samedi 5 avril 2008 par L'intelligent d'Abidjan

Le lundi 31 mars et mardi 1er avril 2008, Abidjan et sa périphérie ont connu des manifestations de populations révoltées contre la hausse vertigineuse que connaissent les prix des produits de première nécessité. Pour désamorcer la bombe sociale occasionnée par les marches dont la répression a fait deux (2) morts, le Président de la République est montée au créneau et a pris un certain nombre de mesures. Une des parties intéressées, à savoir des opérateurs économiques que nous avons rencontré, ont analysé sous le sceau du secret cette crise et donné leurs avis sur les propositions du Chef de l'Etat.
L'homme qui a faim n'est pas un homme libre. Car celui qui est préoccupé par les soucis matériels, n'a ni le temps ni le courage de se lever au dessus de ces contingences et d'agir en homme pensant , a rappelé M. G un gros opérateur économique en mémoire d'une des fameuses pensée de feue le Président Félix Houphouët Boigny. Selon lui, la crise actuelle a commencé voici environ trois (3) ans avec l'instauration de taxes sur diverses marchandises à l'importation que le pays ne produit pas en quantité suffisante ou ne produit plus.

L'autosuffisance alimentaire, un leurre

Le Président Houphouët dans les années 80 avait appelé les ivoiriens a être autosuffisant en matière de production alimentaire. Mais, presque 30 ans après force est de constater que ce v?ux est loin d'être atteint. Pour notre interlocuteur, des impositions de plus en plus dures sur des produits comme la volaille ont entraîné la disparition de parties telles le croupion et les ailes de dinde. Le prix du poulet connaît une augmentation significative depuis deux (2) passant de 1000 francs à 3000 ou 5000 francs qui en fait aujourd'hui un produit de luxe dont on ne peut le consommer que les débuts de mois , souligne notre interlocuteur. Il en est de même pour le riz, la farine, le blé, le maïs, etc. La plus part des produits de première nécessité entrant dans la consommation ne sont pas faits en Côte d'Ivoire. Les taxer avec autant de ?'sévérité'', ne fait que grimper leur prix. Et de prendre pour exemple la viande qui connaît des taxes à l'importation de près de 500.000 francs par conteneur de viande(pieds, queues, rognon et divers parties). M. Kéïta, autre opérateur dénonce l'application depuis environs 9 mois de l'application de l'imposition aux valeurs douanières sur les importations de viande. Cette imposition, loi de finance avant les années 2000, n'avait pas été prise car on jugeait que le pays n'était pas un producteur de bétail, il fallait protéger les prix , révèle t-il. D'où vient t-il que ces taxes sont effectives depuis peu quand on sait que le pays est encore plus dépendant de la viande venant d'ailleurs, s'est interroger M. Kéïta.

Le système des valeurs douanières

Les grossistes de façon unanimes ont décrié le rôle joué par la Douane ivoirienne dans la hausse des prix. Pour M.G, le BAGR qui est lié au BIVAC et dont la mission est de taxer les différents conteneurs qui entrent sur le territoire national est à la base de la hausse du prix des denrées alimentaires. Leur boulimie, le nombre ahurissant des circulaires d'imposition entraîne le rareté des produits, d'où l'augmentation des prix , assure l'opérateur économique. Il a aussi dénoncé le fait que depuis deux (2) ans, les valeurs des produits importés sont reprises et réajustées par le BAGR à la tête du client. Sur quoi se base la douane pour dire qu'un prix n'est pas conforme à l'importation , s'est t-il emporté. A force de trop tirer sur la corde, les douanes ont amené les commerçants à appliquer les taxes sur leurs produits au grand dam des consommateurs. Une des conséquences, c'est la contrefaçon ou l'importation illicite de denrées. Ce qui fait perdre énormément de devises au pays.
Les mesures du Chef de l'Etat viennent t-elle tardivement ?
Pour beaucoup de personnes, les propositions du Président Gbagbo n'auront pas d'effet immédiat car le problème est plus complexe. Les opérateurs économiques ont en effet en stock des produits déjà frappés de taxes dont les nouvelles mesures ne concernent pas. Ce n'est qu'en fonction du stock qu'on pourrait voir une incidence à la baisse sur les prix. Alors que les dispositions par rapport à la crise ne durent pour l'instant que trois (3) mois.
De quoi sera fait demain ?
Avec une population de près de 20 millions d'habitants dont on estime qu'elle va doubler en 20 ans pour atteindre 40 millions, la question de la productivité est au c?ur des défis qui attendent la Côte d'Ivoire. C'est pourquoi, la majorité des opérateurs économiques assurent que pour s'en sortir, deux leviers doivent être forcement actionnés : la suppression ou la diminution des taxes douanières, couplé à un libéralisme vrai. Le monopole de plusieurs structures sur certains biens sont d'un anachronisme quand l'heure est aujourd'hui à la mondialisation. Selon eux, l'exemple de l'ouverture au niveau de la téléphonie cellulaire devrait nous édifier. De 1000 francs la communication à l'unité en 1995, nous en sommes à 50 francs l'unité 13 ans après avec l'avènement de plusieurs sociétés. Cela a été bon pour les prix et pour l'emploi , a conclu un opérateur.

Olivier Guédé

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