jeudi 2 juillet 2009 par Notre Voie

Notre Voie : Monsieur le ministre, beaucoup de choses avaient été dites, suite aux différents reports de la visite d'Etat du président Gbagbo dans votre région. Finalement, la visite a eu lieu et le chef de l'Etat a été chaleureusement accueilli par une population qui s'est fortement mobilisée. Quel regard portez-vous sur cette visite ?

Mohamed Lamine Fadika : Il n'est pas faux de dire que les différents reports de cette visite d'Etat avaient quelque peu découragé nos parents qui aspiraient tant accueillir le chef de l'Etat. Mais, Dieu merci, la dernière annonce a ravivé la flamme de l'espoir dans tous les c?urs. Et puis la confirmation de la visite, malgré les obsèques d'Omar Bongo à Libreville, au Gabon, a rassuré tout le Bafing : Le président pense bien à nous. Inch'Allah, il viendra sûrement !?. Dès lors, dans toutes les contrées de notre région, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest en passant par le Centre, toutes nos vaillantes populations se sont mobilisées comme un seul homme, et dans toutes leurs composantes (Malinké, Kla, Dan), au coude à coude, avec les frères ivoiriens venus d'autres régions du pays, sans oublier les ressortissants des pays frères et amis vivant en bonne intelligence avec nous depuis des lustres.

Les parents sont venus en masse de partout pour accueillir le président Laurent Gbagbo, l'illustre hôte du Bafing. La mobilisation n'était pas seulement exceptionnelle; elle était empreinte d'une allégresse et d'une ferveur indescriptibles. Et cette ferveur est devenue communion quand, nous fils du Bafing, avons senti que Laurent Gbagbo était très heureux d'être chez nous. Qu'il était très bien et tout à fait à l'aise parmi nous, tel le capitaine dans l'eau.

Nous aussi, nous étions heureux d'être avec un chef si proche de nous par sa simplicité, son ouverture et son style direct. S'informant de tout, manifestant une exceptionnelle capacité d'écoute, dans l'humilité, à l'égard de tout un chacun. De toute évidence, le Bafing venait d'ouvrir son c?ur et ses portes au docteur averti, capable de diagnostiquer et puis de guérir ses maux.



Notre Voie : Que voulez-vous dire ?

M.L.F. : Voyez-vous, depuis une décennie, le Bafing souffre d'un mal profond et grave. Mal aggravé par la guerre survenue dans notre pays en septembre 2002. Avec l'arrêt brutal du projet riz, maïs et aussi du soja. Projet phare par excellence, impliquant la nouvelle génération de paysans modernes de la région, formés pour assurer la relève des anciens. Du jour au lendemain, toute cette génération a été réduite au chômage et de nombreuses familles condamnées au dénuement. Aucune explication officielle n'a jamais été donnée sur les raisons de l'arrêt de ce projet, locomotive de toute la région. Aucun éclairage n'a jamais été fourni quant à la destination du reliquat des fonds-BAD affectés au projet et estimés à 10/ 12 milliards de nos francs pour le Bafing et le Denguelé.

Dès son arrivée dans le Bafing, en médecin très avisé et en observateur particulièrement attentif, qui questionne sans cesse et écoute inlassablement avec humilité tous ses interlocuteurs, le président Gbagbo n'a pas tardé à toucher du doigt les causes du mal profond dont souffre le Bafing et ses paysans. C'est donc tout naturellement, aux déflatés du projet riz, maïs soja, cristallisant toute la souffrance et le mécontentement de nos paysans qu'il accorde sa toute première audience à Touba. Quand il leur déclare d'entrée de jeu : Je connais les raisons de vos angoisses et le mal profond dont vous souffrez, il s'agit du projet de riz, maïs et de Soja dont l'arrêt brutal vous a plongés dans la détresse avec vos familles (). Vous demandez une aide urgente de 300 millions de FCFA pour sauver la toute prochaine saison des pluies de juillet 2009, je vous l'accorde. Vous aurez cette somme d'ici deux à trois semaines avec la réinstallation du Trésor à Touba. L'argent est déjà bloqué à Abidjan. Vous voulez aussi et surtout la résurrection du projet de riz, maïs et de soja ? Je vous l'accorde aussi. Très bientôt, je chargerai le BNETD de conduire toutes les études nécessaires. Je puis vous assurer que les propositions qui me seront soumises seront toutes adoptées et appliquées. () Toutes ces décisions seront confirmées et annoncées lors du grand meeting de clôture de Touba?. Ce qui a été fait. Ce fut une explosion de joie accompagnée d'applaudissements frénétiques qui ont fait vibrer toute l'assistance, ce soir-là, à la résidence du chef de l'Etat : le président Laurent Gbagbo venait ainsi de conquérir le c?ur du Bafing. Les autres grandes décisions prises au cours de la visite ont consolidé la confiance et l'affection entre le président et son peuple du Bafing.



Notre Voie : Quelles sont ces grandes décisions qui ont retenu l'attention des populations du Bafing ?

M.L.F : Il s'agit plutôt de grandes décisions qui ont comblé les espérances de nos braves populations et qui étaient attendues parfois depuis des décennies. Par exemple, la décision de réalisation d'un pont sur la Férédougouba, entre Guintéguéla et le complexe sucrier distant de 22km, est un acte majeur qui va désenclaver le Bafing sur son flanc Est, avec la réhabilitation lourde et le bitumage à terme des axes routiers Touba-Guintéguéla, Guintéguéla-Sorotona, vers Worofla et vers Séguéla, et plus loin, vers Daloa et Abidjan.

C'est toute la vie économique de cette vaste zone, riche en terres de culture, qui va en être bouleversée. Il en va de même des décisions prises par le président pour réhabiliter et bitumer à terme les axes Touba-Booko-Guinée. De même que Borotou vers Booko-Guinée et Koro vers Booko-Guinée en vue d'ouvrir le Bafing sur la Guinée forestière.

Une vision généreuse et pertinente du président Gbagbo sous-tend ces grandes décisions d'aménagement routier : il s'agit de constituer entre l'ouest montagneux du pays et la Guinée forestière, un vaste marché dont la prospérité ne peut qu'être bénéfique pour nos deux Etats et leurs régions frontalières. Il en va de même pour la décision majeure concernant la nouvelle politique d'importation et de stockage des bovins en provenance des pays voisins et qui sera sanctionnée très prochainement, comme l'a confirmé le président par une loi. Désormais, il sera interdit aux troupeaux de bétail importés de transhumer à travers notre territoire en direction du sud, détruisant impunément au passage les plantations de nos braves paysans. Ces bêtes doivent être retenues dans une ceinture de parcs de stockage le long de nos frontières ouest et nord et, c'est par camions frigorifiques que leurs viandes seront dorénavant acheminées vers Abidjan. Les heureuses perspectives ouvertes par cette décision majeure sont multiples et fécondes. D'abord, règlement à terme des lancinants conflits agriculteurs et éleveurs. Ensuite, ouverture de nouvelles branches d'activités particulièrement fécondes dans nos zones frontalières : constitution de parcs de stockage du bétail avec possibilité d'emboûche du bétail, eu égard à la proximité du complexe sucrier ; nouvelles activités d'abattage du bétail et de la boucherie ; nouvelles activités de transports réfrigérés, etc. Beaucoup d'emplois et de richesses vont être ainsi créés dans les zones autrefois pauvres.

J'ajoute pour finir que la ville de Touba avec ses 5km de bitume promis et son futur lycée des jeunes filles avec internat aura une vraie allure de capitale régionale.



N.V : On peut donc dire, que le président a pleinement comblé les souhaits du Bafing !

M.L.F. : Assurément oui. D'autant que d'importantes décisions ont été prises aux plans de l'administration, de l'éducation, du social et de la santé pour accompagner et soutenir les grandes décisions économiques et infrastructurelles. L'érection de Ouaninou en département, la création de nouvelles sous-préfectures, la dotation de chaque sous-préfecture existante d'un collège, la réhabilitation ou l'achèvement de châteaux d'eau, notamment à Borotou, Ouaninou et Guintéguéla, l'équipement des maternités et centres de santé etc. Par contre, le président a clairement indiqué qu'il revenait aux conseils généraux de créer des cantines dans les écoles pour impulser la scolarisation de nos enfants. C'est véritablement un nouveau Bafing qui va naître de
la vision du président Gbagbo.



N.V : Justement, pour mettre cette politique en ?uvre, le président a parlé de la création de trois Hautes Autorités de Développement pour le Centre, l'Ouest et le Nord. Qu'en pensez-vous ?

M.L.F. : Cette décision, car il s'agit bien d'une décision de principe déjà arrêtée par le chef de l'Etat, me semble tout a fait appropriée. Le président Gbagbo, tout le monde le sait, est un homme de parole. Quand il promet, il fait. Il a estimé que la création de Hautes Autorités de Développement est la voie la plus sûre pour appliquer rapidement et effectivement les décisions qu'il vient de prendre à Man, Touba et Odienné, et qui s'ajoutent à celles déjà prises dans la région des Savanes. Partout où ces Autorités ont été crées, que ce soit aux Etats-Unis ou même chez nous, pour le développement de San Pedro et de la Vallée du Bandama, elles ont pour vocation d'accélérer le développement de zones particulières, en évitant notamment les pesanteurs administratives, les goulots d'étranglement et autres lenteurs intempestives. D'une manière générale, les résultats obtenus ont été satisfaisants.



N.V. : Ne pensez-vous pas qu'il pourrait y avoir des conflits de compétence entre les administrateurs, les élus et ces hautes autorités de développement ?

M.L.F. : Il faut faire confiance en la sagesse du président pour clairement définir les attributions des uns et des autres et limiter au strict minimum, les éventuels conflits de compétence.


N.V. : Trois mots ont constitué la colonne verté-brale du message du chef de l'Etat : la paix, la République et le travail. Il a dit mais la paix sans le travail n'est rien?. Quel commentaire faites-vous?

M.L.F. : Nous et nos parents avons parfaitement saisi ce message dans sa triple dimension et y avons pleinement adhéré. La preuve. Les instants émouvants qui ont marqué l'ouverture traditionnelle du grand meeting de Touba et au cours desquels le doyen Fama Diomandé doyen, des Diomandé, entouré des doyens des familles Fadika, Bamba, des doyens Kla et Dan et des doyens des autres grandes familles de la région a fait cette déclaration solennelle : Président Gbagbo, avant vous, nous avons donné au président Félix Houphouet-Boigny le nom Cibouè? qui signifie source de vie?. Ceci pour avoir supprimé le travail forcé et nous avoir ainsi offert la liberté, la dignité et une nouvelle vie. A vous, aujourd'hui, président Laurent Gbagbo, nous donnons le nom Lanvia? qui veut dire source de paix et de bonheur. C'est là, un hommage solennel qui vous est rendu, en ce jour béni, pour le travail colossal que vous avez accompli avec une grande sagesse, pour mettre fin à cette sale guerre et à son cortège de lourdes souffrances, et nous ouvrir ainsi les portes d'un nouveau bonheur?.

Par delà l'hommage appuyé de nos parents, c'est un nouveau pacte d'amour et de raison qui était ainsi consacré entre le Bafing et Lanvia?. Tout comme cela avait été le cas avec le Cibouè?.
Le don du boubou Mâlêkê à Lanvia? qui a suivi, a prolongé et enrichi cette symbolique : Mâlêkê ou boubou béni de la maman? est réservé aux seuls dignes fils, aux guerriers victorieux, aux guides pétris de sagesse et qui ont mérité du Bafing. Quant au don de la daba de Yô?, daba par excellence du Bafing, il souligne notre amour de la terre, du travail bien fait et de la paix, pour jouir des fruits de notre labeur et de notre sueur en toute sérénité.



N.V. : Monsieur le ministre, quel message adressez-vous à vos parents après le passage du chef de l'Etat ?

M.L.F. : Je dis d'abord bravo ! Un grand bravo à tous nos parents avant de poursuivre : chers parents, tous ensemble, jeunes et aînés, hommes et femmes, populations et cadres, terroir et diaspora avec les autres frères de Côte d'Ivoire ou des pays amis, tous ensemble, au coude à coude serré, dans une cohésion et une solidarité sans faille transcendant les barrières partisanes et autres, nous avons ?uvré inlassablement dans la ferveur et dans la rigueur pour offrir au président Laurent Gbagbo, l'accueil exceptionnel dû à son rang éminent et à son grand attachement à notre région. Le divin créateur, maître absolu de toute miséricorde et du tout bienfait, grâce aux bénédictions de tous et à la Hôrôma? de nos ancêtres, a daigné bénir nos efforts conjugués pour le Faso? et la visite a connu un succès sans précédent et un immense retentissement, ouvrant ainsi largement au Bafing, à travers les sages décisions et la grande vision de notre bienfaiteur Lanvia?, des perspectives exceptionnelles pour un nouvel essor et un nouveau développement dans la durée, riches de prospérité et de plénitude partagées. Le chef de l'Etat en bon père de famille de tous les Ivoiriens et toujours fidèle à sa parole, a décidé de mettre en place et très rapidement, trois Hautes Autorités de Développement dans les zones ex CNO pour bien orchestrer et accélérer ce développement tout en garantissant l'accomplissement effectif des promesses faites à nos parents. C'est dire qu'il a donc pleinement joué sa partition et nous a remis pour l'essentiel, les clefs de notre devenir. Désormais, pourrait-on dire, la balle est dans notre camp. Nous devons nous aussi jouer notre partition. Il nous appartient de veiller à préserver jalousement et même à enrichir les précieux acquis de cette visite historique pour le bonheur du Bafing.

A cet égard, notre plus grand challenge est de maintenir l'unité et la cohésion réalisées lors du séjour du président Gbagbo. Mission difficile mais pas impossible, car nous avons des atouts. Le temps du parti unique, où toute unité ou toute cohésion régionale étaient suspectes, et où la délation et la désinformation étaient entretenues, désorganisant partout les fraternités régionales, ce temps-là est désormais révolu. Son épée de Damoclès n'est plus sur nos têtes. N'ayons donc plus peur d'être ensemble pour bâtir notre Bafing. Mais les temps nouveaux, les temps actuels, malgré les promesses de la démocratie, de la République et de l'Etat de droit, comportent de nouvelles menaces, tout aussi graves pour notre cohésion et notre fraternité. Il s'agit notamment des dérives de politiques politiciennes, particulièrement dévastatrices dans nos régions à dominance rurale.

Quand en démocratie, la méfiance, le mensonge, la haine prennent le pas sur la raison, la vérité et l'amour dans les rapports humains, c'est toute notre fraternité qui, au lieu d'être sauvegardée, voire consolidée, s'effondre, entraînant dans sa chute les bénédictions et la baraka de la collectivité, socle irremplaçable de nos valeurs culturelles, dans notre combat pacifique et quotidien pour arracher nos parents à la pauvreté et à la misère, et bâtir dans la concorde fraternelle, un Bafing nouveau et prospère, riche d'une prospérité et d'une abondance partagées.
Au moment où le Bafing a toutes les cartes en main pour rebondir après une longue léthargie, qu'Allah nous garde de trahir les exigences que l'Histoire nous impose. Qu'il nous garde aussi de décevoir les attentes et les justes espérances de nos parents qui ont tant souffert, qui continuent de souffrir sur une des terres les plus riches de Côte d'Ivoire, terre où grâce à Dieu, tout pousse : riz, maïs, soja, pomme de terre, café, cacao, hévéa, banane, ananas, etc.


Interview réalisée par Boga Sivori et Délon's Zadé

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