samedi 4 mai 2013 par L'intelligent d'Abidjan

On disait, que lorsque son avion décollait pour un voyage à l'étranger, les fonctionnaires dansaient à Niamey. Je croyais que c'était une légende fabriquée par la presse ou des personnes portées sur la rumeur pour se sentir bien dans leur peau. Je crois que c'est même peu dire que les gens dansaient à Niamey après avoir lu ce document magistral intitulé : Kountché par ses proches. L'auteur, Amadou Ousmane, est un ami. Il a été l'attaché de presse durant toute la présidence de Kountché. Son livre, épuisé depuis fort longtemps, c'est une copie qu'il m'a remise, est un témoignage de vingt trois proches du Chef de l'Etat du Niger, de 1974 en 1987. Ce n'était pas une légende, Seyni Kountché était un homme dur, à poigne, ferme, hyper intransigeant. Dans son visage rigueur, austérité et détermination. Ce sera l'image de son pouvoir. Impossible de le voir sourire a fortiori, rire en public. J'ai compris que Kountché avait une déformation professionnelle. Militaire de carrière et par passion, il dirigeait le pays comme s'il était dans une caserne. Le résultat était bon et même spectaculaire. Nombreux sont les tenants d'une politique ferme pour mettre au travail les Africains. J'en fais, d'ailleurs, partie de ces personnes. Je suivais de très loin Kountché, mais avec cet ouvrage je l'ai encore bien connu. Sa méthode était bonne. Tous les clignotants du Niger étaient au vert. Il pouvait à tout moment, sans prévenir, se rendre dans une administration pour constater si les agents étaient à leur poste et faisaient le travail pour lequel le pauvre Etat les rémunérait tous les mois. Gare aux absents. Avec lui, il ne fallait surtout pas s'adonner à la corruption. Tout ce qu'on achetait était systématiquement contrôlé pour savoir si le montant de l'achat provenait de quelle source. On comprend alors les emprisonnements nombreux et la peur qui s'emparait de tout un peuple obligé de marcher selon la cadence en ligne serrée. Comme le rapporte ces collaborateurs, Kountché disait que le pouvoir rime avec vigilance, jamais avec négligence. Il y a une règle cardinale en politique qu'il ne faut jamais perdre de vue , encore moins oublier, ne cessait-il de dire, ou tu crées une situation et tu l'exploites , ou une situation se crée et tu l'exploites. Avec le multipartisme à l'occidental développé après la mort de Kountché, je me demande s'il pouvait supporter le laxisme démocratique et les vociférations des Occidentaux dès qu'on touche à un cheveu de quelqu'un qui saboterait son travail ? Au nom de la démocratie, Kountché aura-t-il laissé son pays aller à la dérive, comme on l'a vu d'ailleurs par la suite, sans entrer en conflit avec les Occidentaux qui lui auraient coupé les vivres ? Aujourd'hui, à regarder le spectacle de la décadence économique, social et moral de l'Occident, créée en grande partie par leur démocratie, Seyni aurait sans doute résisté. Comment entreprendre une ?uvre ou à faire quand il y a mille voix discordantes qui s'élèvent ? Comment des gens voient tout vert en rouge peut-on développer un pays ? Je ne crois pas toujours aux méthodes de la Baule. L'Afrique doit revenir à la méthode Kountché. La parole, évidemment, a été donnée à Amadou Oumarou dit Bonkano, l'âme damnée de Kountché, le Raspoutine.

J'étais impatient de lire son témoignage. Presque tous les intervenants le citaient. Il est incontournable dans la vie de Kountché. Et surtout permet de comprendre les réalités qui se cachent sous la vie politique africaine. Contrairement à ce qui avait été écrit, Bonkano n'était pas analphabète. Il savait lire et écrire en arabe. Ne pas savoir lire et écrire en français ne fait pas de vous un analphabète, un ignorant. Le mystique de Kountché affirme avoir reçu sa puissance occulte de son grand-père. Il a fait la connaissance de Kountché lors de la maladie, grave de son épouse Mintou. Bonkano fréquentait déjà le camp militaire où se trouvait un de ses amis. Et c'est devant le rétablissement spectaculaire de sa femme que Kountché confiera son destin à Bonkano. C'est Bonkano qui va préparer mystiquement le coup d'Etat qui va renverser Hamani Diori. Peut-on par des pratiques occultes prendre le pouvoir ? Telle est la question qu'on se posera tous les jours. On ne peut pas comprendre le pouvoir africain sans cette connexion des politiques et des mystiques. Bonkano est toujours libre de ses mouvements à Niamey et mérite une participation à un colloque sur ce thème.

Le Raspoutine africain ne me convainc sur les raisons qui l'ont poussé, avec d'autres militaires, à vouloir renverser Kountché. Sa science aurait-elle une limite ? Si c'est lui qui a fait Kountché, pourquoi a-t-il échoué à le renverser ? Ce qui est certain après ce putsch manqué de son meilleur ami, Kountché ne sera plus le même. Ce Président, ni vacances, ni weekends, ni jours fériés, l'Etat, rien que l'Etat, 365 jours par an, restera un modèle de rigueur pour tout cadre africain. Ainsi va l'Afrique. A la semaine prochaine.

Par Isaïe Biton Koulibaly

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