samedi 4 août 2007 par L'intelligent d'Abidjan

Nicolas Sarkozy était le 26 juillet dernier à l'Université Cheick Anta Diop de Dakar. Par la magie du Satellite, j'ai pu écouter cette allocution. Et grâce à Internet, je me suis procuré le texte intégral de cette allocution. Qui l'a écrit ? En l'écoutant ou en l'analysant, je ne faisais que penser au vrai auteur de ce texte. Tout comme un directeur général qui demande des projets de lettres à ses collaborateurs, un président de la République se fait rédiger ses discours par des collaborateurs même s'il en donne souvent les grandes lignes. Pas toujours mais le plus souvent. C'est possible aussi que deux ou trois personnes participent à sa rédaction. C'est un texte qui mérite un débat sur plusieurs points. Je me suis intéressé pour cette chronique à l'aspect de la fuite des cerveaux et des bras. "Je sais l'envie de partir qu'éprouvent un si grand nombre d'entre vous confrontés aux difficultés de l'Afrique. Je sais la tentation de l'exil qui pousse tant de jeunes Africains à aller chercher ailleurs ce qu'ils ne trouvent pas ici pour faire vivre leur famille. Je sais ce qu'il faut de volonté, ce qu'il faut de courage pour tenter cette aventure, pour quitter sa patrie, la terre où l'on est né, où l'on a grandi, pour laisser derrière soi les lieux familiers où l'on a été heureux, l'amour d'une mère, d'un père ou d'un frère et cette solidarité, cette chaleur, cet esprit communautaire qui sont si forts en Afrique". Il aurait pu ajouter tous ceux qui partent en laissant derrière eux leur femme et leurs enfants qu'ils aiment passionnément et surtout le drame qui va s'en suivre d'un côté ou de l'autre. Que d'amour blessé ou détruit par ces départs ! Si Nicolas Sarkozy reconnaît que la jeunesse africaine ne doit pas être la seule jeunesse du monde assignée à résidence, il veut de cette jeunesse en Afrique. "Mais, elle doit aussi à la terre africaine de mettre à son service les talents qu'elle aura déjà développés. Il faut revenir bâtir l'Afrique ; il faut lui apporter le savoir, la compétence, le dynamisme de ses cadres. Il faut mettre un terme au pillage des élites africaines dont l'Afrique a besoin pour se développer". Je me demande, d'ailleurs, si l'Occident pille nos élites. Devant des femmes africaines, cette semaine, le président Wade disait qu'il aurait pu rester en Europe mais qu'il est revenu se mettre au service de son pays. Il a même comparé à ces départs comme des déserteurs dans l'Armée. Si l'élite africaine part qui va construire l'Afrique ? La fuite des cerveaux est un vieux débat. Je vais prendre un exemple pratique. Il y a quelques années, j'étais dans un pays de l'Amérique du Nord où j'ai habité chez un ami universitaire, originaire de l'Afrique centrale. Après ses études, il n'est plus jamais rentré dans son pays. Le problème fut simple pour lui. Entre la patrie et lui, il a choisi sa personne. Son pays lui proposait 250 000 Fcfa comme salaire et en Amérique il avait 10 000 000 Fcfa. Il aime son pays, le pays est éternel, il ne déplacera jamais. Lui, est mortel. En rentrant chez lui, il va retrouver la réalité de l'Afrique comme le dit si bien Nicolas Sarkozy. "La réalité de l'Afrique, c'est une démographie trop forte pour une croissance économique trop faible. La réalité de l'Afrique, c'est encore trop de misère. La réalité de l'Afrique, c'est la rareté qui suscite la violence. La réalité de l'Afrique, c'est le développement qui ne va pas assez vite, c'est l'agriculture qui ne produit pas assez, c'est le manque de routes, c'est le manque d'écoles, c'est le manque d'hôpitaux. La réalité de l'Afrique, c'est un grand gaspillage d'énergie, de courage, de talents, d'intelligence. La réalité de l'Afrique, c'est un grand continent qui a tout pour réussir et qui ne réussit pas parce qu'il n'arrive pas à se libérer de ses mythes?. Comment revenir partager ces réalités quand on peut vivre mieux ailleurs ? La grande question qui n'a pas été développée dans ce discours réside au niveau des salaires. Comment bâtir l'Afrique quand les salaires sont aussi bas et les emplois précaires dans le privé même avec un salaire honorable. Que doit faire un jeune cadre qui se voit proposer dans une autre entreprise le triple de son salaire ? Il quitte tout simplement son ancien employeur et ses collègues avec lesquels il avait tissé de très bonnes relations. Les Africains ne sont pas encore prêts pour le sacerdoce, travailler pour ne rien avoir ou si peu dans l'intérêt du pays ou de l'entreprise. Difficile avant longtemps d'augmenter les salaires devant nos difficultés de toutes sortes. Pour s'en sortir il faudrait que l'Occident, à travers nos médias, cesse de nous faire rêver. Qu'on paie nos matières premières à des prix justes. Le chantier est énorme pour rendre l'Afrique prospère. Ainsi va l'Afrique. A la semaine prochaine.
P.S : Le jeudi dernier, j'ai assisté à la dédicace de : "Nègreries", les remarquables chroniques de Venance Konan, publiées de 1994 à 2006, dans le quotidien Fraternié-Matin. On s'étonne que les Africains ne changent pas malgré les critiques régulières et abondantes. C'est simple. Ils ne lisent pas. Ils ne savent même pas ce qu'on dit d'eux. Seule la lecture nous permet de voir nos tares et de nous parfaire. Souvenez vous, un Américain a dit : "Pour cacher quelque chose à un Noir il faut le mettre dans un livre". Va-t-on continuer toujours de prêcher dans le désert ?


Par Isaïe Biton Koulibaly
biton@aviso.ci

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023