jeudi 25 juillet 2013 par L'intelligent d'Abidjan

La maison d'arrêt et de correction d'Abidjan, la célèbre Maca, la plus grande prison du pays située à la lisière de la forêt du Banco et de la zone industrielle de Yopougon, a encore vécu des heures chaudes et époustouflantes dans la nuit du mardi 23 au mercredi 24 juillet 2013. Sur ce qui a pu se dérouler durant des heures, très peu d'informations étaient disponibles et aucune source officielle n'osait encore s'aventurer dans une quelconque déclaration. Seulement, selon les témoignages recueillis çà et là dans les environs de la prison, l'attention de tout le monde a été captivée par des tirs nourris qui ont débuté mardi, peu après 19 heures, dans l'enceinte du pénitencier. Ils ont duré environ deux heures pour reprendre au petit matin du mercredi vers trois heures. Dès les premiers tirs, les riverains ont été priés de rentrer chez eux, a rapporté un habitant de la cité. On aura peut-être tous les détails de l'affaire après les rapports des autorités de tutelle. Mais une chose est sure en recoupant des bribes d'information : il y a eu des morts et des blessés.

Trois morts et non cinquante

Selon une source médicale proche de la Maca, trois corps ont été formellement identifiés, mais notre source se garde d'en donner les noms. Parmi les blessés il y a au moins deux agents de la police pénitencière. Quand on interroge ceux qui ont le courage de parler de cette énième fronde des prisonniers de la Maca, un seul nom revient : Yacou le Chinois. Un pseudonyme attribué à un caïd de la pègre abidjanaise qui purge une peine de vingt ans, dont il n'est qu'au prélude. L'on raconte que ce sinistre prisonnier est un repris de justice, ancien pensionnaire de la Maca, sauvé par la bataille d'Abidjan durant la crise postélectorale. Yacou Le Chinois ne profite pas de sa libération circonstancielle pour se repentir. Il n'en a cure, l'habitude étant une seconde nature. Yacou retourne à la Maca pour des faits de vol à main armée sanctionnés par vingt ans de prison ferme. Habitué des lieux, il ?'prend vite possession'' du bâtiment C, l'antre des criminels et bandits de grand chemin. Trafic de drogue, extorsion et intimidation sont ses pratiques quotidiennes pour agrémenter sa vie de prisonnier. Yacou Le chinois, selon certains gardes, est incontrôlable et c'est le fait de vouloir le transférer dans une cellule qui convient à sa réputation d'homme dangereux qui a été l'élément déclencheur de la révolte. Une autre version fait cas de son transfèrement dans une autre prison du pays. Dans tous les cas, ses codétenus du bâtiment C avaient encore besoin des services de Yacou et n'entendaient point qu'on l'emmène ailleurs. Ils sont sortis de leurs cellules qui selon des langues, n'étaient pas encore fermées ou simplement vandalisées. ?'Quand vous avez près de trois mille ennemis qui, viennent vers vous, qu'est-ce que vous faites ? Je dois mon salut à mes jambes'', raconte un gardien de prison encore sous le choc. Pour montrer à quel point les prisonniers ont d'abord pris le contrôle de la situation avant d'être ramenés sur terre par les renforts des Frci (armée nationale).
Dans la journée du mercredi 24 juillet 2013, à notre arrivée, une sorte de confusion régnait encore autour et à l'intérieur de la prison. Des témoins rapportent ainsi que dans leur mouvement, les prisonniers ?'mutins'' se sont déportés vers les cellules des femmes dont certaines auraient été prises en otage et d'autres violées. Etait-ce cette supposée prise d'otages qui se poursuivait jusque hier à 16 heures au moment où nous quittions les lieux ? Rien n'est sûr. Mais le ballet des renforts se poursuivait. A 15 h 50, on pouvait dénombrer près de trente véhicules de transport de troupes tous corps confondus : militaires (1er BCP), gendarmes (la plupart des brigades d'Abidjan Nord), la police (CRS I et 23e arrondissement), CCDO, Onuci. Mais peu avant, vers 15 h 30, ces différents corps ont fait leur entrée à l'intérieur. Des policiers armés de matraques, avec des caisses de grenades lacrymogènes, des Frci en tenue de combat, armés de Kalachnikovs et de lance-roquettes (à l'extérieur), puis les gendarmes et le CCDO (Centre de coordination des décisions opérationnelles), une force mixte. ?'C'est pour une opération de fouille généralisée visant à désarmer et à neutraliser les récalcitrants'', tente de rassurer un corps habillé que nous interrogeons. Quand bien plus tard le procureur de la République Silué du Tribunal de première instance de Yopougon sort après les formalités d'usage, il laisse les journalistes sur leur faim. ?'Les opérations ne sont pas encore terminées, donc nous n'avons pas de déclaration à faire. Vous serez informés en temps opportun'', lance-t-il. ?'Vous voulez dire que les négociations ne sont pas terminées ?'', relance un journaliste. ?'Je n'ai jamais parlé de négociation'', coupe-t-il court avant de s'engouffrer dans son véhicule.

S.Debailly

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