jeudi 15 mai 2008 par Le Temps

Le retour des populations déplacées et l'exploitation illicite des forêts classées continuent de faire grincer les dents dans le département de Bloléquin. Pouvez-vous nous faire en quelques lignes l'historique du problème foncier qui existe dans votre région ?
Depuis 1980, une partie de nos forêts a été déclarée classée par la SODEFOR. Des jeunes de nos régions installés grâce au retour à la terre proposé par le Président feu Houphouët-Boigny, ont été priés, voire même contraints de libérer ces forêts. Pendant ce temps, il y a eu une infiltration clandestine de certaines populations étrangères. En 1981, la SODEFOR en a recensé près de 70. En 2001, à notre grande surprise, sur injonction des autorités, après un recensement, nous avons dénombré 4700 Burkinabè. Nous ne savons pas qui les a installé ou comment ils sont arrivés. Pendant qu'on déclare nos forêts classées, sans nous consulter, sans notre avis préalable et que l'on nous dépossède de nos biens, on autorise les étrangers à s'y installer. Voici ce que nous n'acceptons pas. Car il y a là deux poids deux mesures.
Pourquoi maintenant ce réveil surtout que la paix est de retour avec l'Accord de Ouagadougou où les allogènes doivent regagner leurs campements et plantations ?
L'Accord politique de Ouagadougou est, selon les thèmes du Président Laurent Gbagbo, le médicament?, le meilleur pour soigner la Côte d'Ivoire. Nous ne pouvons pas soutenir cet Accord et être opposés à son application. Certaines personnes font une mauvaise lecture de nos positions. La vérité, c'est que ces derniers au lieu de jouer leur rôle d'arbitre, font du retour des communautés étrangères, leur mission première. Nous demandons seulement qu'on nous clarifie une chose. Si nos forêts sont encore classées et pour le respect de la République, aucune personne n'a le droit de s'y installer. Dans le cas contraire, si celles-ci sont des forêts classées, nous pensons logiquement que les premiers bénéficiaires seraient les riverains, dont nous. C'est cela notre préoccupation et notre souci. Avez-vous bénéficié de l'arbitrage du préfet militaire ou des élus locaux pour mettre un terme à cette situation ?
C'est un dialogue de sourd auquel nous assistons. Les quelques rares fois qu'il nous a fait appel, il ne nous donne pas l'occasion de nous exprimer. Il nous ordonne avec un ton qui frise le mépris de recevoir les allogènes dans nos forêts. Donc la situation avec lui n'évolue pas. Sinon, les élus locaux tentent tant bien que mal de jouer leur rôle. Nous avons même reçu la visite du ministre de la Réconciliation avec qui nous avons abordé, en plus de ce problème, d'autres questions. Parce que, ce que beaucoup ignorent est que c'est le village de Diouya-Dokin qui, dans la crise, a reçu tous les déplacés des villages voisins. Toutes les populations des villages attaqués ont été accueillies à bras ouvert ici. Cette remarque pour vous signifier le caractère de notre hospitalité. Nous ne sommes pas un peuple hostile. Notre seule préoccupation aujourd'hui, retrouver nos forêts. Le préfet militaire soutient qu'un cadre tirerait les ficelles donc vous encouragerait dans votre position de ne pas accepter le retour des déplacés internes. Qu'en est-il exactement ?
Nous ne savons pas de quel cadre parle le préfet militaire. La seule personne qui est à l'écoute du village et que la population écoute est Séa Daniel, cadre aux Impôts. Il a beaucoup de projets pour notre bien-être. Il a donc beaucoup à faire que nous manipuler. Il se soucie tellement du devenir de ce village que nous pensons qu'il n'a pas le temps de penser à des stratégies pour empêcher un quelconque retour des déplacés. Quelles sont donc vos préoccupations qui ne sont pas prises en compte ?
Nous sortons d'une crise qui nous a beaucoup affaibli. Nous avons besoin de retrouver nos forêts pour assurer le développement de notre cadre de vie. En plus de cela, il faut que dans le cadre des différents projets initiés par le Président de la République, Laurent Gbagbo, nous soyons pris en compte. Nous n'avons aucune infrastructure sanitaire, scolaire. Pas d'eau potable. Les eaux que nous buvons sont souillées du fait de la guerre. Voici des préoccupations que le préfet militaire devrait recenser et prendre en compte au lieu de faire la pression inutile sur nous pour nous imposer un retour forcé.

Propos recueillis par
Bamba Mafoumgbé

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