vendredi 20 mars 2015 par Ministères



Declaration d'Abidjan
Preambule
La Conference Internationale sur l'Emergence de l'Afrique (CIEA) s'est deroulee du 18 au 20 mars 2015 sous la Presidence de SEM Alassane OUATTARA à Abidjan. Cette Conference a ete organisee par le Gouvernement de la Republique de Côte d'Ivoire et le Programme des Nations Unies pour le Developpement (PNUD) en partenariat avec la Banque mondiale et la Banque Africaine de Developpement (BAD).
Elle avait pour objectif general de stimuler le debat et les echanges d'experiences sur la problematique et les conditions de l'emergence de l'Afrique à la lumière des dynamiques qui ont permis les transformations economiques et sociales intervenues dans les pays emergents, notamment la Chine, le Bresil, l'Inde, la Turquie et la Malaisie. De manière specifique, la conference devait permettre :
d'avoir une meilleure comprehension et une appreciation partagee des enjeux et des conditions de l'emergence ;
d'identifier et de promouvoir les outils et methodes d'analyse, de planification et d'evaluation de l'emergence ; d'identifier et de concevoir des politiques concrètes et
operationnelles pour une transformation structurelle et un developpement inclusif de l'Afrique en vue de d'une emergence generatrice d'emplois productifs et decents, et respectueuse de l'environnement.
La Conference a enregistre la participation d'un nombre important de delegations nationales et de personnalites venant des pays africains, des pays emergents et des developpes. Ainsi, ont pris part à la conference, les Presidents Alassane Ouattara de la Côte d'Ivoire et Macky Sall du Senegal, l'ancien President Thabo Mbeki d'Afrique du Sud, l'Administrateur du PNUD, Madame Helen Clark, une quarantaine de Ministres d'Afrique et de pays emergents, trois cents personnalites et experts de haut niveau representant des Gouvernements, des Institutions Regionales et Internationales, des Organisations du Secteur Prive et de la societe civile ainsi que des Universites et Centres de Recherche.
1. Principales questions abordees et recommandations
Les enjeux et conditions de l'emergence ont ete abordes sous trois thematiques majeures, à savoir: (i) Etat Developpementaliste et l'Emergence; (ii) les changements dans les modes de production et de consommation; (iii) l'Emergence et Developpement Humain.
1.1. L'Etat developpementaliste et l'Emergence
Partant de l'idee que l'emergence est un pari sur l'avenir, qu'elle se planifie et qu'elle se construit dans un environnement stable, de paix, de securite et de respect des droits de l'homme, les participants estiment que l'Etat a un rôle central à jouer dans le processus. Ce rôle central de l'Etat a ete confirme par l'analyse des experiences recentes dans les pays qui ont reussi à realiser une transformation rapide de leurs systèmes politiques, economiques et sociaux, donnant ainsi naissance à la notion d'Etat developpementaliste.


Les participants soulignent qu'il n'y a pas d'emergence sans une croissance forte et durable et que cette dernière ne saurait resulter du seul jeu des forces du marche. L'emergence est plutôt le resultat de la mise en place d'un ensemble coherent de reformes structurelles de grande envergure et d'investissements publics et prives bien cibles, dans un cadre macroeconomique stable et planifie.
Au-delà de ses fonctions regaliennes classiques, l'Etat developpementaliste africain doit presenter cinq caracteristiques majeures :
(i) il doit se doter d'une vision claire, partagee et traduite en actions de developpement.
(ii) il doit être capable d'impulser des reformes structurelles au benefice de l'interêt general. Un tel Etat se materialise par des institutions nationales dotees de capacites et moyens permettant leur fonctionnement perenne.
(iii) il doit être capable de planifier le developpement à moyen et long terme et d'orienter les investissements vers les secteurs, programmes et projets devant concourir àla realisation des objectifs globaux et sectoriels prioritaires pour materialiser la vision de l'emergence.
(iv)
(v) son action doit être fondee sur la transparence et la reddition des comptes ; en clair la bonne gouvernance. Celle-ci doit être axee sur une responsabilite et une participation accrues du secteur prive et de la societe civile.
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Il doit être capable de fournir les services socio- economiques de base, d'accompagner l'eclosion de l'initiative privee ainsi que le fonctionnement efficient des marches. Le renforcement des systèmes de planification assurant une coherence entre les niveaux central et local, et centres sur les objectifs de developpement durable, paraît crucial à cet egard.

1.2. Les changements dans les modes de production et de consommation
Depuis plus d'une decennie, l'Afrique a enregistre une croissance remarquable qui n'a toutefois pas engendre son emergence. Dans la majorite des pays, la croissance economique repose encore sur l'exportation des ressources naturelles et une amelioration des termes de l'echange ; ce qui rend les economies de nombre de pays vulnerables aux chocs exterieurs, notamment ceux lies aux cours des matières premières.
Les participants notent que cette croissance, variable selon les pays et les secteurs, ne s'est pas encore accompagnee de transformations structurelles majeures.
Or, l'experience des pays emergents montre que les plus performants d'entre eux ont connu une forte accumulation du capital physique et une amelioration du capital humain accompagnee d'un transfert massif de main d'?uvre qualifiee vers les secteurs industriel et tertiaire. Sous ce rapport, l'acceleration de l'industrialisation et la transformation des matières premières sont essentielles à la consolidation et à la perennisation d'une croissance forte et durable en Afrique.
Toutefois, cette croissance doit reposer sur une amelioration de la productivite des facteurs de production, fondee sur les progrès technologiques, le developpement des competences humaines et la promotion d'un climat des affaires propice aux investissements et à la pleine prise en compte de la responsabilite societale des entreprises.

L'experience des pays emergents enseigne aussi qu'ils ont su prendre les mesures necessaires pour augmenter les taux d'investissement et d'epargne aussi bien publics que prives. Un système bancaire et financier efficace et competitif, offrant une gamme de produits varies, permettant une bonne intermediation financière, notamment entre les investisseurs et les epargnants, est à cet egard d'une importance capitale.
L'inclusion dans le système financier des populations les plus vulnerables y compris les femmes, et notamment leur accès aux credits, doit être promue de manière à renforcer leur participation à l'economie et garantir la protection sociale du plus grand nombre.
Par ailleurs, les pays qui ont chemine vers l'emergence ont choisi de s'integrer pleinement et strategiquement dans la globalisation des echanges, tout en luttant contre la concurrence deloyale.
Suite à ces analyses, la conference recommande que les pays candidats à l'emergence mettent en ?uvre les mesures suivantes :
(i)realiser une croissance economique forte et soutenable, durable, diversifiee, à forte valeur ajoutee, centree les êtres humains et faisant une bonne utilisation de la technologie et de l'innovation.
(ii)promouvoir des modes de production et de consommation en coherence avec les imperatifs de la transition vers l'economie verte et visant à renforcer les capacites de resilience du système productif, les infrastructures structurantes y compris energetiques.
(iii) accelerer l'integration regionale à travers la creation de blocs regionaux pouvant conduire à terme à l'amelioration du commerce intra regional et à un accès efficace aux
marches mondiaux.
(iv) renforcer la mobilisation des ressources interieures à
travers un elargissement des espaces budgetaires des pays, notamment avec la mise en place de systèmes fiscaux incitatifs, une exploitation optimale du potentiel fiscal et une lutte resolue contre les mouvements illicites des capitaux.
1.3. Developpement humain et emergence
Malgre la croissance continue de ces dernières annees, la pauvrete augmente en Afrique. Ce phenomène est dû, en autre, au fait que la croissance demographique a ete rapide (2,65% par an), et sous-tendue par des taux de fecondite affectant le rythme de croissance du PIB par habitant, qui s'etablissait en moyenne à 1,8% par an entre 1995 et 2014. La demographie est donc une variable importante dans le processus d'emergence.
Aussi, la transition demographique amorcee en Afrique ne suffira pas, à elle seule, à mettre fin à la pauvrete.
Suite à cette analyse, la conference recommande que les pays africains candidats à l'emergence mettent en ?uvre les recommandations suivantes :
(i) promouvoir une croissance acceleree de l'Afrique plus inclusive, notamment en ciblant les secteurs et les lieux où se trouvent les pauvres, leur permettant ainsi de contribuer directement et plus largement à la croissance. Sous ce rapport, l'une des cles de succès serait, outre l'augmentation des performances agricoles, la diversification des revenus ruraux par le biais d'activites rurales non agricoles.


(ii) ameliorer les dispositifs de protection sociale et les transferts monetaires pour redistribuer plus efficacement les benefices de la croissance. La realisation d'une telle croissance, pour être soutenable, devra integrer la preservation de l'environnement et inclure la question de la securite humaine et de la resilience.
(iii) renover les systèmes educatifs et les reorienter vers les changements de comportements et de mentalites, le developpement des competences et de l'emploi des jeunes, et l'autonomisation des femmes.
(iv) ameliorer les systèmes de sante et de planification en prêtant une attention particulière à l'accessibilite, à la disponibilite et aux coûts des prestations.
(v) accorder au secteur agricole, notamment rural, une attention particulière dans le but de renforcer, entre autre, la securite nutritionnelle et alimentaire.
(vi) promouvoir des politiques de population appropriees pour tirer le meilleur parti possible d'une urbanisation rapide et gerer au mieux les flux migratoires qui en sont une composante essentielle.

2. Les mesures de suivi de la conference
Sur le chemin de l'emergence, un triple defi doit être releve : il est d'ordre conceptuel, communicationnel et operationnel.
Pour y repondre, la conference recommande :
- de mettre sur pied un centre de veille strategique sur l'emergence de l'Afrique : Les participants, tirant les leçons des experiences des pays emergents et developpes ,et conscients des contraintes, des forces et des opportunites


des pays africains, sont determines à asseoir les bases de la transformation structurelle de leurs economies et de leurs societes afin de parvenir à une croissance plus inclusive pour un developpement humain durable.
Sur cet arrière-plan, la conference a identifie des options de politiques operationnelles en vue de l'emergence. Qu'en est- il de la pertinence de ces options ? Qu'en sera-t-il dans les annees à venir ? Quels en seront les indicateurs ? Repondre à ces questions passera par la conduite de reflexions prospectives aux niveaux national, regional et international et l'elaboration d'outils d'analyse et de planification strategique orientee vers l'emergence.
- d'organiser tous les deux ans un forum sur les bonnes pratiques. Une telle initiative favoriserait la constitution d'un reseau solide de partage d'experiences et de bonnes pratiques entre experts des pays emergents et pays africains candidats à l'emergence. Un tel forum sera essentiel pour approfondir l'argumentaire pour l'emergence et le plaidoyer en sa faveur. Une attention particulière sera accordee, à la question des mecanismes de financements previsibles innovants et au respect des engagements pris dans le cadre du partenariat mondial.
- de mettre en place un comite de haut niveau, compose de representants de la Cote d'Ivoire, de l'Union Africaine, des Communautes Economiques Regionales (CER) et des organisations partenaires, notamment le Programme des Nations Unies pour le Developpement (PNUD), la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Developpement (BAD) pour assurer le suivi des recommandations de la Declaration d'Abidjan sur l'emergence de l'Afrique. Ce comite, qui sera par ailleurs ouvert aux organisations pertinentes du secteur prive et de la societe civile, sera dote d'un secretariat et aura pour tâche de preparer un programme d'actions base sur les recommandations de la conference, et dont la mise en ?uvre fera l'objet d'un suivi rigoureux par les instances des parties prenantes, y compris au niveau ministeriel.


Fait à Abidjan, le 20 mars 2015

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