samedi 8 mars 2008 par Fraternité Matin

Vous défrayez actuellement la chronique musicale et êtes sous les feux de la rampe. N'êtes-vous pas un peu surpris par votre succès avec l'album Nouvelles du pays?
Sachez que le talent seul ne suffit pas dans la carrière de quelqu'un car le relatif succès actuel ne s'explique pas par mon seul talent de rappeur. La grâce de Dieu y est pour beaucoup car je suis croyant. Mais j'ai surtout eu la chance d'être coopté par un homme qui a fait ses preuves dans le showbiz et une maison de production; il s'agit de Jean-Marc Guirandou et son label Coast To Coast. En plus, la véracité, la réalité de ce que je chante touche les mélomanes puisque c'est leur quotidien qui est dépeint sans faux-fuyant. Je suis donc fier d'être de Wassakara, un ghetto de Yopougon. Wassakara est à l'image de bien des localités du pays. Nous ne sommes pas là pour vendre du rêve mais pour accompagner l'évolution du pays, en dépeignant ce qui ne marche pas afin que les décideurs le corrigent et se corrigent
Le fait de véhiculer votre message en langage familier avec une pointe d'humour, ne répond-il pas à une simple politique marketing?
Quand vous me voyez sur scène, à la télé ou dans la vie courante, y a-t-il une différence ? Je suis imprégné d'un état d'esprit indélébile, une manière de penser qui me colle à la peau. Je vis ce que je chante et le rap est une musique de combat. C'est pourquoi j'ai opté pour le rap. Je ne sors pas du néant. Mon concept est l'aboutissement d'une longue préparation. J'ai conceptualisé le Lagadigbeu au plan textuel et le Zoba zo au niveau mimique et chorégraphique. Ce sont des concepts relatifs à la vie rurale qui survit dans nos cités africaines, ivoiriennes. Une manière de ne pas couper le lien entre tradition et modernité. Je suis le coq qui chante et réveille tout le village et le coq ne reçoit ses visiteurs que dans le poulailler. Pour vous dire que je suis moi-même, Yao Billy Serge à l'état civil et Billy Billy pour dénoncer les travers de la société. Raison pour laquelle, mon coq est toujours ma mascotte. Votre parcours milite-il en faveur de votre discours quelque peu moraliste ?
J'ai sorti mon premier opus en 2001-2002 avec la formation Nasty mafia, en tant que vainqueur dans la catégorie rap au concours Nescafé African Revelation et j'ai continué de bosser dans l'underground, bien qu'il n'ait pas connu de succès, faute d'une promotion adéquate. Alors que c'est ce qui fait la différence aujourd'hui. Quant à mon cursus académique, je n'aime pas en parler au risque de frustrer bien des gens. On ne va pas à l'école pour apprendre à lire et écrire mais pour avoir la connaissance et travailler pour soi-même, sa famille et le pays. Mais regardez un peu le taux de chômage des jeunes diplômés ! C'est désolant et il faut le dire. Justement, au niveau des thèmes abordés dans votre album Nouvelles du pays, Billy Billy n'est tendre avec personne. Serait-ce par peur des représailles des politiques, de vos congénères de la Fesci, des forces de l'ordre et tous ceux que vous clouez au pilori, que vous vous cachez derrière l'humour qui sous-tend vos textes?
Un rappeur authentique décrit les travers, les tares de la société. Et l'humour est une vertu propre à l'Africain. Voyez les acrobaties au cours des funérailles, elles n'existent nulle part dans le monde. Je suis un messager et je dois transmettre mon message. L'humour sert à atténuer la douleur, la cruauté de la vérité. Mais, au-delà, que tout le monde sache que la vérité rougit et rougira toujours les yeux sans les casser. Même avec une pointe d'humour. Les gens sont allergiques à la vérité, on ne sait trop pourquoi. Pour le choix de ma musique qui fait appel à des sonorités locales pour accompagner le beat du rap sur des textes fort caustiques, cela découle du fait que j'ai étudié la tendance du showbiz et que j'y ai décelé le créneau qui serait porteur pour moi. A preuve, mon style est voisin de celui de Garba 50, Gbonhi Yoyo, Nash, Rageman Mais la différence est au niveau des percussions que j'introduis, en plus du folklore. C'est une question de rythme qui est symbole pour l'Afrique. En plus, le fait de m'exprimer en un langage accessible à tous permet de faire comprendre ma pensée. En fait, je fais du rap de recherche. Cela dit, je suis un ambassadeur, un émissaire qui soumet à tous les préoccupations du ghetto. Je ne peux donc pas travestir le message de mes mandants. Un leader d'opinion, statut que je revendique en tant qu'artiste, doit-il avoir peur ? Pour paraphraser feu Douk Saga, je dirai que l'homme qui n'a pas peur n'a pas le courage. Car c'est en vainquant la peur que l'on acquiert le courage. Je suis un refondateur musical car la parole étant libérée comme on nous l'a dit, je parle sans crainte. Je suis donc, par ricochet, un soldat de la liberté. Que vaut un soldat sans armes ? Or mon arme est mon verbe ; donc je parle, je chante, je dénonce. Que préparez-vous avec votre staff pour les semaines et mois à venir, notamment pour exporter le rap ivoirien version Billy Billy?
Il est indéniable qu'il faut ouvrir le champ à l'extérieur. Mais pour l'instant, nous sommes réclamés à l'intérieur et nous devons répondre aux exigences du peuple. La sous-région suivra, avant que nous ne nous produisions dans une grande salle, à l'occasion d'un concert live d'ici à la fin de l'année. Seulement après, nous nous exporterons, même si déjà, les échos positifs de l'Occident nous parviennent. Mais mon staff, en professionnel, peaufine tout. Nous ne ferons pas comme à Wassakara.



interviw realisee par Rémi Coulibaly

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