jeudi 14 février 2008 par Nord-Sud

Le nouveau statut des députés est loin de passer. Laurent Gbagbo n'est pas prêt à signer le texte pour le rendre exécutoire.

Les honorables députés ivoiriens ont, le 20 janvier, adopté à l'unanimité la loi portant leur nouveau statut. Trois semaines après, le texte que les élus nationaux se sont taillé sur mesure n'a pas été promulgué. Le président de la République, Laurent Gbagbo estime selon des sources bien introduites au palais que cette loi est imparfaite. Elle a été prise en violation de l'article 78 de la Constitution qui est libellé comme suit : Les députés ont le droit d`amendement.

Les propositions et amendements déposés par les membres de l`Assemblée nationale ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l`aggravation d`une charge publique, à moins qu`ils ne soient accompagnés d`une proposition d`augmentation de recettes ou d`économies équivalentes .



Pour la loi portant nouveau statut des députés, ceux-ci se sont simplement contentés d'indiquer à l'article 37 de leur proposition que les incidences financières de la présente loi sur le budget de l'Etat, seront couvertes par une taxe additionnelle sur les entreprises de téléphonie cellulaire . Ni plus ni moins. Dans ses objections le chef de l'Etat, indique dit-on, qu'il aurait fallu que les députés évaluent en des termes clairs le montant de l'enveloppe à mettre à leur disposition. Tout comme ils devraient également indiquer le montant de la nouvelle taxe à imposer aux entreprises de téléphonie cellulaire. A ce jour, les opérateurs du téléphone mobile payent déjà des taxes colossales qui sont englouties par le budget qui s'équilibre en recettes et en dépenses. Le chef de l'exécutif ivorien trouverait également injuste que dans le climat de morosité actuelle, ces sociétés soient les seules à être rançonnées pour satisfaire les besoins des parlementaires.

La loi portant statut des députés n'est pas nouvelle. Elle a été rédigée l'année dernière par un élu indépendant qui l'a soumise à ses pairs. Le jour où ce texte leur a été présenté, il a provoqué l'ire de la Première dame, Simone Gbagbo par ailleurs parlementaire, qui a vigoureusement protesté. Mais, tout compte fait, après plusieurs amendements, la loi est passée. Comme il fallait s'y attendre, Laurent Gbagbo a rejeté le texte. Il l'a ramené aux députés pour une nouvelle lecture estimant que les élus nationaux se sont comportés comme des syndicalistes alors qu'ils ne le sont pas. C'est finalement à la clôture de la deuxième session ordinaire de l'Assemblée nationale que la commission des affaires sociales, présidée par l'honorable Palé Dimaté, a ressorti le texte pour le dépoussiérer à la lumière des avantages et prestiges attribués à leurs homologues du palais Bourbon en France. Autant dire que la loi française a été tropicalisée par les parlementaires ivoiriens. Dans l'Hexagone, en effet, le député a accès gratuitement au réseau de la Sncf (le transport ferroviaire) en 1ère classe, le taxi est gratuit pour lui à Paris, il a droit à un quota de déplacements aériens, un parc automobile est mis à sa disposition, il a droit à des lignes téléphoniques et au service courrier, il a une allocation d`aide au retour à l`emploi pendant 6 mois pour assurer un revenu brut mensuel égal à l`indemnité parlementaire de base.



Quel recours pour les députés



Il a enfin droit à un prêt d`aide au logement et à un crédit mensuel de 8.949 euros (5.861.595Fcfa) pour la rémunération de 1 à 5 collaborateurs. Seulement, en France le Smic est à 600.000 Fcfa alors qu'en Côte d'Ivoire il est de 35.000 Fcfa. Comparaison n'a pas raison.

Cela fait la deuxième fois que le texte portant statut des députés arrive sur la table de Laurent Gbagbo sans qu'il ne daigne le faire prospérer. Selon la Constitution si le président de la République ne promulgue pas une loi votée dans les 15 jours suivant son adoption, elle est déclarée exécutoire par le Conseil constitutionnel saisi par le président de I`Assemblée nationale, si elle est conforme à la Constitution. Mais dans le cas d'espèce, Laurent Gbagbo a demandé une seconde lecture du texte qui une fois encore n'a pas rencontré son assentiment. Que faire maintenant ? La Constitution offre la possibilité au président de la République de soumettre le texte au référendum. Le fera-t-il ? Rien n'est sûr vu que selon la loi fondamentale le président est la clé de voûte du système politique ivoirien. A ce titre, il dispose de nombreux mécanismes pour recaler un texte. A preuve, après avoir promulgué une loi, c'est encore lui qui signe le décret d'application. Il ne reste plus aux députés, pensent les constitutionnalistes, que la voie de la politique et de la négociation.

Traoré M. Ahmed

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