vendredi 19 octobre 2007 par Le Nouveau Réveil

Remarque numéro un. Laurent Gbagbo a choisi, pour cette sortie télévisée, de faire comme Nicolas Sarkozy. Il l'a même appelé "Sarko", ce qui est une méprise diplomatique. Il a tellement voulu faire comme lui qu'il a tenté de poser des questions aux journalistes. Comme le Président français. Seulement, il n'a pas su s'y prendre et ces questions se sont limitées à "est-ce que vous voyez ?". Evidemment, les journalistes ne sont pas entrés dans cette tactique, somme toute, amusante (sic). Remarque deux : il y a eu beaucoup de contrevérités. Nous retiendrons une principalement. Le chef de l'Etat ivoirien a déclaré sans rire, que depuis qu'il est aux affaires, toutes les enquêtes ont abouti. C'est la chose la plus marrante, en dehors du budget de souveraineté qui serait à 5 milliards Fcfa, qui ait été dite mercredi nuit sur la chaîne des grandsénervements. Sur ce sujet précis, l'historien Laurent Gbagbo a tenté de réécrire l'histoire encore récente de la Côte d'Ivoire. Revisitons ensemble et pêle-mêle, ces affaires écrites souvent en lettres de sang quand elles ne puent pas l'argent sale, qui ont meublé et continuent de meubler le règne infini de la refondation. Affaire numéro un. Nous sommes en octobre 2000. Affaire charnier de Yopougon. Une enquête internationale avait établi la responsabilité de la gendarmerie. Au plan national, l'enquête a abouti à l'inculpation de huit gendarmes dont feu le commandant Beh Kpan. Il y a eu un procès au bout duquel les gendarmes ont été purement et simplement relaxés pour délit non constitué. Le nouveau régime présenté comme une sainte ni touche venait d'ouvrir une boîte de pandore de l'impunité qui n'allait plus jamais se refermer. Affaire numéro deux : L'attaque d'Agban. Après enquête, la justice a rendu une décision de non lieu pour faits non établis. Affaire numéro trois : le complot de la Mercedes noire. L'on n'a jamais su l'issue de l'enquête concernant cette affaire. Au point où le citoyen Lambda pense même qu'il n'y a jamais eu d'enquête. Exemple, l'affaire numéro quatre. Celle de l'incendie de la cité universitaire de Daloa par des policiers présumés. Affaire numéro cinq : l'assassinat de Habib Dodo sur le campus de Cocody par des éléments présumés de la nébuleuse Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI). Y a-t-il jamais eu une enquête sur cet assassinat ? Affaire numéro six : le viol de S.N., une étudiante de l'Association générale des élèves et étudiants de Côte d'Ivoire (Ageeci, mouvement concurrent de la FESCI) par de présumés éléments de la FESCI, par elle, identifiés. Affaire numéro sept : l'enlèvement de Guy André Kieffer. Cela fait plus de trois ans que le journaliste franco-canadien est porté disparu. L'enquête conduite par le procureur semble interminable. Tout le contraire de celle conduite par la justice française. Qui réclame sans succès l'audition de Michel Legré, "le beau-frère de Simone Gbagbo". Soit dit en passant, Laurent Gbagbo est agacé par cette appellation. Affaire numéro huit : les bavures policières et des éléments du Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS). Sur ce sujet, tous les Ivoiriens en jugeront. Affaire numéro neuf : le scandale des déchets toxiques. L'affaire a éclaté, il y a quatorze (14) mois jour pour jour. L'enquête conduite par la magistrate Fatou Diakité a abouti à des conclusions qui incriminaient des personnalités. Ces dernières avaient été suspendues par le Premier ministre Charles Konan Banny. Mais, sans grande surprise (fermer les yeux sur des délits et crimes devenait une coutume sous le Front populaire ivoirien), le chef de l'Etat les a réintégrés dans leur fonction. Affaire numéro dix : les assassinats de Camara Yéréfé H, de Emile Téhé, de Dr Benoît Dakoury, du jardinier de Ado, C. Badolo Affaire numéro onze : Les assassinats de Balla Kéita, de Robert Guéi, de Me Emile Boga Doudou. Affaire numéro douze : les escadrons de la mort. Ces tueurs de l'ombre qui ont semé mort et désolation, en plein couvre feu, à Abidjan et à Yamoussoukro notamment. Pour la petite histoire, le journal français L'Express avait mis en cause, le couple présidentiel dans cette affaire. Le confrère s'était basé sur un rapport de l'Organisation des nations unies (ONU). Toujours pour la petite histoire, Laurent Gbagbo avait attaqué le confrère en diffamation devant les tribunaux français. Il a perdu son procès en cassation. C'est tout dire. Affaire numéro treize : le présumé détournement de 1,4 milliard Fcfa du fonds de coopération belge à la Banque nationale d'investissement (BNI). Les crimes économiques n'ont jamais été aussi nombreux en Côte d'Ivoire, en effet. Des crimes presque jamais élucidés. A l'instar de l'affaire UCEE (14) où Jean Louis Laouré a été détenu "sur instruction d'une haute personnalité", selon les proches de celui-ci à la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (MACA) pour un délit qu'il n'a jamais reconnu et que la justice n'a d'ailleurs pu constituer. A l'instar aussi de l'affaire Victoire Ehivet Madi contre Aristid Konan Konan (Affaire numéro 15) détenu sans jugement à la MACA depuis des mois. Une affaire économique transformée en affaire criminelle (le mis en cause dit avoir été arrêté par des éléments de la direction de la police criminelle) et sans confrontation. Affaire numéro seize : le scandale des 100 milliards de l'usine de Fulton aux Etats-Unis. Une affaire expressément confiée au procureur de la République par le chef de l'Etat dont on prévoit déjà l'épilogue du fait d'une part de la personnalité de la personne à qui a été confiée l'affaire et d'autre part des propos de celui qui a confié l'affaire. La liste de ces affaires mal, partiellement ou jamais élucidées n'est certes pas exhaustive. Alors, on est bien fondé à se demander de qui se moque-t-on ? Enfin, remarque numéro trois. Laurent Gbagbo, le chantre de la transparence lorsqu'il était dans l'opposition a osé dire ceci : "si du côté de ceux qui passent les examens, il y avait moins de demandes de parapluie, il y aurait moins de corruption". Autrement dit, c'est la faute aux jeunes diplômés sans emploi qui ont conscience de leurs compétences, qui ont foi en leurs qualités et qui, sachant les pratiques mafieuses de l'administration, cherchent à exploiter les turpitudes de celle-ci , pour arriver à un poste mérité ; si des fonctionnaires ivoiriens sont corrompus. Cette inclination quasi naturelle de Laurent Gbagbo à expliquer des comportements délictueux voire criminels, est carrément aberrante. Elle est autant insultante.
André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr

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