vendredi 30 mai 2008 par Notre Voie

A l'occasion de sa visite de travail de 72 heures en Côte d'ivoire, du dimanche 25 au mercredi 28 mai 2008, la Haut Commissaire adjointe des Nations unies aux Droits de l'Homme, Mme Kyung-Wha Kang, a posé l'importante question de la violation des droits de l'homme durant la guerre imposée à la Côte d'Ivoire à partir du 19 septembre 2002. Elle s'est préoccupée des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité en dénonçant l'ordonnance du 12 avril 2007 prise par le président de la République, Laurent Gbagbo, et portant amnistie des Forces de défense et de sécurité (FDS) ivoiriennes, ainsi que des Forces nouvelles (ex-rébellion armée). Une ordonnance qui s'étend sur la période du 17 septembre 2000 au 12 avril 2007.
Au cours de ma rencontre avec le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, j'ai exprimé mes préoccupations au sujet de l'ordonnance du 12 avril 2007 portant amnistie dont certaines dispositions semblent ne pas être en conformité avec les dispositions sur l'amnistie contenue dans l'accord politique de Ouagadougou, ainsi qu'avec la loi d'amnistie de 2003. Les mois critiques à venir précédant les élections présidentielles et législatives sont une opportunité pour donner plus de visibilité et mettre en relief les questions importantes des droits de l'homme et, en particulier, les violences sexuelles et celles basées sur le genre, a soutenu Mme Kyung-Wha face à la presse. Tout en demandant au gouvernement ivoirien de réviser cette ordonnance du 12 avril 2007, la Haut Commissaire adjointe des Nations unies aux Droits de l'Homme s'est référée aux principes universellement reconnus du droit international et des pratiques de l'ONU selon lesquels aucune amnistie n'est envisageable pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité et autres violations graves des droits de l'homme.
Après une lecture minutieuse de l'ordonnance du 12 avril 2007 portant aministie des FDS et des forces nouvelles ainsi que l'accord de Ouagadougou et la loi d'amnistie adoptée en 2003, l'on se rend compte que l'Etat de Côte d'Ivoire n'a pas consacré de prime à l'impunité. Bien au contraire, le chef de l'Etat, Laurent Gbagbo, a préservé l'action pénale pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Même si, pour faciliter le processus de paix et permettre à la Côte d'Ivoire de retrouver sa stabilité, il a, conformément à l'accord de Linas-Marcoussis et aux recommandations de la communauté internationale, amnistié les actions (combats ayant causé des victimes) purement militaires des belligérants (FDS et forces nouvelles). L'ordonnance du 12 avril 2007 dit clairement, dans son article 3, que la présente ordonnance ne s'applique pas aux infractions économiques ; aux infractions qualifiées par le code pénal ivoirien de crimes et délits contre le droit des gens, crimes et délits contre les personnes, crimes et délits contre les biens autres que celles énumérées aux articles 1 et 2. (voir l'ordonnance pour les articles 1 et 2). Tout en s'appuyant sur la loi d'amnistie de 2003, l'accord politique de Ouagadougou stipule ceci à son point 6.3 relatif à l'amnistie : afin de faciliter le pardon et la réconciliation nationale et de restaurer la cohésion sociale et la solidarité entre les Ivoiriens, les deux parties au Dialogue direct conviennent d'étendre la portée de la loi d'amnistie adoptée en 2003. A cet effet, elles ont décidé d'adopter, par voie d'ordonnance, une nouvelle loi d'amnistie couvrant les crimes et délits aux atteintes à la sûreté de l'Etat liées aux troubles qui ont secoué la Côte d'Ivoire et commis entre le 17 septembre 2000 et la date d'entrée en vigueur du présent accord, à l'exclusion des crimes économiques, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.
Comme on le voit, le chef de l'Etat et le gouvernement ivoirien sont restés attachés au respect des droits de l'homme et à la lutte contre l'impunité, comme le veut l'ONU dont la Côte d'Ivoire est membre. Vouloir faire la paix ne signifie pas absoudre les pires massacres et les violations des Droits de l'homme. La Côte d'Ivoire, qui en est consciente, a créé, par décision N° 22005-08/PR du 15 juillet 2005, une commission nationale des droits de l'homme, qui a été installée le 11 janvier 2007. Aujourd'hui, le pays tout entier est tourné vers la sortie de crise par des élections présidentielles et générales, libres et transparentes. Pour y arriver, il faut une bonne dose de bonne foi de tous les acteurs (internes et externes), ainsi que des fonds pour financer tout le processus. La Côte d'Ivoire court toujours à la recherche des appuis financiers. Les promesses faites çà et là peinent à être concrétisées. Mais les Ivoiriens continuent toujours à faire confiance à la communauté internationale et à l'ONU. Même si, pour en revenir à la question des Droits de l'homme, on continue de s'interroger sur la lenteur des Nations unies concernant l'enquête internationale sollicitée par l'Etat ivoirien à propos de l'attentat à Bouaké contre l'avion transportant le Premier ministre Guillaume Soro. Ce que la Côte d'Ivoire attend de la communauté internationale, c'est qu'elle l'aide résolument à sortir de la crise. Or il semblerait que quelques officines obscures veuillent faire diversion. En évoquant des questions qui peuvent encore une fois crisper la situation.




Didier Depry didierdepri@yahoo.fr

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