Le vendredi 20 juillet, Duékoué a été à nouveau le théâtre de nouvelles violences qui ont fait plusieurs morts. 24h après les brutalités, nous nous sommes rendus sur les ruines fraîches du camp des déplacés de Nahibly qui a été emporté par ces violences. Lorsque nous arrivons dans la ville, il est exactement 12h30. Rien ne laisse voir que 24h auparavant, Duékoué a été secoué par de terribles évènements qui rappellent d'autres plus graves comme ceux qu'on a connu au lendemain de la crise postélectorale. Les populations vaquent apparemment à leurs occupations. Le transport, les commerces, tout fonctionne normalement. Mais les vieux démons semblent se réveiller dès qu'on aborde les tragiques évènements du vendredi chez certaines populations qui ne démordent toujours pas. Trop, c'est trop ! Les gens ne pouvaient pas continuer à nous tuer impunément. C'est pourquoi nous avons agit ainsi , nous balance le jeune T., la trentaine dépassée, que nous avons rencontré dans un restaurant et qui sans utiliser la langue de bois nous explique qu'il était de l'expédition punitive qui a conduit à la destruction du camp de Nahibly. Selon lui, ils n'ont pas eu tort de mener un tel raid sur ce camp : En présence de toutes les autorités, nous avons trouvé plusieurs armes cachées en cet endroit que nous leur avons remis, explique-t-il. Celui-ci ne s'arrête pas là : Dans le camp, il n'y avait pas que les seuls Guérés (population autochtone, ndlr). D'autres personnes étrangères y étaient. Sans doute des mercenaires qui se cachaient là. Car elles ne parlent pas français, mais anglais, révèle-t-il. Avant d'ajouter : Nous ne voulons plus de camp de déplacés ici pour notre sécurité. Si les gens veulent les aider qu'ils leur donnent des tôles et tout le nécessaire pour qu'ils retournent chez eux , fait savoir notre interlocuteur. Pour lui, les différents braquages (avant cette expédition, deux braquages ont eu lieu successivement dans la nuit du mercredi 18 et celle du jeudi 19 juillet accompagné de tueries, ndlr) qui ont conduit à ces évènements sont la face visible de l'iceberg : Ce n'était pas de simples braquages. Ces braqueurs, quand ils s'emparaient des biens des victimes, ils leur ôtaient la vie. C'est l'un de ses malfaiteurs qui au cours d'un affrontement avec les Dozo a été blessé. Il a réussi à s'enfuir pour se réfugier dans le camp. Il a été suivi par ces dozos, relate-t-il.
Lorsque nous nous rendons sur le site de Nahibly, c'est un champ de désolation qui s'offre à nous. Sur le site nous rencontrons une famille de 5 personnes revenues chercher ce qui leur reste encore comme biens. A part cette famille, plus personne n'est encore présente sur les lieux. Après l'attaque les déplacés ont trouvé refuge à la mairie où ils sont sans assistance. A notre arrivée, nous sommes tombés sur une distribution de vivres, essentiellement du pain, que la mairie leur a offert. Ils ont refusé l'eau que leur a apporté l'Onuci : Nous ne voulons pas de leur eau. Où ils étaient quand on nous tuait ?, crie de colère le jeune Moyéhi Cyprien. Sa colère est encore plus grande d'autant plus qu'il ne sait pas où se trouvent des membres de sa famille : Lorsque le camp a été attaqué, c'était le sauve-qui-peut. Jusqu'à aujourd'hui, certains sont introuvables. Ils sont soit morts où en train d'errer dans la nature. Voyez là-bas ce jeune (il nous montre du doigt un jeune garçon dans le rang qui attend qu'on lui remette sa ration de pain, ndlr) depuis les évènements d'hier, c'est maintenant qu'il arrive . Sur l'attaque qui a eu lieu, il accuse principalement les jeunes Malinké et Yacouba, encadrés selon lui par les Dozo. Quand ils sont arrivés, ils ont encerclé le camp. Ensuite, ils ont lancé l'assaut et se sont mis à taillader tout le monde et à mettre le feu aux tentes. Comme les femmes se sont mises à crier, ils les ont laissé sortir avant de se tourner vers nous les hommes , relate-t-il. Pour ce jeune homme, c'est une attaque de trop : Nous voulons retourner chez nous. Nous souhaitons pour cela que nous soyons accompagnés par les autorités. Le HCR avait promis pour chacun de nous une maison trois pièces. Nous voulons que le projet prenne corps très rapidement , souhaite-t-il.
Selon un travailleur de la Croix rouge, ce sont à ce jour 07 corps qui ont été recueillis et transportés à la morgue de Duékoué.
Rahoul Sainfort (Correspondant régional)