mercredi 20 août 2008 par Nord-Sud

La mutinerie des policiers guinéens a été réprimée par les militaires. Cet affrontement entre des éléments des mêmes forces a fait trois morts.
Les policiers et les militaires guinéens se sont affrontés mardi à Conakry. Bilan : 3 policiers tués et une centaine d'entre eux ont été arrêtés, ont rapporté la radio nationale et des sources militaires. Depuis lundi, les flics ont entamé une grève pour réclamer une augmentation de salaires. Des militaires déployés pour mettre fin à la mutinerie, ont été pris en otage en même temps que des hauts cadres de la police. Les négociations entamées par le chef d'état major, le général Diarra Camara ayant échoué, l'armée a donné l'assaut au siège de la Compagnie mobile d'intervention et de sécurité (Cmis), bastion de la mutinerie des policiers. Les otages, 2 militaires et une dizaine de gradés de la police, ont été libérés et les mutins emprisonnés au camp des bérets rouges et au célèbre camp Mamadou Boiro. En raison des violences, une rencontre entre les policiers-mutins et le nouveau Premier ministre Ahmed Tidjane Souaré a avorté, a indiqué une source policière. Selon des militaires, l'état major de l'armée n'a pas donné l'ordre d'attaquer le Cmis. Un soldat a déclaré que les militaires se sont sentis humiliés quand des policiers ont arrêté un de leur véhicule et deux de leurs hommes .

Une armée à deux visages

Cette mutinerie des flics intervient après celle des militaires survenue au cours du mois de mai. Durant 5 jours, les bidasses sont rentrés en rébellion contre leur hiérarchie. Ils réclamaient le payement des arriérés de leurs primes et les départ de tous les généraux de l'armée. Le président Lansana Conté a pris des mesures pour calmer la colère des soldats mutins. Les primes ont été payées, le ministre de la Défense Mamadou Baïlo Diallo a été limogé comme l'exigeaient ses interlocuteurs. Cette mutinerie a secoué le pays sans faire trembler le président Conté dont l'armée reste le pilier de son régime. La grande muette en Guinée présente un double visage. D'un côté des généraux gagnés par le poids de l'âge et les fameux bérets rouges bénéficient de nombreux privilèges matériels et financiers. De l'autre côte, les soldats de rang qui constituent le gros de la troupe, vivent difficilement avec des soldes peu consistantes dans un pays où les prix des denrées de grande consommation subissent une inflation galopante. C'est cette armée qui a tiré à balles réelles sur la foule lors des manifestations de rue de janvier 2007. Plus de 120 civils ont été tués par les militaires et de nombreuses sources accusent le fils du président, le capitaine Ousmane Conté parmi les ceux qui avaient la gâchette facile. Le malaise règne donc au sein de la troupe qui a tenu à l'exprimer par des pillages de magasins, des tirs d'armes dans les rues de Conakry et dans les casernes à l'intérieur du pays au cours du mois de mai. Une première mutinerie en janvier 1996 a failli emporter le général Conté, 74 ans, au pouvoir depuis le 4 avril 1984. Le palais présidentiel avait été bombardé, obligeant son locataire à se terrer dans un lieu sûr . Il n'a pu conserver son pouvoir que grâce à une mésentente entre les soldats mutins. Pour éviter qu'un tel scenario se reproduise, Lansana Conté a dépêché rapidement le nouveau Premier ministre Ahmed Tidjane Souaré pour éteindre le feu. Ce dernier a remplacé Lansana Kouyaté présenté comme l'homme du changement. Il avait été imposé par la société civile et les syndicats au chef de l'Etat après les émeutes de janvier 2007. Mais après 14 mois passés à la primature, l'ancien représentant de l'Organisation internationale de la Francophonie (Oif) à Abidjan a laissé une triste image chez les Guinéens. Il n'a pu apporter l'eau et l'électricité comme promis. Le diplomate, en voulant jouer les équilibristes entre un chef de l'Etat diminué physiquement par la maladie et la société civile qui a soif de changement, s'est discrédité. Son limogeage n'a suscité aucune réaction de la part des syndicats qui ont au contraire salué la décision. La tâche revient donc à Tidjane Souaré de résoudre la grave crise économique que traverse le pays.

Nomel Essis

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