par Fraternité Matin

Des opérateurs économiques et des journalistes des 16 pays membres de l'espace OHADA ont pris part, les 5, 6 et 7 février, à un atelier de sensibilisation à Conakry. Ils sont venus des seize Etats parties de l'espace OHADA pour réfléchir sur le thème central Le droit OHADA à l'épreuve de la pratique. Ils, ce sont les opérateurs économiques et les hommes des médias qui, pendant trois jours, à Conakry, se sont mis à l'école du droit des affaires. Et ce, grâce aux éminents juristes de la Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA), institution judiciaire supranationale de cassation. Organe essentiel de l'Organi-sation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), la CCJA est basée à Abidjan et comprend sept juges et deux chambres présidées chacune par un des deux vice-présidents. Ces 72 heures de travaux ont donc permis aux opérateurs économiques et aux journalistes de l'espace OHADA de faire plus amples connaissances avec cette juridiction, son fonctionnement, son organisation, etc. Les échanges étaient axés sur six sous-thèmes aussi importants les uns que les autres. Ces thèmes sont: Aperçu sur le droit commercial général, développé par Maïnassara Maïdagi, magistrat, juge à la CCJA; Aperçu sur le droit des sociétés commerciales et des groupements d'intérêt économique, traité par Amadou Sako, directeur du Centre de formation et de documentation judicaire du ministère guinéen de la Justice; Le recouvrement des créances a été l'affaire de Félix Onana Etoundi, assistant juriste à la CCJA/OHADA; Les entreprises en difficulté, sous-thème qui aura suscité un réel engouement au sein de l'auditoire, a été traité par Fodé Bangoura, magistrat guinéen, président du tribunal de Première instance de Kaloum à Conakry; L'intervention de la CCJA dans les procédures contentieuses et consultatives, développé par Boubacar Dicko, juge à la CCJA; le sous-thème L'arbitrage CCJA/OHADA fut le fait de Jacques M'Bosso, premier vice-président de la Cour commune de justice et d'arbitrage. Il ressort des différentes interventions que la CCJA est une juridiction de cassation qui se substitue aux cours de cassation nationales pour tout contentieux relatif au droit uniforme, c'est-à-dire l'acte par lequel sont liés les 16 Etats parties de l'espace OHADA. Les juges de la CCJA étant soustraits à l'influence des juridictions nationales, leur mission ne souffre aucune entorse ou ce qu'il convient d'appeler le nationalisme juridique. Ils exercent en toute indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics nationaux dans le seul souci de demeurer un recours sûr pour les opérateurs de l'espace OHADA. Malheureusement, tous ces efforts de neutralité et de rigueur ne semblent pas avoir une réelle emprise sur certains citoyens des États membres qui continuent de confier leurs contentieux à leurs juridictions nationales plutôt qu'à la CCJA. Dont la plus grande pourvoyeuse de dossiers reste pour l'heure la Côte d'Ivoire suivie par le Gabon. Les autres Etats font preuve d'une certaine tiédeur vis-à-vis de la CCJA, expliquant cela par le fait que leurs juridictions nationales ont jusque-là traité leurs dossiers avec efficacité. Mais, à la vérité, font remarquer certains opérateurs économiques, cette tiédeur est essentiellement due au manque d'information relative au fonctionnement et à l'existence même de la CCJA. C'est pourquoi, tous les participants à l'atelier de sensibilisation à Conakry ont salué cette initiative et souhaité qu'elle soit fréquente afin de mieux faire connaître l'OHADA et ses organes. Dans leurs allocutions à la cérémonie d'ouverture le mardi 5 février dernier à l'hôtel Riviéra Royal, les différents intervenants ont mis l'accent sur la nécessité pour l'OHADA de s'ouvrir aux justiciables. Le Premier ministre guinéen, Lansana Kouyaté qui présidait cette cérémonie, a félicité les initiateurs de cet atelier qui, dira-t-il, permet à la communauté des opérateurs économiques et journalistes de l'espace OHADA de vous voir (les juristes de la CCJA, NDRL), de vous entendre sur les projets qui les intéressent et de dialoguer avec vous sans tabou . C'est une première, poursuit le Premier ministre, qui doit se perpétuer et Conakry ne boudera pas son plaisir de vous recevoir à nouveau. M. Kouyaté préconise que l'OHADA élargisse sa base par l'extension des matières harmonisées et l'élargisse progressivement en recevant en son sein tous les Etats africains qui le souhaitent. L'espace OHADA, qui fait un marché de 130 millions d'habitants, mérite toutes les attentions tant des institutions de l'organisation que des Etats parties, affirme le Premier ministre.
La responsable du projet Fonds africain de développement/Banque africaine de développement FAD-BAD à la CCJA, Elise Andréa Marie Agbo, a expliqué: Face aux difficultés persistantes de la dernière décennie marquée par une crise de confiance des opérateurs économiques et des investisseurs, certains pays africains ont engagé en commun une réflexion sur le problème de la sécurité juridique et judiciaire des affaires en Afrique. Eu égard au caractère ambitieux de ce projet, poursuit-elle, non seulement pour favoriser le développement de nos pays mais encore pour donner confiance aux investisseurs, la BAD n'a pu résister aux sollitations de la CCJA en la soutenant. Elise Andréa-Marie Agbo a exprimé le bonheur qu'elle ressent en voyant débuter l'atelier de sensibilisation des opérateurs économiques et des organes de presse des 16 Etats parties à Conakry. Et ce, après les ateliers de Yaoundé au Cameroun du 28 mai au 2 juin 2006 et de Ouagadougou du 26 au 28 juin 2007 afin d'atteindre les objectifs qu'ont déterminés le FAD du groupe de la BAD à nous apporter son appui. Quant au président de la CCJA, Ndongo Fall, il s'est attelé à faire remarquer qu'en organisant le présent atelier de sensibilisation, la CCJA a choisi de s'ouvrir plus particulièrement en direction des usagers et destinataires du droit des affaires que sont les opérateurs économiques. Mais également en direction des hommes de presse, pour non seulement l'imprégnation à ce nouveau droit mais aussi pour une meilleure diffusion de celui-ci. Le président de la CCJA a noté que l'éloignement géographique de la Cour dont le siège est à Abidjan est souvent brandi par certains opérateurs économiques comme un épouvantail pour s'en détourner. Mais à ce propos, explique-t-il, il faut souligner que la procédure devant la Cour est en principe écrite et ne nécessite aucun déplacement physique des plaideurs car toutes les pièces de la procédure peuvent être transmises par courrier.

Option : Juridiction supranationale

La Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA (CCJA/OHADA) se veut une juridiction supranationale de cassation. Qu'est-ce à dire? Tout simplement, il s'agit d'une instance au-dessus des juridictions nationales. A ce titre, la CCJA bénéficie d'une réputation d'indépendance absolue, étant donné que les juges qui y siègent viennent de différents pays et sont élus pour sept ans renouvelables une fois. Cette situation est de nature à favoriser un climat de confiance entre les opérateurs économiques, les investisseurs et la juridiction. Ceci est d'autant plus important que c'est très souvent que les appareils judiciaires nationaux sont accusés de corruption, de népotisme et de lourdeur. Toutes choses qui détournent parfois les investisseurs de certains Etats d'Afrique. Où tous savent que la justice est aux ordres du Maître. C'est pourquoi, il importe que l'OHADA et la CCJA soient encouragées dans leur mission. Et qu'elles-mêmes s'emploient à donner d'elles la meilleure image possible par ces temps où les sociétés sont, pour la plupart, à la recherche de repères. Dans un monde des affaires souvent en butte à diverses dérives et autres fourberies, avoir un système judiciaire fiable et fort est un réel gage de confiance. Qui pourrait profiter aux 16 pays membres, tant il est vrai que les investisseurs n'éprouveront plus de crainte à se diriger vers ces Etats pour faire prospérer leur magot. Cela a été relevé par les participants à l'atelier des 5, 6 et 7 février 2008 à Conakry. Entreprises en difficulté, recouvrement de créances, gestion des sociétés anonymes et des SARL : Ce que prévoit la Cour commune de justice. Entreprise en difficulté. Une réalité bien connue en Afrique où se pose avec acuité le problème de gestion des biens publics et privés. On parle de mal gouvernance. En affaires, la mal gouvernance ne pardonne guère car elle conduit inévitablement à la banqueroute. Cette situation est si répandue sous les tropiques que la Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA) en fait une préoccupation au point que l'atelier de Conakry y a accordé un temps de réflexion à travers le sous-thème 5 portant sur: Les entreprises en difficulté et traité par le président du tribunal de Première instance de Kaloum (Guinée), Fodé Bangoura. De son exposé de douze pages, il ressort que le droit des entreprises en difficulté, spécialement celui des procédures collectives, a été profondément renouvelé avec l'adoption de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif à Libreville le 10 avril 1998 et entré en vigueur le 1er janvier 1999. Cet Acte est applicable aux procédures ouvertes à compter de son entrée en vigueur. Et prévoit trois procédures en matière d'organisation des procédures collectives d'apurement du passif. Il y a le règlement préventif qui, faut-il le préciser, ne constitue pas une procédure collective au vrai sens dans la mesure où il intervient avant la cessation de paiement. Et ce, à l'initiative exclusive du débiteur qui veut en bénéficier. Celui-ci en fait la demande en introduisant une requête auprès de la juridiction compétente.

Qu'appelle-t-on Procédures collectives?

Il s'agit de procédures faisant intervenir la justice lorsque le commerçant ou l'homme d'affaires n'est plus en mesure de payer ses dettes. On dit d'un tel commerçant qu'il est en état de cessation de paiement ou, à tout le moins, connaît de sérieuses difficultés financières. C'est dans cette situation que l'on active les procédures collectives visant essentiellement trois objectifs: obtenir le paiement des créanciers dans les meilleures conditions possibles en instaurant entre ces créanciers une certaine égalité et solidarité dans le malheur; punir et éliminer le commerçant (débiteur) qui n'honore pas ses engagements. Cette punition est importante en ce sens qu'elle a un caractère dissuasif. Les procédures visent, en outre, (et c'est le troisième objectif) la sauvegarde ou le sauvetage des entreprises redressables, même au prix d'une certaine entorse aux droits des créanciers. L'importance de ce troisième et dernier objectif des procédures collectives tient à la prise de conscience de l'impact négatif de la disparition des entreprises surtout les plus grandes, sur l'économie nationale. Les licenciements économiques qu'entraînent les difficultés, nuisent au dynamisme de l'économie et aux équilibres macro-économiques et perturbent notamment la paix sociale. En prescrivant une armada juridique, la CCJA entend non seulement aider les opérateurs économiques à s'organiser dans leurs affaires, mais aussi éviter que les hommes d'affaires véreux nuisent impunément à ceux qui décident de leur faire confiance. Car combien sont-ils ces responsables d'entreprise ou ces commerçants qui dilapident les fonds de leurs activités dans des vétilles? Ils sont légion de sorte que le droit demeure le seul véritable recours en cas de situation inconfortable. Le recouvrement des créances demeure également une autre plaie en affaires tant il est vrai que beaucoup n'aiment pas honorer leurs engagements. L'exposé de 25 pages, présenté par Félix Onana Etoundi, assistant juriste à la CCJA, visait à présenter les deux types de procédures qui s'offrent au créancier désemparé pour recouvrer sa créance: les procédures simplifiées et les voies d'exécution. Les procédures simplifiées de recouvrement des créances sont des techniques par lesquelles un créancier peut rapidement obtenir une décision de justice condamnant le débiteur au paiement de la créance. L'Acte uniforme de l'Ohada en distingue deux : l'injonction de payer et l'injonction de délivrer ou de restituer. Quant aux voies d'exécution, ce sont des procédures qui permettent à un créancier impayé de saisir les biens de son débiteur afin de les faire vendre et de se payer sur le prix de vente ou de se faire attribuer lesdits biens. A travers ces différentes explications, le conférencier a tenu à justifier l'existence de ces procédures de recouvrement de créances. Il s'agit de lutter contre la mauvaise foi et la mesquinerie de certains débiteurs qui ne consentent le plus souvent à honorer leurs engagements qu'au bout d'une bataille judiciaire longue et coûteuse, fait observer Félix Onanan Etoundi. C'est cela, déduit-il, qui a déterminé le législateur à venir au secours du créancier en organisant à son profit des procédures de recouvrement visant à briser la résistance du débiteur. La communication sur le droit des sociétés commerciales et des groupements d'intérêt économique (SCGIE) a été également très suivie par les participants. Car elle a permis de comprendre la gestion, le fonctionnement et les caractéristiques des sociétés commerciales. Définie par les articles 4 et 5 du droit des sociétés commerciales et groupements d'intérêt économique, la société commerciale est une structure créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d'affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Les associés s'engagent à contribuer aux pertes dans les conditions prévues par le présent Acte uniforme. La société commerciale doit être dans l'intérêt commun des associés. La société commerciale peut être également créée, dans les cas prévus par l'Acte uniforme, par une seule personne dénommée associé unique par un acte écrit.
Cette communication a mis en lumière les règles propres à chaque type de société, à savoir: la société en nom collectif ( SNC la société en commandite simple (SCS); la société à responsabilité limitée (SARL); la société anonyme (SA) et le groupement d'intérêt économique (GIE). En prenant part à cet atelier, les citoyens venus des 16 pays membres de l'espace Ohada ont accepté d'aller à l'école du droit des affaires et auront beaucoup appris quant aux règles régissant le monde très difficile des opérateurs économiques. Pourvu que les riches enseignements reçus à ces assises ne soient pas justes des données livresques à ranger soigneusement dans les placards sans jamais en tirer le moindre profit.



Focus : Vous avez dit Ohada?

L'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) a été créée par le traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique signé le 17 octobre 1993 à Port-Louis en Ile Maurice. Elle vise à remédier à l'insécurité juridique et judiciaire existant dans les Etats parties, faciliter les échanges et de restaurer la confiance des investisseurs. Le traité Ohada, qui appartient à la catégorie des accords multilatéraux, est ouvert à l'adhésion de tout pays africain. Ces principaux objectifs sont: mettre à la disposition de chaque Etat des règles communes simples, modernes et adaptées à la situation économique; promouvoir l'arbitrage comme instrument rapide et discret des litiges commerciaux; améliorer la formation des magistrats; préparer l'intégration économique régionale. Le traité institue la primauté des Actes uniformes sur le droit national. Au titre des institutions, l'Ohada comprend: le Conseil des ministres qui en est l'organe normatif; la Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA) a son siège à Abidjan; le secrétariat permanent est installé à Yaoundé, au Cameroun, quand l'Ecole régionale supérieure de la magistrature est, elle, basée à Porto-Novo Bénin. Elle est, administrativement, rattachée au secrétariat permanent. Quant à la CCJA, organe essentiel de l'Ohada, elle a été mise en place le 4 avril 1997. La Cour est administrée par un président, assisté de deux vice-présidents. Les 16 membres de l'espace Ohada sont: Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo-Brazza, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée, Conakry, Guinée-Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et Togo. La CCJA a une mission à la fois consultative, contentieuse et arbitrale.



Repères

Représentation. Quatre organes représentaient la presse ivoirienne à cet atelier. Ce sont: Fraternité Matin, Notre Voie, Radio Côte d'Ivoire et la Télévision première chaîne. Électricité. La cérémonie d'ouverture, présidée par le Premier ministre a connu, une interruption de l'électricité au moment de la projection d'une diapo sur la CCJA. Ce fut un moment de grande gêne pour le Premier ministre et les membres du gouvernement qui l'accompagnaient. En Guinée, les coupures de courrant sont plutôt fréquentes. Composition. Différents types de sociétés. La société en nom collectif est composée d'au moins deux associés. Aucun maximum n'est fixé. Coexistence. La société en commandite simple est une société ou coexistent deux catégories d'associés: les associés commandités qui sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales; et les associés commanditaires qui ne sont responsables des dettes sociales que dans la limite de leurs apports. SARL. La société à responsabilité limitée est celle qui peut n'avoir qu'un seul associé. Aucun nombre maximum n'est fixé. Son capital minimum est de 1 million de francs Cfa.
SA. La société anonyme peut n'avoir qu'un seul associé. Aucun maximum n'est fixé. Son capital minimum est de dix millions de F Cfa.

Abel Doualy
Envoyé spécial à Conakry

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