mercredi 14 juillet 2010 par Nuit & Jour

Lead Vocal et promoteur du groupe de Rapp Ennemi X, Séry Serge Pacôme est né le 26 décembre 1976 à Divo. Tout en bourlinguant dans les rues d'Adjamé, c'est en 1998 que Séry Serge a véritablement pris son envol avec ?'voix de gangster'', son premier album solo. Sorti chez Show-biz, cet album s'est vendu à plus de 20.000 exemplaires. Avec comme thème de prédilection les faits de société et les sujets concernant l'Afrique, Séry Serge est un artiste qui promet. Dans l'entretien ci-dessous, il fait un tour d'horizon sans faux fuyants sur les maux qui minent le monde ivoirien de la culture.

Vous faites le RAP, alors que la tendance actuelle est le Kpangô, le Zouglou et le Coupé-décalé. N'avez-vous pas l'impression d'être en déphasage ?

Le RAP aura toujours son mot à dire dans l'univers musical ivoirien, parce que c'est une musique universelle. Depuis longtemps, le RAP s'est donc imposé partout dans le monde. Le RAP est une musique incontournable, et cela s'est vérifié lors de la récente Coupe du Monde Sud Africaine, où l'on n'entendait que des sons RAP. Tout comme le reggae d'Alpha Blondy et de Tiken Jah, le RAP est donc mondial.

Quelles sont vos impressions sur les musiciens RAP qui vous ont précédé en Côte d'Ivoire ?

Mes devanciers ont une part de responsabilités dans la stagnation du RAP en Côte d'Ivoire. C'est parce qu'ils n'ont pas assez épaulé la nouvelle génération que nous sommes, que le RAP tarde à être N° 1 en Côte d'Ivoire. Au lieu de nous aider à émerger véritablement, ils nous ont plutôt combattu. C'est ce qui explique que la relève n'ait pas été assurée comme il le fallait.

Par rapport à cette aide, de quoi avez-vous réellement besoin pour émerger véritablement ?

L'exemple du Zouglou est édifiant, où Blé Goudé et Angelo Kabila utilisent leurs moyens pour promouvoir les talents naissants. Là-bas, les artistes ne sont pas des laisser pour compte, même les anciens, ce qui fait qu'ils s'expriment aisément. C'est cet esprit qui a manqué au RAP ivoirien.

Est-ce que vous les jeunes Rappeurs êtes allés vers les anciens, leur proposer une politique de promotion ?

Nous avons tout tenté, sans succès. Nous avons plutôt l'impression qu'ils ont intérêt à ce que nous ne sortions pas. Ils pensent certainement que les Rappeurs authentiques que nous sommes mettront fin à leur business si nous perçons. Cela se comprend, avec les productions nulles qu'ils mettent sur le marché.

Sur le plan national et international, à qui voudriez-vous ressembler ?

Au niveau des Etats-Unis, Jazzy est mon model, ainsi que MC Solar au niveau de la France. En Côte d'Ivoire, je préfère être mon propre model et c'est mieux en mon sens.

Les artistes se plaignent tous de la piraterie. Quelle est la solution à ce fléau, d'après vous ?

La lutte contre la piraterie manque de sincérité. Pendant que l'on fait des campagnes hypocrites à la télé, certains grands carrefours sont bourrés de CD piratés. Notamment au 220 Logements, à Abobo, à Adjamé et surtout à la Sorbonne au Plateau. Alors qu'il suffit de simplement con fier la tache à l'armée, pour que ces CD piratés disparaissent. Les autorités préfèrent tourner en rond avec beaucoup d'hypocrisie, alors qu'il s'agit d'un problème facile à résoudre.

Avec tous les maux qui minent l'industrie musicale ivoirienne, avez-vous l'impression que la musique peut être un véritable facteur de développement ?

Oui, la musique est un véritable facteur de développement, à l'image de Tiken Jah, Magic System et Alpha Blondy qui, avec leurs thèmes, apportent une note positive à l'avancée de la Côte d'Ivoire. Ce sont des leaders d'opinion, dont les messages éclairent les visions du peuple, dans le sens d'une réelle prise de conscience. Surtout Tiken Jah Facoly qui, en plus de faire du social, parle de la situation des jeunes Africains en Europe, etc. c'est toute la jeunesse africaine qui sent le message de Tiken Jah. La musique peut donc contribuer à développer un pays, pourvu qu'on écoute.

On n'en a pas trop l'impression en Côte d'Ivoire, puisque les structures tombent toutes en ruine. Qu'en pensez-vous ?

Au niveau de la mise en valeur et de la rentabilisation des structures, il faut arrêter avec le copinage, en laissant travailler les cadres qui en ont les capacités. Par exemple Sijiri Bakaba qui a pourtant apporté beaucoup tant à la culture ivoirienne, qu'au Palais de la Culture. Les gens n'ont fait que lui mettre les bâtons dans les roues, ils ne l'ont pas laissé travailler. Il y a pourtant eu beaucoup d'évolution avec ce Monsieur, qui a beaucoup apporté à la culture ivoirienne. Le monde de la culture a beaucoup de problèmes en Côte d'Ivoire, parce que très peu de gens sont de bonne foi.

Quelle appréciation faites-vous alors de la démission de Sigiri Bakaba ?

La démission de Sijiri Bakaba est un scandale pour le monde ivoirien de la culture. Bakaba gérait la maison de la culture avec la passion qui caractérise les responsables désintéressés. Il travaillait avec amour pour les artistes en général. C'était un créateur, qui a apporté sa touche personnelle, avec la création de bibliothèque et une politique de formation tous azimuts. Son départ est une perte énorme pour la Côte d'Ivoire.

Les artistes ont entamé une seconde caravane pour la paix. Pensez-vous que ce soit cela votre rôle ?

C'est une excellente initiative, par rapport à l'importance que les citoyens accordent aux artistes. Après ou même pendant leurs taches quotidiennes, c'est nous qu'ils écoutent, surtout pour se détendre ou remettre de l'ordre dans leurs idées. Cette initiative peut donc changer beaucoup de choses, en ce sens que nous ferons essentiellement la promotion de la paix.

Quelles propositions, pour que l'Art en Côte d'Ivoire soit autant apprécié que les autres secteurs ?

Il faut que l'ensemble des partenaires soit sincère et franc. Nous sommes importants, il faut que les autorités le reconnaissent. lors des campagnes politiques, on nous fait appel. Nous avons été au premier plan lorsque la Côte d'Ivoire était en danger. Aujourd'hui, c'est donc normal que nous soyons dans la danse pour conduire le pays à la paix. Il faut que les autorités soient sincères, en prenant des décisions à même de réellement promouvoir nos activités. En Côte d'Ivoire, rares sont les artistes qui vendent 100.000 exemplaires quand ils sortent un disque. Beaucoup d'entre nous sont dans la mendicité, et bon nombre meurt dans la misère, par manque de soin. Cela est un scandale pour la Côte d'Ivoire. Il faut que l'on trouve le moyen de régler une bonne fois pour toutes, les difficultés des artistes.

Franck Boyo

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