquer, qu'est ce qui n'a pas fondamentalement marché dans la 1721 ?
V.Z : La Résolution 1721 contenant, en son sein, ses propres limites, elle est et était animée d'une bonne intention qui est celle de conduire les acteurs de la crise ivoirienne à sortir définitivement de la crise. Mais, en essayant de recomposer la distribution du pouvoir politique. Pour essayer de rétablir un certain équilibre et essayer surtout de trouver la voie adéquate pour la sortie de la crise. En créant cette condition de redistribution du pouvoir politique, je pense que la Résolution 1721 a crée un nouveau déséquilibre. Lequel nouveau déséquilibre n'a pas été accepté automatiquement par les différentes force en présence. Ce qui a conduit à la situation que nous connaissons. Evidemment, si cette nouvelle redistribution des pouvoirs politiques était pleinement et entièrement acceptée par les partis, le problème ne se serait pas posée. Certains, comme vous le savez au moment de la préparation de la Résolution, ont réclamé la suspension de la Constitution

L.P : Justement, une telle proposition pouvait- elle prospérer à l'époque.
V.Z : Vous savez, on ne règle pas les problèmes à moitié. Il était difficile que la Résolution 1721 puisse régler l'ensemble de la vie politique de la Nation. Il faut le reconnaître. La Constitution est un tout, Elle concerne certainement l'organisation du pouvoir politique. Mais elle a l'avantage d'avoir une vue sur la société, d'établir un régime politique, de reconnaître des droits et des devoirs aux citoyens, puis d'organiser le pouvoir politique à travers l'établissement d'un certain nombre d'institutions, à travers l'attribution d'un certain nombre de pouvoirs à ces institutions, à travers des mécanismes de fonctionnement et de relations avec ces institutions. Or, comme vous le savez, la résolution 1721 se bornait simplement à indiquer des pouvoirs entre le Premier ministre et le chef de l'Etat sans s'occuper de l'ensemble des autres acteurs. Suspendre la constitution aurait été de suspendre un texte de référence majeur, pour ne régler que des aspects spécifiques, sans régler l'ensemble des problèmes.

L.P : Nous avons du mal à vous suivre. Vous n'ignorez pas que la Constitution ivoirienne a occasionné des tueries et des charniers. Trouvez-vous normal, M. Le Conseiller, d'affirmer qu'une telle Constitution porteuse de germes de conflit était un texte de référence majeur ?
V.Z : En cela, je n'apprécie pas la qualité de la Constitution ivoirienne. La qualité de la Constitution ivoirienne est une autre paire de manches. N'empêche que la Constitution règle un certains nombres de questions propres à la vie d'un Etat : La gestion du pouvoir politique, le rapport entre les individus et l'Etat, le rapport entre les institutions de l'Etat. Quelles que soient les options choisies par la constitution ivoirienne, quel que soit le choix du régime politique contenu dans la constitution, ou les moyens de discrimination continuent dans la constitution, elle constitue un tout. Pas la Résolution, Je peux dire que la Résolution est loin d'être une constitution en elle-même. Donc en suspendant la Constitution, pour n'appliquer que la résolution, il y aurait en quelque sorte des vides juridiques sur les questions institutionnelles, sur les questions des droits et devoirs des citoyens. Ce qui n'était pas envisageable dans le contexte ivoirien. Ce qui ne m'emmène non plus à faire une appréciation sur la qualité de la constitution ivoirienne. C'est une question évidente. Mais il appartient aux ivoiriens eux-mêmes de faire le choix de leur propre constitution et de savoir que la constitution elle-même contient un certain nombre d'imperfections. Je ne connais pas une seule constitution au monde qui soit parfaite. La constitution ivoirienne a certainement causé des problèmes puisque c'est justement de la constitution qu'un certain nombre de problèmes se sont posés en Côte d'Ivoire. Vous en savez autant que moi.

L.P. : Notamment les questions d'éligibilité, l'admettez-vous ?
V.Z : Les questions de pouvoir politique déjà. Il y a toute la problématique d'un certain nombre de droits civiques gérant des citoyens. Ce n'est pas seulement la question d'éligibilité. Mais le pouvoir d'élire, donc le droit de vote. Mais toutes ces modalités d'exécution dépendent en fait des textes législatifs. Lesquels ont renforcé les aspects de la constitution.

L.P. : M. Le Conseiller, que faites- vous dans ces conditions du principe de primauté des textes internationaux sur lois nationales ?
V.Z : Conformément aux principes fondamentaux du Droit international public, les règles internationales ont une primauté sur les lois nationales. Mais cette question est extrêmement difficile. Elle n'est pas tranchée une bonne fois pour toutes. Pour la communauté internationale, pour les structures internationales, elle est évidente. Mais, simplement au niveau nationale et à travers le monde, vous vous apercevrez que cette question n'est pas parfaitement réglée. La plupart des pays reconnaissent la primauté des règles internationales en particulier les règles conventionnelles et de certaines Résolutions sur la loi nationale. Mais de nombreuses constitutions restent silencieuses quant à la primauté du droit international sur la constitution. Il en va ainsi en Côte d'Ivoire. La Constitution ivoirienne tout comme la Constitution burkinabé reste silencieuse sur cette question. Certains pays considéré comme particulièrement internationalistes, reconnaissent la primauté de l'ensemble du droit internationale sur l'ensemble du droit interne. Beaucoup de pays en commençant par la France ne vont pas dans ce sens. Etant héritier de loin du droit français, nous avons dans une certaine mesure épousé une certaine logique française bien que nous étions dans une doctrine bien donnée. Parce qu'il existe en la matière plusieurs doctrines. En Côte d'Ivoire comme au Burkina et dans la plupart des pays francophones, on se situe dans ce qu'on appelle la doctrine moniste . C'est-à-dire, cette doctrine qui consiste à considérer le droit international et le droit interne comme évoluant dans le même espace juridique ayant des liens naturels de telle sorte que le droit international a vocation de s'impliquer dans le droit interne sans qu'on n'ait besoin de prendre, spécifiquement ce qu'on appelle des textes d'incorporation pour que le droit international puisse primer.

L.P. : Nous croyons savoir qu'il existe, dans la Constitution burkinabé, une disposition permettant au Burkina Faso de renoncer à une partie de sa souveraineté au profit des exigences d'intégration sous régionale. Qu'en dites vous ?
V.Z : A partir du Traité d'Abuja de 1991 qui établit la communauté économique africaine, et invite les cinq sous régions du continent africain à mettre en place des organisations d'intégration économiques sous régionales ayant comme objectif la mise en place véritablement d'union douanière, en quelque sorte d'organisations supranationales les pays africains dans leur ensemble ont tiré les conséquences de ces choix en mettant dans leur constitution des dispositions montrant leur volonté, leur prédisposition à prendre des mesures d'ordre interne pour se conformer justement à ce processus d'intégration. Ce qui suppose que ces pays abandonnent au moins une partie de leur souveraineté au profit d'organes communautaires qui, en des domaines donnés agissent en leur nom et pour leur propre compte. Cela, dans le cadre d'une véritable communauté interne. Dans cet esprit, la Constitution burkinabé, comme bien des constitutions (la Constitution malienne, la constitution sénégalaise) reconnaît clairement que toutes ces nations sont disposées à abandonner tout ou partie de leur souveraineté, au profit d'organisations d'intégration régionale. Nous sommes au début des processus d'intégration. Des pays ont accepté dans certains domaines de céder une parcelle de leur souveraineté. Il en va ainsi dans le cadre de l'UEMOA. Des pays ont accepté de céder leur souveraineté en matière de réglementation commerciale qui est effective dans le cadre de la libre circulation des biens et des personnes, dans le cadre de la participation de nos pays au commerce international. Et dans cet esprit les organes de l'UEMOA disposent de pouvoirs supranationaux. Mais, je dois dire qu'il s'agit pour le moment d'une intégration qui se manifeste sans difficulté majeur au niveau économique. Au niveau politique, il faut aller un peu plus loin, on n'en est pas à ce niveau en ce moment.

L.P : Revenons à la 1721. Toute loi, dit on, est censée être impersonnelle. Comment avez-vous apprécié le fait que le chef de l'Etat Laurent Gbagbo et le Premier ministre Charles Konan (Ndlr, il était encore en poste) aient été nommés intuiti personae dans la 1721 ?.N'est-ce pas cela qui est à la base des limites de la 1721 ?
V.Z : Je ne pense pas que les failles de la 1721 résident fondamentalement dans la désignation nominative de ses acteurs de la politique ivoirienne notamment le chef de l'Etat, Il y avait un chef d'Etat établi, à l'expiration de son mandat, il fallait bien trouver une solution alternative. En absence d'élection, il était bien de désigner le chef d'Etat qui était déjà en place. En faite, il est apparu essentiel au conseil de sécurité de le désigner nominativement. En ce qui concerne le premier ministre, c'est la rencontre de la francophonie à Bamako qui avait fait la suggestion de la nomination de Charles Konan Banny. Le conseil de sécurité n'a fait en réalité que suivre les propositions de la francophonie dans ce domaine. A cette époque, la Côte d'Ivoire à la recherche de l'homme providentiel : la personne qui poserait le moins de polémique et qui était en mesure de constituer un minimum de consensus. Et je pense que le conseil de sécurité s'est laissé convaincre par une telle approche de la francophonie. Et c'est ce qui explique en partie au moins la désignation nominative du premier ministre Charles Konan dans la Résolution 1721.

L.P. ; Cela posait- il une difficulté majeure aux acteurs du dialogue direct ?
V.Z : Là où se situait la difficulté majeure, c'était au niveau des résultats de la négociation au regard de cette désignation nominative dans la résolution 1721. Il est évident que la question ne se posait pas en ce qui concerne le chef de l'Etat. Les acteurs n'ont pas été appelés à se prononcer sur la question puisqu'elle paraissait évidente. En ce qui concerne le Premier ministre évidemment, la négociation entre les parties a conduit, dans leur volonté commune de mettre en place un nouveau cadre institutionnel comme cela apparaît clairement dans l'accord. Cette expression du nouveau cadre institutionnel pouvait laisser la porte ouverte à toute possibilité de négociation approfondie entre les parties. Dès lors que la résolution 1721 désignait nominativement un Premier ministre, il était évident que ceci constituait un obstacle pour la désignation expresse et nominative d'un nouveau premier ministre sans se mettre en porte à faux avec cette résolution, surtout si cette décision commune devait se mettre en ?uvre avant une révision éventuelle de la résolution 1721.

L.P ; Cela veut ?il dire que le conseil de sécurité devrait se résoudre à prendre une nouvelle résolution ? Où doit on se contenter de la déclaration présidentielle qui a été faite relativement à l'accord de Ouaga ? En d'autres termes qu'en est il du processus d'entérination de l'accord politique de Ouagadougou?
V.Z : Je pense que vous avez pris connaissance de la déclaration d'une part, du président du Conseil de sécurité, et d'autre part, de la déclaration du Secrétaire général des Nations Unies. Comme vous le savez, les deux ont, d'abord, dans ces déclarations, salué l'accord de Ouagadougou, félicité les acteurs et le facilitateur et entériné par leur déclaration, l'accord. Ce qui traduit une volonté de suivre. Evidemment une telle déclaration ne suffit pas à elle seule à modifier en conséquence la Résolution 1721. La Résolution 1721 en tant que acte juridique ne peut être modifiée que par un acte juridique équivalent. C'est-à-dire par une nouvelle Résolution.

L.P : Comment entrevoyez- vous les choses à ce niveau là ?
V.Z : Je crois que la déclaration présidentielle était assez explicite. Elle implique une approbation totale de l'accord. Mais le conseil de sécurité a indiqué qu'il se réserve le droit de modifier cette Résolution après avoir apprécié les résultats de la mise en ?uvre de l'accord par les parties.

L .¨P : Qu'est-ce que cela veut dire au juste ?
V.Z : Dans l'immédiat, si vous voulez, cela ouvre la porte à des entorses à la Résolution 1721 qui reste encore en vigueur. Mais le Conseil de sécurité accepte de ne pas considérer cela comme une violation directe de la Résolution 1721, d'autant plus que les acteurs les plus directs s'accordent pour avoir une autre lecture de l'esprit de la Résolution 1721.

L. P : N'est-ce pas là, une fuite en avant de la communauté internationale qui refuse de prendre ses responsabilités dans le dossier ivoirien ?
V.Z : Je pense que la communauté internationale se contente de tirer les leçons ou les enseignements du processus de sortie de crise. Autant on pourrait y voir une sorte de fuite en avant, autant, on pourrait aussi voir dans le passé, une fuite en avant de la communauté internationale par l'adoption de la Résolution 1721 elle ?même. Cette Résolution n'a pas été acceptée totalement par les parties parce qu'elles ont estimés qu'elle leur a été un peu imposée de l'extérieur. On pourrait dire qu'elle a été un peu imposée aux parties sans qu'elles n'aient trouvé, au préalable un accord entre elles. Donc en cela, on pourrait s'interroger de savoir si la Résolution 1721 n'a pas en quelque sorte mis la charrue avant les b?ufs. Or, il s'agit d'une nouvelle démarche dans laquelle, la Résolution viendra confirmer un accord. Une Résolution qui vient après un accord entre les parties a plus de chances d'être appliquée qu'une Résolution qui vient imposer un accord entre les parties. Je pense qu'il y a là une logique totalement différente de celle de la 1721.
Réalisée à Ouagadougou par Khristian Kara, (Envoyé spécial)

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023