samedi 14 avril 2012 par L'intelligent d'Abidjan

Les remaniements ministériels sont une spécialité française et cela depuis des siècles. Dans ce pays, l'un des plus grands plaisirs, de la classe politique et de la population, réside dans ces changements perpétuels d'hommes et de femmes dans le gouvernement. Trois semaines ou quatre après un remaniement ministériel on pense déjà au prochain. Des ministres deviennent la tête de turc de la presse. La grande foule va suivre les pronostics des journalistes et attendre avec impatience le remaniement qui s'annonce. Si deux ministres partent ou que trois nouveaux entrent ce sera le mécontentement généralisé. Les télés ne resteront pas plus de vingt quatre heures sur l'évènement. On annoncera encore un autre remaniement en affirmant que la prochaine sera d'une grande ampleur. Toute cette impatience ne peut se comprendre qu'à travers la littérature française qui reflète le vrai état d'esprit du peuple. Et restons sur le romancier Daninos. Dans son livre : Les carnets secrets du Major Thomson il précise qu'aux Etats-Unis, quand on voit quelqu'un assis dans une Cadillac, le passant rêve d'en avoir. Il a envie de ressembler à celui qui a réussi et s'acharnera au travail jusqu'à l'accomplissement de son but. En France, quand on voit quelqu'un dans une Cadillac, on pense immédiatement à le sortir de cette voiture et à le condamner. Le réflexe est instantané chez le passant aigri et jaloux. Le riche n'est jamais propre. La richesse même est considérée comme un péché. Alors, c'est un réel plaisir de voir ceux qui sont perchés en haut de la société descendre comme un gibier que le chasseur abat. La France a importé dans de nombreux pays sa spécialité du remaniement ministériel, notamment dans ces anciennes colonies. Tout comme en France, nos pays cultivent la passion des remaniements ministériels. L'Afrique est même certainement le terrain le plus favorable à ce comportement français. Déjà, dans mon premier recueil de nouvelles : Les deux amis , j'écrivais que le peuple, pour le rendre heureux, un Chef d'Etat doit régulièrement faire des remaniements ministériels. On comprend aisément que notre président de la République a dû décevoir de nombreuses personnes dans ce pays lors de sa dernière interview radio-télévisée. Plusieurs personnes m'ont même dit qu'elles ne comprenaient pas cette attitude du petit des Coulibaly de ne pas se séparer de nombreux ministres comme le pronostiquaient la presse et la rue. Et pourtant, le Président avait dit qu'il a été dès l'âge de 20 ans aux Etats-Unis d'Amérique et il en a parlé très souvent. Cette petite phrase glissée dans son intervention a une très grande importance dans sa vision de la politique, diamétralement opposée aux méthodes françaises. Et ce n'est pas pour rien que j'écris souvent : Notre Président américain . Aux Etats-Unis, le président vient avec son équipe pour tout son mandat. C'est une équipe qui monte pour jouer un match durant les 90 minutes et un bon coach ne change pas à tout moment ses joueurs, sauf en cas de blessure, car cela montrera qu'il n'est pas lui-même au niveau de l'enjeu. Le ministre donc peut travailler avec sérénité au lieu de passer son temps à se battre contre les détracteurs qui veulent le pousser vers la porte de sortie. Le Président Ouattara se situe dans cette vision américaine et non française. Vous ne pouvez pas comprendre ma joie écoutant les propos du Président sur le rejet de tout remaniement ministériel sans aucun fondement moral. Pour une fois on donnera le temps aux ministres de faire aboutir des reformes. D'ailleurs, pourquoi les changer quand on sait qu'ils ont des séminaires gouvernementaux tous les trois mois. Une vraie solidarité gouvernementale. Je jubile. Mais attention ! Le système américain a des inconvénients. C'est un danger permanent pour les ministres. En dehors de bien travailler il y a deux erreurs qui peuvent faire partir des ministres sans préavis. Il y a quelques semaines, j'étais à un déjeuner- débat avec des diplomates américains qui voulaient discuter avec moi sur mon roman : Christine . Comme tous mes livres, on y trouve mes trois thèmes que sont la femme, le pouvoir et Dieu. Ces américains s'étonnaient que mon personnage, un diplomate, puisse faire des affaires dans l'exercice de ses fonctions. Ils n'imaginaient pas un homme politique américain faire du commerce ou du business. Le Président en a parlé entre les lignes. Gare à ceux qui profiteront de leur fonction pour se livrer à des pratiques incompatibles avec leur fonction. Plus de corruption. Tout se sait. Rien ne se cache plus. La deuxième erreur à ne pas commettre et qui noie de nombreux politiciens en Amérique sont les problèmes de m?urs. Dès qu'on est ministre ou qu'on veuille faire une bonne carrière sous Ouattara il faut rester avec sa seule femme. Toute parenthèse délicieuse peut compromettre un bel avenir dans le gouvernement. Dans nos contrées, les Nafissatou Diallo sont nombreuses et les adversaires peuvent s'en servir. Ainsi va l'Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly

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