par RFI

Quelques jours après le tirage au sort de la CAN, les commentaires continuent d`alimenter les colonnes des journaux et les conversations de comptoirs. Qui passera le premier tour, qui sera couronné le 10 février à Accra? Gérard Dreyfus a choisi de ne pas choisir. L`équation est cette fois, plus que jamais, bien trop compliquée.

Tous les deux ans à la même période, c'est la même effervescence. Les questions sont identiques et les réponses forcément. Quelles sont les chances de mon équipe ? Peut-elle remporter la CAN ? La préoccupation première étant de savoir si elle va franchir le cap du premier tour qui semble l'étape absolument incontournable. Malheur aux vaincus. Et personne, naturellement, ne s'imagine dans la peau d'un perdant. De l'Afrique du Sud à la Tunisie, d'Abidjan à Khartoum, il y aurait comme un crime de lèse-majesté de ne pas jouer les quarts de finale. Cette étape, à n'en pas douter, constitue le point de départ de la compétition, quand bien même vingt-quatre rencontres ont déjà été disputées. Les supporteurs considèrent qu'il y a une espèce d'indignité nationale à ne pas figurer parmi les restants. Et pourtant au Ghana, comme en Egypte, en Tunisie ou au Mali, huit équipes plieront bagages à l'issue du premier tour.

Ne pas confondre présent et passé

Lesquelles ? trépignent d'impatience ceux qui voient leur équipe parée de ses plus belles ailes.

C'est là que le dossier CAN 2008 se complique.
Le passé ? Il n'est qu'un simple indicateur. Parle-t-on de l'équipe d'aujourd'hui ou, par exemple, du Ghana de 1982 ou celui de 2006 ; du Nigeria d'hier ou de celui de novembre 2007 ? Lorsqu'on se livre au jeu des pronostics on retient le meilleur d'une équipe, pas nécessairement sa forme du moment. De 1974 à 19990, le Brésil a été de toutes les Coupes du monde, donné souvent gagnant, en tout cas demi-finaliste au minimum, et il n'a jamais gagné. Vingt-quatre années se sont écoulées entre les couronnements de 1970 et 1994. Il faut donc envisager demain avec les yeux d'aujourd'hui.
Le présent donc. C'est d'abord la phase éliminatoire et ses rebondissements. Il a fallu attendre souvent la dernière journée pour connaître le nom des élus dans chacun des groupes, ce qui démontre que personne n'a dominé outrageusement ses pairs. Quatre équipes n'ont perdu aucun match : la Côte d'Ivoire et le Maroc, chacune dans un groupe de trois , l'Egypte et le Mali. Ces deux dernières n'avaient aucune assurance de qualification à la veille du dernier match. La ligne de résultat est donc insuffisante pour se garantir de certitudes. L'Egypte, tenante de la couronne a même fait un très mauvais parcours dans le groupe sans doute le plus déséquilibré. Sans deux interventions réflexes d'Essam El Hadary, les Pharaons auraient pu être éliminés par le Botswana... Figuraient également dans ce groupe le Burundi et la Mauritanie. L'Egypte aurait dû gagner tous ses matches ; elle n'a signé que trois victoires, toutes à domicile. Honnêtement, comment lui voir conserver sa couronne à Accra au mois de février ?
Le présent encore. Qui seront les absents ? Les forfaits pour blessure. Les absents parce que décidés à ne pas aller jouer la CAN pour se mettre totalement à la disposition de leur club. Exemple le défenseur sénégalais de Bordeaux, Souleymane Diawara, qui a dit et répété qu'il n'était pas disponible pour les Lions de la Teranga et qui a été désagréablement surpris d'être convoqué pour un match amical à Rouen contre la Guinée. Acte volontaire ou pression exercée par le club ? Un international doit être mis à la disposition de sa sélection pour la CAN disent les textes officiels. C'est la loi. Mais la loi n'est-elle pas constamment détournée. Le manageur de Barcelone a personnellement demandé à Samuel Eto'o et à Yaya Touré de ne pas rejoindre les Lions Indomptables et les Eléphants au Ghana. C'est à la fédération camerounaise et au Barça de voir entre eux , a dit Eto'o. Un Cameroun sans son pichichi ce n'est pas la même chose qu'avec. Chacun en conviendra. Au jour où ces lignes sont écrites le Cameroun ne connaît même pas le nom de son sélectionneur... Au Nigeria certains réclament le retour de Jay Jay Okocha. Combien savent-ils dans quel club il joue ? Après une saison au Qatar, l'auteur du millième but de la CAN est retourné en Angleterre. Il évolue à Hull City, club du ventre mou de la deuxième division. Comme on juge une équipe sur ses résultats du passé, parfois très lointain, sur une réputation acquise dans des temps immémoriaux, on a l'esprit très conservateur en matière de joueurs. Okocha a démontré que s'il avait conservé son coup de patte, il n'avait plus ses jambes des jours de gloire. Qu'à cela ne tienne, il faut le sélectionner pensent beaucoup.
Jusqu'au dernier moment un grand nombre d'incertitudes pèseront sur la liste des 23. Souvenez-vous du cas Adebayor en 2006, arrivé en retard à la CAN et qui se trouva dès ses premiers pas au Caire en conflit avec le sélectionneur Stephen Keshi.

Nivellement par le haut

Le dernier point, qui n'est pas nouveau, c'est qu'aucune équipe ne domine les quinze autres. Le nivellement s'est opéré par le haut. Certaines qui ne possèdent que peu de professionnels dans leurs rangs peuvent sembler en situation d'infériorité. Mais ne rattrapent-ils pas en collectif ce qu'ils n'ont pas en talent pur ?

Le Ghana, meilleur résultat à la dernière Coupe du monde, la Côte d'Ivoire au potentiel le plus dense sont des favoris dont le nom vient spontanément à la bouche. Les Black Stars devront se défaire de la Guinée, souvent malheureuse lors des dernières éditions, et le Maroc qui rêve d'un deuxième sacre trente-deux ans après le premier. Les Eléphants joueront la qualification et la suprématie régionale dans un groupe qui réunit quatre équipes de l'Afrique de l'Ouest. Outre le Nigéria, le Mali dont on répète depuis cinq ans qu'il regorge de talents, en pensant toujours au trio Kanouté ? Diarra ? Keita ; et les autres, à propos, sont-ils au même niveau que leurs trois camarades ! Et le Bénin qui ne s'en était pas mal sorti en 2004, avec un groupe un peu limité. Le groupe C sera très dur avec l'Egypte, le Soudan (pensez à El Merreikh et à Al Hilal et à leur parcours en Coupes des clubs), le Cameroun (avec ou sans Eto'o) et à la Zambie qui, par son football pétillant, peut bousculer des équipes moins mobiles comme il l'a fait lors de la dernière journée des éliminatoires au Cap contre l'Afrique du Sud. L'Afrique du Sud qui a tout à craindre et de l'Angola, et du Sénégal et de la Tunisie.

Oui, allez vous y retrouver. La CAN 2008 est probablement la plus ouverte depuis très longtemps. Tous les groupes sont équilibrés. Le match d'ouverture de chacun des groupes, Ghana ? Guinée (A), Nigeria ? Côte d'Ivoire (B), Egypte ? Cameroun (C), Sénégal ? Tunisie (D), pourrait constituer une belle finale. Alors prudence, pas d'emballement. A un Malien qui me demandait l'avenir des Aigles , j'ai répliqué le même que celui du Togo au coup d'envoi des éliminatoires jumelées CAN/CM 2006 . Au risque de passer pour un hésitant je me garderai bien de me prononcer en attendant d'en savoir plus.

par Gérard Dreyfus

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