lundi 17 septembre 2007 par Fraternité Matin

Le fils du général Robert Guéi a entrepris, depuis samedi, une tournée de paix et de réconciliation dans le département de Biankouma. Le docteur Franck Guéi, le fils aîné des huit enfants du général Robert Guéi, assassiné aux premières heures de la rébellion armée, a appelé, samedi, ses parents à pardonner aux bourreaux de leur frère et à s'inscrire dans le processus de paix. M. Guéi, par ailleurs conseiller spécial du Président Laurent Gbagbo chargé des questions de santé rurale, animait un meeting à Biankouma. Et puis, aujourd'hui, tu vas te fâcher contre quelqu'un que tu soupçonnes d'avoir tué ton père (car il n'y a aucune preuve qu'il l'a tué vraiment). Tu vas te fâcher contre quelqu'un pour rien. A cause de la mort de ton papa. Ok. Mais est-ce que cela va le ressusciter??, a-t-il interrogé, provoquant une forte émotion et un silence de cimetière dans la foule massivement sortie pour assister au meeting. Pour lui, Il faut pardonner. Il faut pardonner pour pouvoir avancer. La solution n'est pas de crier à tue-tête : Lui-là, il a tué mon papa, donc je vais le tuer aussi?. Il a averti qu'une telle attitude pourrait déboucher sur une série de vengeances que personne ne peut soupçonner. Aujourd'hui, a plaidé l'orateur, nous sommes dans une logique de paix et de réconciliation, parce que la Côte d'Ivoire doit être unie. On doit se pardonner. Peu importe la personne qui a posé cet acte (l'assassinat du général Robert Guéi. Ndlr), on doit le lui pardonner?. Il s'adressait à l'assistance en français et un de ses amis et fils de la région, Evariste Yaké traduisant en langue locale.
Puisque c'est la première fois qu'il retrouvait ses parents depuis le décès de son père, l'aîné des enfants du général Guéi a profité de ce meeting pour leur expliquer, mais aussi et peut-être surtout pour s'expliquer sur les obsèques de son père qui ont été célébrées à Abidjan. Il n'y a pas de tombe de mon père à Abidjan. J'ai rangé son corps dans des casiers?, a-t-il martelé. Et de trancher : Mon père sera enterré à Kabakouma?. Une affirmation qui a soulagé les populations et détendu l'atmosphère, vu le tonnerre d'applaudissements et les cris de joie qui l'ont accueillie. Franck Guéi pouvait alors poursuivre: Après quatre ans de tergiversations, j'étais dans l'obligation de sortir le corps du général Guéi de la glace. C'est ainsi que j'ai décidé de le garder à Abidjan en entendant qu'on puisse lui faire des funérailles dignes, ici à Kabakouma?. Il a confié qu'il a été trahi par des gens que son père a faits de toutes pièces. Au lieu de chercher à enterrer mon père, ils (ces gens) en faisaient un fonds de commerce politique?, a accusé M. Guéi, sans citer personne (par souci de bon ton, selon lui). Il a profité de ce grand rassemblement pour répondre à ceux qui l'ont accusé d'avoir vendu? le général Guéi au Chef de l'Etat. Mon père était ancien chef d'état-major, ancien chef d'Etat... En ses qualités-là, l'Etat a le devoir de lui donner des funérailles dignes de son nom. Le fait que le Président de la République donne des moyens pour qu'on puisse l'enterrer, si c'est ça vendre mon père, alors je préfère le vendre?, a-t-il lâché dans un tonnerre d'applaudissements. Du reste, l'orateur a mis en garde ceux qui intoxiquent? ses parents en leur disant qu'il a vendu son géniteur ou que son cercueil était vide. Il a pris à témoin Mme Tia Monné, présidente du conseil général de Biankouma, et les chefs de village de Kabakouma à qui, a-t-il dit, il a montré le corps du général avant de le ranger dans les casiers dans sa maison à Abidjan. Le docteur Guéi a également saisi l'occasion pour fustiger les dirigeants de l'UDPCI (qu'il n'a pas cités non plus) qui veulent organiser une série de manifestations les 18 et 19 septembre pour célébrer l'anniversaire du fondateur de leur parti. En même temps que vous dites que vous ne voulez pas l'enterrer, vous dites que vous allez faire l'anniversaire de sa mort. On n'a même pas encore fait de funérailles, vous parlez d'anniversaire de sa mort. De grâce, qu'il laisse l'affaire de Guéi Robert. C'est l'affaire de sa famille?, s'est-il énervé.
Par ailleurs, il a affirmé à ses parents qu'il ne milite dans aucun parti politique, sinon celui du développement. De fait, a-t-il souligné, travailler aux côtés du Président Laurent Gbagbo ne veut pas dire militer au FPI. Il a annoncé l'arrivée prochaine, dans la région, d'une équipe qu'il enverra pour recenser les problèmes de santé. Une tâche qui s'inscrit, a-t-il précisé, dans sa fonction de conseiller spécial du Chef de l'Etat chargé des questions de santé rurale. Mme Tia Monné Bertine, elle, s'est félicitée de l'arrivée de Franck Guéi dans son département. Puis, elle l'a assuré de son soutien et de celui de ses parents. Le 2ème adjoint au maire de Biankouma, Albert Sigui et le président de la jeunesse communale et président du comité d'organisation du meeting, Franck Bibo, se sont réjouis de la mobilisation des populations. Puis M. Bibo a dénoncé la haine que les élus vouent les uns aux autres au point que le maire, Siaba Appolinaire, appuyé par le député Woï Messé, ait refusé, le samedi-même, que le meeting avec Franck Guéi se fasse à la mairie.
Entrée triomphale à Kabakouma. On veut Franco ! On veut Franco ! On veut Franco !?. Voilà le chant avec lequel les populations de Kabakouma, le village du général Robert Guéi, a accueilli Franck Guéi samedi dernier. Il est 15 h 15 quand le long cortège fait son entrée dans le village, sous une pluie battante. Les vieux, les femmes et surtout les jeunes chantent, dansent, tapent des mains, pour l'accueillir. Des danses du village sont de la fête. Surprise, car des rumeurs persistantes, à Man (où il est basé avec sa délégation) faisaient état de ce que Franck Guéi serait lapidé par les parents de Robert Guéi. La raison selon ces rumeurs était que Kabakouma ne lui pardonnait pas d'avoir enterré Robert Guéi à Abidjan. Le cortège s'ébranle vers la maison du chef du village, Gnan Wonisse. Il accueille son fils? sous la pluie, non sans effectuer quelques pas de danse. La liesse populaire atteint son comble. Le service de sécurité des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) a du mal à canaliser les populations. Mais tout se passe dans la convivialité. Aucune cérémonie ici. Le chef du village monte à bord d'un véhicule du cortège qui se rend dans la cour du général. Les populations sont plus que déchaînées quand Franck Guéi sort d'une 4x4 et foule le sol. La communion est totale. Certaines femmes roulent à terre. D'autres sont en pleurs. L'émotion est très grande. Difficilement, les notables du village, Franck Guéi et sa délégation s'installent sous l'appatame. La population et les danses se tiennent debout, dehors, sous la forte pluie. Les échanges se font en langue locale, le yacouba. Notre interprète de l'occasion (un jeune qui a accepté volontiers de nous traduire les différentes interventions) explique que les uns et les autres sont heureux de recevoir leur fils, Franck Guéi. Sigui Tiapou, le frère aîné du général et chef de la famille Guéi, précise qu'il ne lui a jamais interdit de se rendre dans son village.
Mme Tia Monné explique qu'il sera toujours avec ses parents. Franck Guéi s'adresse à ses parents en français (la traduction est faite par un de ses amis, Evariste Yaké). Il exprime sa joie d'être chez lui, parmi eux. Il leur dit que les funérailles de leur frère, le général Robert Guéi, se feront à Kabakouma. Et ajoute qu'il est à la disposition de ses parents. Tout le monde hurle, applaudit. Dehors, la pluie a cessé. Seul, Franck Guéi fait un tour dans la villa de son père (pendant moins de cinq minutes) et revient s'asseoir. Il ignore l'imposant caveau inachevé, construit à quelques mètres de la villa, et censé recevoir le corps de son père. Peu de temps après, il prend congé de ses hôtes. Il doit animer un meeting à Biankouma. Avant de se rendre à Kabakouma, M. Guéi, accompagné de Mme Tia Monné, a été reçu, dans les locaux de la préfecture, par le commandant du secteur de Biankouma, Siaka Touré. Les autorités militaires l'ont assuré de leur présence à ses côtés jusqu'à la fin de son séjour dans le département.

Pascal Soro
envoyé spécial à Biankouma

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